Mon histoire d’amour avec le secteur Deschênes de Gatineau commence par la famille Tremblay née près du rapide,
Source de l’intérêt pour cette enquête en histoire
Il y a souvent de ces endroits nous ramenant à ces bons souvenirs d’enfance. L’histoire locale n’a pas toujours cet air de noblesse auprès des érudits et elle passe alors souvent inaperçue, voire même oubliée de l’historiographie. Il y a pourtant des secrets bien cachés de la grande histoire dans un hameau ayant marqué de près mon enfance. Le village de Deschênes qui est à mi-chemin entre Hull et Aylmer évoque chez moi mon temps chez mes grands-parents maternels. Maintenant, Deschênes est un secteur de la Ville de Gatineau. Malgré que peu de personnes connaissent cet endroit, il s’y révèle une histoire semée d’intrigues et de mystères. Michelle Guitard ajoute que Deschênes est « un petit lieu contenant une grande possibilité d’interprétation historique[1] ».

Collection : Album de famille, Lynne Rodier
Personnellement, mon arrière-grand-mère et ma grand-mère ont grandi près du rapide de Deschênes sur le premier rang du canton de Hull. Le village qu’elles ont vu naître en 1920 a évolué avec elles, et il a su les retenir à la terre de leur enfance toute leur vie[2]. Mon arrière-grand-mère, Blanche Deschênes y est née en 1884 dans une petite maison près de la rivière des Outaouais non loin d’un poste de traite, un secteur très pauvre près du lac Dechênes. On m’a parlé de ces cabanes près de la rivière. Son père est de la famille Miville-Deschênes ayant migré du nord de Berthierville vers l’Outaouais à la fin du 19e siècle comme beaucoup d’autres familles pionnières canadiennes-françaises de la région[3].

Pointe du rapide à gauche et le secteur Nepean d’Ottawa à l’horizon,
Bibliothèque et Archives Canada,
photographie a008400
« À la fin du 19e siècle, la partie où étaient regroupées les habitations et identifiée comme étant le village de Deschênes était située sur le chemin principal ou rue Principale, à une petite distance de la ferme et les moulins des Conroy[4] ». Le phénomène de l’urbanisation progresse alors rapidement sur les terres du rang 1 à l’arrivée de mes ancêtres. Le chemin de fer et éventuellement, le tramway déplace un grand nombre d’ouvriers de la région venant travailler aux usines du rapide. Certains ouvriers achètent une terre nouvellement cadastrée dans le village[5]. Quant à Blanche, elle épouse Ferdinand Tremblay, un ouvrier à la centrale hydroélectrique Deschenes Electric Company. Il faut admettre qu’un très grand nombre d’hommes de leur voisinage travaillent aussi dans les industries de la famille Conroy [6]. Les Tremblay élèvent neuf enfants qui sont allés à l’école du village. Que mes arrières-oncles Roland et René migrent à la fermeture de la North-American British Nickel Plant en 1920. Toutes les femmes Tremblay finissent leurs jours non loin du village de leur enfance.

Source : Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau
Au village, il y a de grandes fêtes qui s’annoncent avec l’arrivée des grands canots au début du 20e siècle selon ma grand-mère[7]. C’est d’ailleurs pendant ces festivités bien courues près de la rivière qu’elle rencontre mon grand-père Paquin d’Aylmer. Mes grands-parents vont s’installer dans la Basse-Ville d’Ottawa, mais reviendront vivre à Deschênes dans les années 1960. Lors de la fusion de Deschênes à la ville d’Aylmer en 1976, cet ancien secteur industriel n’avait pas tellement grandi depuis la fermeture définitive de l’usine de Nickel (1917-1922) [8].

Fonds Secteur Deschênes, Gatineau,
Archives de la ville de Gatineau
– Urbanisme, Ville de Gatineau
Le village s’intègre peu à peu à la banlieue des villes environnantes. Ainsi, Deschênes conserve toujours des traces du patrimoine relatant les débuts de l’occupation humaine près du rapide de Deschênes malgré qu’aucune usine ne demeure debout. Aujourd’hui, ce secteur de la ville de Gatineau conserve des cachets extraordinaires pour mieux cerner la mémoire immatérielle révélant en plus de l’ampleur de son potentiel archéologique[9]. Ces bons souvenirs amènent à vouloir faire valoir l’histoire locale presque inconnue en dehors de cette petite péninsule au pied du rapide Deschênes.

Collection personnelle, Lynne Rodier (Été 2011)
[1] Michelle Guitard, Quartier de Deschênes, Énoncé d’importance et historique, Association des résidents de Deschênes et l’Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau (Québec), Octobre 2012, p.9.
[2] Le village de Deschênes est incorporé en 1920. Communauté chrétienne Saint-Médard, Programme souvenir, 1923-1973, Juin 1973, 71 pages. Séguin, Jacques, Une communauté chrétienne vivante, Saint-Médard d’Aylmer 1923-1998, 128 pages. Michelle Guitard, Quartier de Deschênes, Énoncé d’importance et historique, Association des résidents de Deschênes et l’Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau (Québec), Octobre 2012, p.7.
[3] Il n’a pas été possible de trouver la première famille Miville-Deschênes de Deschênes sur les recensements. Il y a la certitude qui y vive mais aucun témoin de leur passage s’est amené à nous. Il faut admettre que toute personne ayant Miville-Deschênes dans leur arbre généalogique rencontre des problèmes semblable selon madame Larocque de l’association du patrimoine d’Aylmer reconnue pour son expertise en généalogie dans la région.
[4] Michelle Guitard, Quartier de Deschênes, Énoncé d’importance et historique, Association des résidents de Deschênes et l’Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau (Québec), Octobre 2012,p. 25.
[5] Michelle Guitard, Quartier de Deschênes, Énoncé d’importance et historique, Association des résidents de Deschênes et l’Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau (Québec), Octobre 2012,p.25.
[6] Recensement 1911

Statistique Canada
[7] Les voyageurs sur la rivière arrête toujours au rapide de Deschênes, car il impose un portage de plus d’une centaine de pas. J’aurai la chance d’exposer à ce sujet sur ce blogue.
[8] « À la fin de la première guerre mondiale, la British North Americain Nickel installe une vaste raffinerie dans le village de Deschênes, composé de trois bâtiments, la raffinerie même étant de 680 pieds sur 250 avec une cheminée de 250 pieds. Elle aurait engagé des centaines de travailleurs, lesquels auraient travaillé 7 jours par semaine. La date d’ouverture serait vers 1917 et elle ferma ses portes en mai 1922. L’information sur cette compagnie varie selon les sources secondaires disponibles. Une étude plus approfondie pourraient être pertinente » (Guitard :23). L’anecdote dans ma famille raconte que le grand-père à ma mère est des nombreux charpentiers ayant construit l’usine. Son grand-père maternel verra au dynamitage et à faire descendre la plus haute cheminée de la région, celle de la British North American Nickel.
[9] L’évaluation du potentiel archéologique a d’abord attiré Jean-Luc Pilon, archéologue au Musée canadien des civilisations. Il fait remarquer que cet espace près des rapides détient un potentiel élevé. De plus, le Groupe de recherche archéologique de l’Outaouais (GRAO) et l’Association des résidents de Deschênes (ARD) ont évalué de nouveau le potentiel des lieux à partir de l’évaluation de monsieur Pilon. Les sources cartographiques et photographiques de cette recherche ont été utiles à l’analyse des lieux à l’automne 2012. L’été 2013 annonce le début des fouilles près des rapides à Deschênes.