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Mary McConnell, pilier de la famille Conroy

Mary McConnell, pilier de la famille Conroy

1. Rôle des pionnières dans le développement de l’Outaouais

Il est rare que l’histoire économique mentionne les efforts des femmes dans les entreprises familiales au 19e siècle. De plus, on accorde peu d’importance à l’esprit d’initiative d’une femme et de sa famille dans l’essor d’un village. L’histoire de l’Outaouais ne fait pas exception. « L’exploitation forestière est habituellement considérée comme ayant appartenu à un univers masculin, mais femmes et enfants y ont joué des rôles variés et importants, et ce, même dans les familles des principaux marchands[1]. » Dans le cas de la famille Conroy, il est difficile de cerner l’influence de Mary McConnell dans l’essor économique de la région et au sein des entreprises familiales à Aylmer. Son rôle est aussi sous-estimé dans l’établissement du village de Deschênes. « Et même si, dans les documents officiels, le crédit en est généralement attribué au chef de famille, il ne faut pas oublier que la réussite, dans le domaine de la terre et de la forêt, doit être attribuée à la famille tout entière[2]. »

a) Mary McConnell et son intérêt pour le lot 15-a

On attribue habituellement à Robert Conroy ou à ses fils l’essor des premières industries à Deschênes. Les terres près des rapides appartiennent néanmoins à Mary McConnell qui avait acheté pour cinq shillings le lot 15-a de 100 acres de son oncle James[3] avec la permission de son époux et la collaboration de son père, William[4], de son cousin Richard[5], de Charles Symmes et de Murdoch McGillivray[6]. La première scierie aurait été modernisée en 1869, un an après le décès de Robert Conroy, époux de Mary, suivie de la construction d’une deuxième scierie quelques années plus tard[7].

Dans les années 1870[8], les scieries produisent 6 millions de pieds de planches à Deschênes classant ainsi Mary McConnell comme la 8e plus grande productrice de bois de sciage en Outaouais québécois[9]. La ferme Conroy est aussi une des mieux connues de l’est du Canada[10]. Mary McConnell peut donc être considérée comme la bâtisseuse du village industriel aux rapides Deschênes. Ces manufactures et la grande ferme servent de noyau de croissance pour Deschênes[11] où le rail se rend « (…) jusqu’à proximité des moulins (qui) révèlent un volume de production important dans l’économie régionale. »[12] « On y trouvait aussi un moulin à farine avec des auberges et de grandes étables pour y loger les nombreux cultivateurs et leurs attelages qui devaient souvent attendre une journée ou deux pour leur mouture[13]. » La diversité des industries reflète aussi l’importance qu’accorde Mary McConnell au développement de sa terre aux rapides Deschênes. Sa grande ferme loge une grande écurie[14], une des fermes laitières les plus prospères de la région et un élevage porcin. « Déjà en 1894, il y avait suffisamment d’achalandage au village pour y établir un bureau de poste, sous le nom de « Deschênes Mills » [15]». À cette époque, Deschênes Mills fait partie de la municipalité de Hull-Sud (South-Hull).

[Conroy Lumber Mills]
BAC-MIKAN 3371909

2. Regard sur l’évolution du droit civil au 19e siècle

a) La dualité du droit civil au Bas-Canada

La propriété de Mary McConnell aux rapides Deschênes est un observatoire privilégié pour suivre l’évolution du droit civil chez les femmes de l’élite bourgeoise au Bas-Canada. « Depuis la publication de L’histoire des femmes au Québec, peu d’historiens se sont penchés sur les droits civils et politiques des femmes dans la province[16]. » Il est alors intéressant de prendre connaissance des actions de Mrs Robert Conroy dans l’appropriation d’une terre tenue en franc et commun soccage (Common Law) issu de l’héritage McConnell en 1857. « La femme mariée anglaise n’avait aucun droit aux biens accumulés pendant le mariage, même pas s’ils provenaient en tout ou en partie des fruits des biens qu’elle avait apportés au mariage[17]. »

En suivant de plus près la tenure de la propriété avec l’acte de vente et le transfert du lot 15-a de William McConnell à Mary McConnell, les documents notariés démontrent de l’usage du « droit civil à la française » par le fait qu’ils soient signés devant notaire et non d’un avocat faisant usage du « droit civil à l’anglaise »[18]. Les cantons ont un statut particulier au Bas-Canada et sont normalement soumis à la Common Law et non à la Coutume de Paris comme c’était le cas pour les anciennes terres concédées à l’époque de la Nouvelle-France. Mary McConnell est née au Bas-Canada avant 1841, alors elle a toujours la possibilité de se pourvoir du droit de douaire coutumier qui « (…) consistait à retirer l’usufruit (…) de la moitié des biens immeubles possédés par le mari lors du mariage et de ceux qu’elle recevait en héritage de ses père et mère et autres ascendants durant le mariage (art. 1434)[19].

b) La Loi sur l’enregistrement foncier obligatoire de 1841

La Loi sur l’enregistrement foncier obligatoire de 1841 transforme les formalités du droit de douaire requérant de l’inscrire, de le contractualiser et de le formaliser. « Par le droit douaire, une femme et ses enfants peuvent conserver, après la mort du mari propriétaire, la jouissance de certains biens, même s’ils ont déjà été vendus ou hypothéqués[20]. » Cette loi transforme les moyens par lesquels l’épouse peut disposer de ses biens fonciers ou de les protéger des créanciers. « Le privilège du douaire primait sur les droits des autres créanciers[21]. » La loi de 1841 permet alors aux femmes de vendre leur propriété garantie par leur droit de douaire délaissant ainsi ce droit sur l’héritage des enfants et sur la protection des biens immobiliers des créanciers de l’époux à son décès.

Dès 1857, toutes les femmes du Canada-Est peuvent se prévaloir officiellement du droit civil au lieu de la Common Law dans la gestion de leurs biens fonciers[22]. Il demeure que ce ne sont pas toutes les femmes et encore moins leurs enfants qui peuvent facilement se prévaloir du droit de douaire après 1841. « Les femmes doivent désormais renoncer pour elle et leurs enfants à l’ancienne protection matérielle du droit douaire, libérant ainsi les titres de propriété de leurs maris[23]. » En somme, la loi sur l’enregistrement foncier oblige à enregistrer le douaire sur les biens immobiliers. « L’instauration de bureau d’enregistrement, en 1841, ne fait que renforcer pour les femmes l’obligation de renoncer au douaire[24]. » La correspondance légale et financière dans le fonds d’archives de la famille Conroy nous renseigne sur les moyens que prend Mary McConnell pour mettre en valeur le lot 15, rang 1, canton de Hull, entre 1857-1887.

c) Les transactions foncières du village Deschênes

La transformation des lots agricoles en parcelles villageoises demeure mystérieuse, à défaut de réaliser une étude complète de la chaîne de titres fonciers. « De plus, l’arpentage du canton de 1806, ne contenait pas les subdivisions subséquentes[25]. » Les listes d’enregistrement renseignent sur les conditions de vente et les transferts des biens immobiliers. La correspondance légale nous informe sur les biens bénéficiant du droit de douaire sur les biens immobiliers de la famille Conroy. La partie est du village de Deschênes revient d’abord à Ithamar Day en 1831. Ce marchand confie l’autorité de la concession à son fils, Charles Dewey Day, pour les procédures de la demande de la lettre patente avant de quitter définitivement la région pour les États-Unis. « En outre, les colons devaient subir tellement de tracasseries administratives pour obtenir la moindre parcelle de terre de la Couronne ou du clergé que nombreux étaient ceux qui abandonnaient tout projet d’établissement agricole[26]. » Ensuite, au départ de Charles Dewey Day pour Montréal, s’amorce simultanément les procédures de transfert des titres de propriété des lots 15-a et 15-b[27]. En 1857, l’acte de vente et la succession sont finalisés l’année où se retire Charles Dewey Day des affaires entourant le lot 15-b[28] et où Mary McConnell, fille de l’associé William, accède aux titres de propriété du lot 15-a[29]. Cette même année, les formalités juridiques mènent à l’enregistrement et à la publication de la lettre patente de Charles Dewey Day par la Commission des terres de la province du Canada.

Les transferts fonciers se finalisent après le décès de James McConnell en 1851[30]. William devient le propriétaire d’office du lot 15-a, selon divers témoignages, et il transfère à sa fille, Mary, la propriété pour une somme symbolique en 1857. Avec le temps, la légitimité du transfert est contestée ou revendiquée et les difficultés juridiques et légales s’accroissent pour Mary McConnell à Deschênes. Son cousin, Renaldo, conteste la validité de l’entente prise entre Charles Dewey Day et son père, James[31]. Dans sa lettre, il soulève le contexte litigieux dont il a été témoin, car il a accompagné dans cette démarche son père qui avait des difficultés auditives et qui éprouvait toujours du regret quant à la mort de son fils, aussi nommé James, en 1847[32]. Il ne faut pas oublier le témoignage tardif de Murdoch McGillivray qui confirme le transfert de propriété à William McConnell[33]. Sa fille, Mary, fait aussi appel à des politiciens de l’élite conservatrice[34] de la province du Canada. Elle demande à des députés[35] de présenter sa cause devant le parlement du Canada-Uni. Les difficultés légales persistent avec l’accroissement des hypothèques sur les propriétés riveraines des Conroy. À deux reprises, les Conroy doivent comparaître devant la Cour supérieure pour défendre leurs intérêts entourant leurs industries aux rapides Deschênes. On constate alors que la famille Conroy détient un large réseau d’influence politique et économique dans la province du Canada.

3. La veuve, Mrs Robert Conroy

Au décès de Robert Conroy, en 1868, Mary McConnell et son fils aîné James deviennent tutrice et cotuteur des enfants mineurs : Robert Hugues, Charlotte Ann, William Jackson, Mary et Ida[36]. « Seulement après le décès de son mari, comme veuve, pourrait-elle devenir tutrice, et cela, uniquement pour ses propres enfants ?[37] » Dans le testament daté du 13 avril 1868, Mary McConnell est chargée de l’administration de l’ensemble des biens qui reviennent aux héritiers après son décès[38]. Cette administration des biens est la demande privilégiée de la majorité des époux au 19e siècle[39]. Cette situation empêche cependant Mary McConnell de disposer du patrimoine familial, car cette autorité revient à l’ensemble des héritiers après son décès[40]. Ces derniers sont autorisés à vendre leur part d’héritage à leurs frères et à leurs sœurs, une fois qu’ils sont majeurs[41].

BAC-MIKAN 3451003 - Conroy, R. Mrs.-e010953798-v8
Conroy, R. Mrs.- BACe010953798-v8, MIKAN#3451003

a) Le tuteur et l’exécuteur testamentaire

Le fils aîné de la famille, James Conroy, est aussi nommé exécuteur testamentaire. Le testament prévoit une compensation pour sa charge familiale lui léguant une subdivision de 7 acres au sud du lot 15, rang 2, sur lequel se trouve aussi l’église presbytérienne à l’angle des chemins de Deschênes et d’Aylmer[42]. James quitte Aylmer pour s’établir à Fort Collins au Colorado avec sa famille après 1870[43]. Il vend le lot 15, rang 2, à Robert Stuart en 1872[44]. De plus, en 1876, James Conroy cède son autorité et l’entière administration des propriétés foncières à sa mère. Ainsi, Mary McConnell est libre de subdiviser ou de vendre ses parts de propriété de l’héritage Conroy. Elle vend d’ailleurs un droit de passage de 4 acres à la compagnie de chemin de fer quelques mois plus tard. James et son épouse, Emily McConnell, maintiennent cependant un rôle central quant à la perpétuation du droit de douaire des Conroy sur le lot 15-a. Emily McConnell est la seule personne ayant acquis un droit de douaire légitime sur cette propriété[45]. Elle est la fille de Richard McConnell et la petite-fille de l’associé, James McConnell[46].

Pendant ce temps, Mary McConnell concentre ses énergies à rentabiliser sa ferme sur le lot 15-a, rang 1 du canton de Hull et à moderniser les infrastructures industrielles qui font naître un village aux abords des rapides Deschênes à partir de 1869. « Du pouvoir économique détenu par les marchands découle leur influence sociale[47]. » Dame Mary McConnell[48] ou la veuve Mrs Robert Conroy est une de ces femmes pionnières qui a amené le rail[49] vers sa grande ferme laitière, ses hôtels, ses scieries et ses industries et, par ses héritiers, l’hydroélectricité aux rapides Deschênes. La famille Conroy sait composer avec le risque du démarrage et de l’expansion des entreprises en Outaouais. Cette femme assure la position socioéconomique privilégiée de la famille Conroy parmi l’élite régionale à la suite du décès de son époux.

[Conroy Lumber Mills]
Bibliothèque et Archives Canada, a013224-v6,
MIKAN # 3371910

b) L’inventaire après décès de Robert Conroy

En 1880, Mary McConnell est condamnée par la Cour supérieure à verser 246 217 $ à la Banque de Québec[50]. Elle transfère alors une part de ses propriétés à ses fils, Robert Hughes et William Jackson[51]. Devant cette situation trouble, la famille Conroy réorganise ses actifs afin de protéger ses intérêts. Les problèmes légaux de Mary McConnell expliquent probablement le dépôt de l’inventaire après décès de Robert Conroy douze ans après sa mort[52]. Cet inventaire résume l’ensemble des biens immobiliers accumulés par les époux en communauté de biens. « La communauté de biens, automatique en l’absence d’un contrat de mariage, mettait en commun les biens (meubles et immeubles) acquis durant le mariage, les revenus produits durant cette période ainsi que les biens et meubles possédés par les conjoints au moment de l’union[53]. » Il n’y a aucune mention des effets personnels du défunt comme il est souvent la coutume dans de tels inventaires. « Suivant le temps écoulé entre le moment du décès et la rédaction de l’inventaire, le contenu de l’acte est plus ou moins susceptible de rendre fidèlement l’ensemble des biens d’une personne ou de sa communauté[54]. »

Les couples d’origine britannique contractaient majoritairement en séparation de biens vu que la communauté de biens est étrangère au droit anglais au 19e siècle[55]. Ainsi, cette situation contraire aux coutumes britanniques par le choix de ce régime matrimonial laisse peu de doute sur le fait que Mary McConnell précise son régime matrimonial en communauté de biens[56]. « La communauté des biens était assez favorable, d’un point de vue économique, si le couple prospérait et pouvait acquérir des terres ou d’autres immeubles, car l’épouse était propriétaire de la moitié de ces avoirs[57]. » L’usage du « droit civil à la française » dans la gestion de la moitié de ses biens laisse la possibilité à la veuve et tutrice de contracter des hypothèques sur sa part des biens sans pour autant nuire aux parts de ses enfants. La communauté de biens laisse ainsi le droit à la famille à un douaire[58]. Cet inventaire laisse entendre que la famille Conroy formalise de façon définitive le droit de douaire sur leurs propriétés foncières au début des années 1880[59].

4. Protection des biens fonciers de la succession en terre de colonisation

L’inventaire après décès de Robert Conroy introduit le terme Homestead pour décrire certaines propriétés, soit le Homestead Symmes Landing et le R & W Conroy’s Homestead. Cette expression décrit la partie de la propriété où sont surtout installées les industries et les installations de la ferme d’en arrière. Mary McConnell a transformé les terres d’un vieux poste de traite en grande ferme où se multiplient les industries. Elle entreprend les travaux de construction d’au moins une scierie et elle modernise le moulin à farine à grande production. Ces industries mènent Deschênes à son âge d’or entre 1870 et 1920. Cette dame d’affaires d’Aylmer lègue aussi à ses enfants une grande ferme laitière prospère et moderne à une distance de marche des industries.

Le lot 15 est une source importante de revenus de la famille Conroy au 19e siècle. En plus d’être bâtisseuse en région de colonisation, Mary McConnell vit avec les transformations législatives affectant le droit de douaire des femmes au 19e siècle. C’est alors en tant que veuve qu’elle entreprend les démarches nécessaires pour se prévaloir du « droit à la française » dans les documents légaux. Cette procédure est nécessaire pour garantir le droit de douaire. « Ainsi, le nouveau Code civil adopté en 1866 exige que le douaire coutumier, qui avait été épargné par les modifications apportées dans les années 1840, soit désormais soumis lui aussi à la procédure d’enregistrement. » Il y a aussi certaines circonstances qui peuvent faire de leur condition financière une réalité assez fragile[2] surtout dans les domaines du bois et du transport.

P154,S1,D29, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Mary McConnell, Centre des archives de l’Outaouais, Fonds Famille Conroy, Photographie Notman.

Ensuite, Mary McConnell affirme son statut matrimonial en communauté de biens[1] et, dans les documents légaux successifs, il y a des traces de plus en plus évidentes qui laissent entendre que les héritiers de la famille Conroy se prévalent du droit de douaire à la période où s’amène le rail à Deschênes. Les fils, Robert Hugues et William Jackson, se lancent alors en affaire sous le nom de R & W Conroy. Ils protègent ainsi les propriétés de la famille Conroy de leurs créanciers. Ils séparent leur entreprise des terres sur lesquels se situent leurs industries. Ils peuvent ainsi financer le risque de leurs entreprises à Deschênes sans perdre la part de l’héritage qui leur revient à l’ensemble des héritiers et des héritières de la famille Conroy à la fin du 19e siècle.

C’est en 1902 que les héritiers et les héritières commencent à vendre leurs biens immobiliers à la suite des problèmes financiers des entreprises R & W Conroy. Cette période correspond à la vente de certaines parcelles du lot 15-a à la Commission des terres de la Couronne. Par contre, les entreprises démarrées par la famille Conroy poursuivent leurs opérations et elles conservent leurs droits de passage sur les terres de la Couronne. La Compagnie du Canadien Pacifique et la raffinerie de nickel s’installent sur une bonne partie du lot 15-a au début du 20e siècle. Aujourd’hui, une grande partie de ces terres appartiennent à la Commission de la capitale nationale du Canada (CCN).

Ce parc riverain témoigne toujours de la prise de possession de ce bien foncier par une femme d’affaires qui a su préserver les dernières traces du droit de douaire et les transformations du statut juridique des femmes et des droits de la famille dans un canton du Bas-Canada au 19e siècle.

Notes de bas de page

[1] Bradbury explique : « These particuliar legal identities of wifes mattered. When married women interacted with the business world, they were identified not just as wives but as wife common to their goods, wives separate as to their goods, or wives married in exclusion of community » dans Bradbury, Wife to widow, p. 85. Dans le cas particulier de Mary McConnell, ce n’est que lorsqu’elle est veuve que son régime matrimonial se définit. Étant née au Bas-Canada et en absence d’un contrat de mariage, ce statut légal est la norme pour les femmes de cette époque.

[1] Gaffield, L’histoire de l’Outaouais, p. 136.

[2] Ibid.

[3] BAnQ,  P 154, D7, Transfert des propriétés de l’inventaire Mary McConnell à Robert H. et W. J. Conroy, 27 septembre 1880, Lib. B, Vol. 24, Part. 780, No 665.

[4] BAnQ, P 154, S3, D1 / 1, Déposition de l’Affidavit de Murdoch McGillivray faite par Charles Symmes, à Aylmer, 1er juin 1857.

[5] Richard McConnell est le fils de l’associé James McConnell. Sa fille, Emily, épouse James Conroy, le fils de Mary et Robert Conroy en 1864. Voir – Parish register for Saint James’s Church, Hull, Quebec, covering the years 1868-1886, Parish Register 447, page 12. BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr., James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hugues Conroy & W. J. Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887. C’est dans cet acte de vente qu’Emily McConnell fait reconnaître son droit douaire sur le lot 15-a. Le mot « DOWER » y est clairement énoncé. Cet acte de vente démontre aussi le pouvoir légal des femmes de la famille Conroy à transiger leur bien foncier. Elles ont autant d’autorité dans les transactions immobilières que leurs époux. Aussi, cet acte demeure vague quant aux titres fonciers des Conroy.

[6] BAnQ, P154, D1 D1 / 1, Déposition de l’Affidavit de Murdoch McGillivray faite par Charles Symmes, à Aylmer, 1 juin 1857.

[7] Guitard, Quartier de Deschênes, p. 20-21.

[8] Taché, Nord de l’Outaouais, p. 207.

[9] Tassé, Vallée de l’Outaouais, p. 34.

[10] Aldred, Le chemin d’Aylmer, p. 188-189.

[11] Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[12] Guitard, Quartier de Deschênes, p. 6.

[13] Jacques Séguin,  « Un peu d’histoire… », Une communauté chrétienne vivante, Saint-Médard d’Aylmer, 1923-1998, Paroisse de Saint-Médard, 1998, p. 21 et Brault, Aylmer d’hier, p. 233.

[14] LabMIT, Le quartier Deschênes, p. 25 ; BAnQ,  P154, D6, Liste d’inventaire après décès de Robert Conroy, 1879. La liste d’inventaire spécifie qu’il y a 80 vaches, 20 vieux chevaux et 12 poulains de moins de trois ans.

[15] Guitard, Quartier de Deschênes, p. 7.

[16] Bradbury, Devenir majeure, p. 35.

[17] Evelyn Kolish, « Depuis la Conquête : les Canadiens devant deux droits familiaux », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 39, 1994, p. 17.

[18] Les actes notariés sont permis dans les townships à partir de 1826. Ces actes démontrent aussi les pratiques subordonnées à la « loi française ». Les documents se conformant à la Coutume de Paris sont habituellement écrits par un notaire. Voir Bradbury, Wife to Widow, p. 153.

[19] Bradbury, Devenir majeure, p. 36.

[20] Collectif Clio, Histoire des femmes du Québec, p. 165.

[21] Bradbury, Devenir majeure, p. 37.

[22] Brierley, The Co-existence of Legal Systems in Quebec, p. 286.

[23] Collectif Clio, Histoire des femmes du Québec, p. 165.

[24] Ibid.

[25] Guitard, Quartier de Deschênes, p. 18. Guitard ajoute : « De plus, le village de Deschênes a son premier plan cadastral en 1884, et il est modifié en 1887. »

[26] Gérald Bernier, et D. Salée, « Appropriation foncière et bourgeoisie marchande : éléments pour une analyse de l’économie marchande du Bas-Canada avant 1846 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 36, n° 2, 1982,

  1. 185.

[27] James McConnell, frère de William McConnell, meurt en 1851. Quant à Charles Dewey Day, le fils d’Ithamar, il vend vraisemblablement le moulin à scie lors de la vente du lot 15-b à Louis Maurille Coutlée le 16 août 1850 selon Guitard, Quartier de Deschênes, p. 17. Guitard ajoute : « Coutlée avait emprunté l’argent pour l’achat de cette propriété à 2250 £ à quelques voisins (Stewart, Foran, Tufts, Bourgeau, Montmarquet). Les sommes dues passèrent d’un créancier à l’autre et par la Cour Supérieure. » Ibid. p. 17-18.

[28] Il vend le lot 15-b, rang 1 et les améliorations apportées par son père, Ithamar, avant son départ en 1831.

[29] BAnQ, P 154, D1, Acte de vente et de transfert des titres de propriété, 30 mai 1857.

[30] Elaine Howes, The Descendants of Robert McConnell & Eleanor McDonald, The Island Register, http://www.islandregister.com/mcconnell1.html (Consulté le 19 novembre 2013). Voir aussi l’annexe 3, Arbre généalogique, aux pages 92, 93 et 94.

[31] BAnQ, P154, S3, D1/1, Lettre de Renaldo McConnell : « That he is acquainted with the sale his father made of half of lot no 15 in the first range of Hull to Mr Day but he, Ithmar noting of any arbitration  having to them place between his late father and Mr Day relating to the said lot no 15 on the first range aforesaid and does not  believed  that any such arbitration ever took place. ».

[32] Ibid.

[33] BAnQ, P 154, D1, Acte de vente et de transfert des titres de propriété, 30 mai 1857.

[34] Il y a peu de preuve du réseau d’influence politique des Conroy parmi l’élite conservatrice de la province du Canada. En fait, la famille Conroy est proche de cette élite grâce à son luxueux hôtel British. D’ailleurs, le prince de Galle est venu assister à un bal à l’occasion de son passage à Aylmer en 1860 (Bégin, Auberge Conroy, p. 39). Selon les rumeurs, l’assassin de Thomas D’Arcy McGee s’est brièvement présenté aux funérailles de Robert Conroy, décédé le 8 avril 1868, le lendemain du meurtre (Ibid. p.41). John A. McDonald (Ibid. p. 44) était aussi familier avec ce fameux hôtel d’Aylmer, toujours selon les rumeurs, et Louis Cyr est aussi de la liste des invités de passage en 1898 (Ibid. p.46). Enfin, en 1895, il s’y tient une réunion entre Mackenzie Bowell (premier ministre du Canada), Sir Charles Tupper (son successeurs quelques mois plus tard), Adolphe Caron (ministre des postes) et Julius G. Lay du consul général des États-Unis au Canada. Ces hommes séjournent pendant la même période où se discute la questions des problèmes scolaires au Manitoba (Ibid. p. 30).

[35] BAnQ, P 154, D2/1. Lettre au député Thomas Lewis Drummond. La lettre est d’un auteur inconnu. « Thomas Lewis Drummond, the Irish born lawyer and politician who had studied with Charles Dewey Day and also defended Patriots following the Rebellions, described the Registry Ordinance as «  a law that would never have been passed by a free legislature » Note chap.-4.65 dans Bradbury, Wife to Widow, p. 135. Cette citation démontre les changements importants au droit civil du Bas-Canada à la veille de l’Union des deux Canadas. Il est aussi intéressant de voir que Mary McConnell ou tout autre auteur de cette correspondance de la famille Conroy fait appel à un collègue de Charles Dewey Day pour introduire devant le parlement du Canada-Uni cette « affaire » en lien avec le transfert des titres de propriété du lot 15-a.

[36] BAnQ, P154, S3, D1/1, Liste des documents concernant la propriété du lot 15, rang 1, et une partie du lot 15, rang 2, du Canton de Hull entre 1850 et 1887. « Liste enregistrée au Bureau d’enregistrement du Canton de Hull, signée par Louis Duhamel, protonotaire du Bureau d’enregistrement » et dans Guitard, Michelle, Secteur Deschênes, p. 18.

[37] Kolish, Depuis la Conquête : les Canadiens devant deux droits familiaux, p.16.

[38] Traduction libre de : « By which he bequeathed the usufruct of his moveable & unmovable property to Mary McConnell during her lifetime and after her death the full and absolute property to be divided among his children. » BAnQ, P154, D1, Enregistrement du testament de Robert Conroy, 11 avril 1868, « Liste d’enregistrement foncier, 1850-1887, Comté d’Ottawa, Province du Québec, signée devant le registraire, Louis Duhamel.

[39] Bradbury, Wife to Widow, p. 158.

[40] BAnQ, P154, D1, Enregistrement du testament de Robert Conroy, 11 avril 1868, « Liste d’enregistrement foncier, 1850-1887, Comté d’Ottawa, Province du Québec, Signée devant le registraire, Louis Duhamel ». Dans la marge de cette liste, il est indiqué « With reserves however & with ».

[41] BAnQ, P154, D7, Acte de vente et transfert de l’héritage de Charlotte Conroy, 5 mai 1881, pres. B, vol 25, no 528, 455. ; BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr., James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hugues Conroy & W. J. Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887.

[42] Ibid. et dans Aldred, Chemin d’Aylmer, p. 179.

[43] James Conroy fait baptiser son fils à Aylmer en 1870. Parish Register 434, Parish Register for Christ Church, Aylmer, Quebec, covering the years 1866-1886, folio 15. Il est noté que James Conroy est marié à Emily McConnell. Elle est la fille de Richard (fils de James McConnell) et alors, la cousine de James McConnell.

[44] BAnQ, P 154, D1, Enregistrement de la vente du lot 15, rang 2 de James Conroy à Robert Stuart, testament de Robert Conroy, « Liste d’enregistrement foncier, 1850-1887, Comté d’Ottawa, Province de Québec, signée devant le registraire, Louis Duhamel ».

[45] L’acte notarié de Charlotte offre un regard détaillé sur la redistribution du patrimoine entre les héritiers Conroy à la suite du décès de leur sœur en 1881. Il décrit en détail le bien foncier des héritiers Conroy et il mentionne le droit douaire dont bénéficie Emily McConnell sur le lot 15-a dans BAnQ, P154, D7, Acte de vente et transfert de l’héritage de Charlotte Conroy, 5 mai 1881, pres. B, vol 25, no 528, 455. De nouveau, le droit douaire est mentionné dans l’acte de vente suivant : BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr., James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hugues Conroy & W. J. Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887.

[46] Acte de mariage entre James Conroy et Emily McConnell. Parish Register 447, Saint James Church, Hull, Quebec, covering the years 1868-1886, page 12.

[47] Lise St-Georges, « Commerce, crédit et transactions foncières : pratiques de la communauté marchande du bourg de l’Assomption, 1748-1791 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 39, n° 3, 1986, p. 343.

[48] D’un air très sérieux, la photographie, de Dame Mary McConnell, montre la veuve dans ses habits de veuvage typique des femmes affirmant leur autorité dans la gestion du patrimoine familial au 19e siècle. BAnQ, P154, S1, D29, Fonds de la famille Conroy, « Photographie, Mary McConnell », Studio Notman (Ottawa). Ce portrait rappelle que Mary McConnell peut négocier ses hypothèques et à gérer ses biens fonciers. Elle montre par ses habits son statut social de veuve. À ce sujet, voir Bradbury, Wife to Widow, p. 207-209.

[49] Le nom de Mrs Mary Conroy paraît sur le plan du tracé du chemin de fer menant à Aylmer dans BAnQ, E25, S105, SS4, D878, Fonds du Ministère des Travaux publics et de l’Approvisionnement, W. Dale Harris, Plan du tracé du Pontiac and Pacific Junction Railway, – 400 pieds : 1 po. – 23 avril 1888, Québec.

[50] BAnQ, P154, D1, Enregistrement du jugement de la cour supérieure du district d’Ottawa, 18 septembre 1880,

no 598. Les documents légaux du fonds de la famille Conroy n’offrent aucune explication à ce sujet.

[51] Ibid.

[52] Ibid.

[53] Thierry Nootens, « Des privations ne peuvent pas constituer une fortune : les droits financiers des femmes mariées de la bourgeoisie québécoise face au marché, 1900-1930 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 65, no 1, 2011, p. 62.

[54] Yvan Morin, « La représentativité de l’inventaire après décès : l’étude d’un cas : Québec au début du XIXe siècle», Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 34, n° 4, 1981, p. 521.

[55] Bradbury, Wife to Widow, p. 78-79 ; Kolish, Depuis la Conquête, p. 17.

[56] « May by the death of the said Robert Conroy and the said Mary McConnell as having bien communal en biens (communal et biens soulignés dans le texte) with the said late Robert Conroy, seized and rested with the one undivided half of the said real estate here therefore described which was all acquired during the existence of the said community ». BAnQ, Fonds Conroy, P 154, D7, Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy, Aylmer, 11 novembre 1880, Centre d’archives de l’Outaouais.

[57] Bradbury, « Devenir majeure : la lente conquête des droits », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 21, 1990, p. 36.

[58] Ibid.

[59] Jeune avocat en droit civil, Robert Hughes Conroy, écrit lui-même l’inventaire après décès de son père de la famille selon la copie de 1879.

[1] L’acte après décès (1880) mentionne : « (…) with the store cottage, known as the homestead. » BAnQ, P154, D7, Fonds de la famille Conroy, Acte après décès de Robert Conroy (1880).

[2] Nootens, « Des privations ne peuvent pas constituer une fortune », p. 61.

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Brasser les affaires et l’âge d’or d’Aylmer, Canada-Est, 1840-1870

Brasser les affaires et l’âge d’or d’Aylmer, Canada-Est, 1840-1870

Brasser les affaires en région de colonisation

Quand il s’agit de brasser les affaires en Outaouais au 19e siècle, nous découvrons des personnalités fortes, énergétiques et persévérantes. Ce troisième article de la série les Bâtisseurs de l’Outaouais se penche sur le monde des affaires de Robert Conroy d’Aylmer. Dès son arrivée dans la région de l’Outaouais au début des années 1830, la vapeur fournit l’énergie nécessaire aux premières manufactures ne pouvant pas compter sur les forces hydrauliques des eaux calmes du lac Deschênes dans cette section de la rivière des Outaouais. Dès 1840 autour du réseau des trois portages des Chaudières, c’est dans le domaine du transport que la vapeur sert bien les marchands d’Aylmer malgré les difficultés que lui posent les obstacles naturels de la rivière des Outaouais. Cette jeune municipalité est le dernier village à l’ouest de Montréal. D’ailleurs, les voyageurs, les travailleurs forestiers et les colons se rendent à Aylmer pour atteindre les pays d’En-haut grâce au réseau de transport mis en place par l’élite marchande du canton de Hull au Canada-Est. Robert Conroy sait d’abord s’illustrer en tant que marchand et hôtelier dans cette communauté riveraine ayant regard vers l’Ouest des Canadas.

Bateaux à vapeur à la chute des Chaudières
George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 157.

La navigation et la vapeur Dans la région, les premiers bateaux à vapeur permettent le passage d’un nombre croissant d’immigrants et de marchandise voyageant en amont ou en aval de la chute des Chaudières dans le canton de Hull. Les succès d’Aylmer, le premier village du canton, reposent sur les moyens d’accéder à la partie supérieure de la rivière des Outaouais. Ainsi, l’élite d’Aylmer contribuent financièrement à l’essor du réseau routier et des voies d’accès à la rivière des Outaouais. Elle veille à développer des moyens de communication efficace afin d’inscrire la jeune communauté sur l’échiquier d’influence économique et politique de la région de l’Outaouais. Le débarcadère de L’abord-à-Symmes à Aylmer devient ainsi un lieu fort achalandé agissant à titre de point de liaison maritime et routier entre le Canada-Est, le Canada-Ouest et le Territoire du Nord-Ouest.

Religieux en train de méditer, BACc013569k,
Religieux en train de méditer, un vapeur sur l’Outaouais supérieur,
BACc013569k,

Robert Conroy, Esquire Il est intéressant de voir aux ambitions et aux aspirations d’une famille marchande du Canada-Est à travers un homme qui sait brasser les affaires en Outaouais. L’histoire du monde des affaires de Robert Conroy nous mène vers celle d’Aylmer. Déjà à la fin des années 1830, Robert Conroy a des champs d’intérêt commerciaux diversifiés à titre de marchand, de magasinier et d’hôtelier. Il connaît de près la problématique du transbordement et du transport au Canada grâce à ses contacts étroits avec les exploitants forestiers et les pionniers de la région. En s’installant à Aylmer, Robert Conroy collabore au développement des voies de communication et de transport. Il est parmi l’élite marchande de la région de l’Outaouais d’où son titre sur l’ensemble des documents légaux s’inscrit : Esquire.

Robert Conroy, BAnQ - 07H_P137S4D11P21
Robert Conroy,
BAnQ – 07H_P137S4D11P21

L’hôtellerie et les auberges Conroy

En 1834, Robert Conroy érige son premier hôtel, l’Aylmer, à proximité des bâtiments construits en 1822 par les Wright pour Charles Symmes sur la rue Principale[1]. Charles Symmes est d’ailleurs considéré de plein droit le fondateur du village d’Aylmer [2]. En 1836, Robert Conroy tient aussi l’auberge de pierre (auberge Symmes), menant au quai de L’abord-à-Symmes (Symmes Landing), jusqu’à la fin du projet de construction de son propre hôtel, le British. Quelques années plus tard, Conroy se porte acquéreur de ces installations qui comprennent l’auberge, le quai d’embarquement et le magasin-entrepôt et qui sont mieux connu sous le nom Symmes Landing[3]. Les hôtels et les services de transport soutiennent cette jeune communauté regardant rêveusement vers l’Ouest. «Symmes Landing prend vite figure de port de mer, alors qu’il n’était guère question de Bytown, encore moins de Hull[4]. » En collaborant ainsi avec les bâtisseurs de l’Outaouais, Robert Conroy s’engagent dans des démarches et des actions conduisant vers l’âge d’or d’Aylmer entre 1830 et 1870.

Aylmer, Upper Canada. ca. 1841, Bartlett, W. H. (William Henry), 1809-1854. QUE. : Aylmer ca. 1841. No. MIKAN 2840127
Aylmer, Upper Canada.
ca. 1841,
Bartlett, W. H. (William Henry), 1809-1854.
QUE. : Aylmer ca. 1841.
No. MIKAN 2840127

L’hôtellerie et le transport sur le lac Deschênes L’ensemble des hôtels sert de point de relais pour les voyageurs et les travailleurs en transit entre les chutes des Chaudières et le lac Deschênes. Un service de diligences assure la liaison routière de Hull et de Bytown par le chemin d’Aylmer jusqu’aux auberges Conroy sur la rive nord-ouest du lac Deschênes. Les passagers sont encouragés à passer leur nuit à Aylmer. Frais et dispos, les voyageurs s’embarquent au quai de L’abord-à-Symmes pour se rendre vers le nord-ouest des Canadas. Les services de bateau à vapeur assurent la navette entre Aylmer (comté d’Ottawa, Canada-Est) et la partie ouest au bas du Saults-des-Chats[5. D’ailleurs, le chemin Hull-Aylmer est la première route à jouir d’un service permanent de transport en Outaouais et ce, fonctionnel, en partie, douze mois par année[6].

Extrait de la gravure de Stent et Laver de 1877-Pont de l'Union (pont des Chaudières), En bas à gauche de l'image, il est possible de voir la route macadamisée : chemin d'Aylmer.
Extrait de la gravure de Stent et Laver de 1877-Pont de l’Union (pont des Chaudières),
En bas à gauche de l’image, il est possible de voir la route macadamisée : chemin d’Aylmer.

Hôtel British :

Symbole d’innovation en architecture

Sketch of the British Hotel in Aylmer, Quebec 71, rue Principale Built by Robert Conroy in 1834 Drawing Source: National Capital Commission Heritage, page 37
Sketch of the British Hotel in Aylmer, Quebec
71, rue Principale Gatineau
Construit par Robert Conroy en 1834
Source : Patrimoine de la Commission de la capitale nationale du Canada,
page 37

C’est à la même période, entre 1834 et 1838, que Robert Conroy entreprend la construction de son fameux hôtel British[7]. L’architecture de l’hôtel British est réfléchie. Les murs de plus d’un mètre d’épaisseur protègent efficacement contre le froid hivernal. Selon Richard Bégin : « On rapporte qu’aucun autre hôtel ne pouvait s’y comparer au Canada, à l’époque; Bytown (Ottawa) n’avait alors qu’une simple cabane en bois rond comme hôtel, près du pont des Sapeurs.[8] »  Au 19e siècle, l’hôtel compte plusieurs bâtiments, dont l’auberge originale, l’ancienne résidence des Conroy et l’écurie à l’arrière. Sur place, le voyageur bénéficie des services de location de chevaux et de voitures.

Haut lieu d’activités d’Aylmer

Servant autant pour les soirées mondaines, d’église, d’école, de salle d’assemblée au premier conseil municipal et temporairement, de Cour supérieure du district d’Ottawa, le luxueux hôtel British attire l’élite de passage dans la région. D’ailleurs, le prince de Galle est venu assister à un bal à l’occasion de son passage à Aylmer en 1860[9]. Selon les rumeurs, l’assassin de Thomas D’Arcy McGee s’est brièvement présenté aux funérailles de Robert Conroy, décédé le 8 avril 1868, le lendemain du meurtre[10]. Le premier ministre du Canada, John A. McDonald, est semble-t-il[11], aussi familier avec ce fameux hôtel d’Aylmer et enfin, toujours selon les rumeurs, Louis Cyr figure sur la liste des invités de passage en 1898[12]. Les seuls registres ayant survécu jusqu’à aujourd’hui nous révèlent qu’en 1895, il se tient une réunion entre Mackenzie Bowell (premier ministre du Canada), Sir Charles Tupper (son successeur quelques mois plus tard), Adolphe Caron (ministre des postes) et Julius G. Lay du consul général des États-Unis au Canada. Ces hommes séjournent au British pendant la même période où se discute la question des problèmes scolaires des écoles francophones du Manitoba[13]. Enfin, toujours selon Richard Bégin : « C’est aussi derrière ces murs de pierre que furent probablement conçu les projets d’un canal de la baie Georgienne, un projet qui fut la source de débats parlementaires pendant plus de 50 ans et qui aurait peut-être assuré l’avenir d’Aylmer.[14] » Ce projet était parmi les plans initiaux de liaison sur la rivière des Outaouais entre Montréal afin d’atteindre par la rivière Matawa et le lac Nippissing, la baie Georgienne et le lac Huron qui auraient transformé de façon inégale le développement économique des régions concernées dont faisait partie la région de l’Outaouais.

Cote : P154, S1, D1, p20 ; Fonds de la famille Conroy ; Photographie - hôtel British dans : Souvenirs Folder containing 16 photographic Views of Aylmer
Cote : P154, S1, D1, p20 ;
Fonds de la famille Conroy ;
Photographie – hôtel British
dans : Souvenirs Folder containing 16 photographic Views of Aylmer

Lumberer :

Marchand, négociant, politicien

À Aylmer, Robert Conroy et John Egan sont séduits par l’essor des activités de transbordement sur le lac Deschênes. Entre 1840 et 1850, Robert Conroy ne détient toujours aucune limite forestière[15], malgré le fait qu’il soit un négociant de bois et un marchand (lumberer[16]) ayant rapporté de nombreux radeaux de bois sur la rivière des Outaouais. Les lumberers jouent un rôle très actif dans leur communauté et plusieurs sont des politiciens à l’exemple de John Egan (maire d’Aylmer, député à l’Assemblée nationale) et Robert Conroy (échevin et maire d’Aylmer). À Aylmer, les habitants obtiennent la permission de constituer un village indépendant du reste du canton avec leur propre conseil élu en 1847[17]. Diane Aldred ajoute : « Grâce à leur persévérance et à leurs décisions éclairées, la ville (Aylmer) prospère et se développe à un rythme accéléré durant les années 1850 et 1860[18]. »

Glissoir sur la rivière des Outaouais, rapides des Chats. 1840 Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. Bibliothèque et Archives Canada, Acc. No. 1983-47-8 Copyright: Expired Mikan no. 2833524
Glissoir sur la rivière des Outaouais, rapides des Chats. 1840
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
Bibliothèque et Archives Canada, Acc. No. 1983-47-8 Copyright: Expired
Mikan no. 2833524

  Le transport de bois sur la rivière des Outaouais

Timber Slide at Les Chats.sm
Timber Slide at ‘Les Chats’ (Upper Canada)

John Egan a de grandes concessions forestières dans les comtés de Renfrew (rivière Madawaska et région de Chalk River au Canada- Ouest[19]) et du Pontiac (Canada-Est)[20]. Grâce aux vastes limites forestières de la famille McConnell et de John Egan ainsi que ses liens avec les marchands locaux, Robert Conroy se démarque dans l’acheminement des ressources forestières dans la région de l’Outaouais. Cette association donne au commerce du bois un caractère systématique d’une entreprise[21]. Ces hommes fondent des entreprises, des villages, voire même l’ambition d’un pays[22]. Ils ont une influence considérable sur la main d’œuvre et la colonisation en Outaouais. Il reste alors à acheminer le bois au bas de la chute des Chaudières. Ainsi, les grands radeaux de bois poursuivent leur route vers le sud et les États-Unis par le canal Rideau ou par la rivière des Outaouais vers Montréal pour ensuite rejoindre le fleuve vers Québec où attendent les marchands britanniques afin d’exporter les grosses pièces de bois équarri vers la Grande-Bretagne.

Gros radeau sur le fleuve Saint-Laurent. 1838. Aquarelle avec touches d'encre noire et raclage sur crayon sur papier vélin.  Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2896090.
Gros radeau sur le fleuve Saint-Laurent.
1838.
Aquarelle avec touches d’encre noire et raclage sur crayon sur papier vélin.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2896090.

Transport du bois sur le lac Deschênes

Avant Egan : « Le commerce du bois sur la rivière des Outaouais n’était rien de plus qu’une aventure insensée[23]. » Les lumberers sont de l’élite de la région de l’Outaouais. Les titres de noblesse souvent associés à ces rois et aux barons des forêts démontrent de l’autorité que ces hommes exercent sur l’économie régionale. Les lumberers détiennent généralement de larges limites forestières, souvent des terres de la Couronne, et gèrent une main-d’œuvre abondante. John Egan innove en creusant des canaux pour faire passer les ressources et en installant des scieries pour que le bois soit coupé sur place. Egan cherche aussi à retenir la main d’œuvre près de ces concessions forestières. Alors, il encourage l’ouverture au peuplement sur les deux rives de la rivière des Outaouais. Les grands lumberers voient à la production, à la transformation, au transport et au financement de l’industrie du bois. Ils assument alors tous les risques dans le domaine de la foresterie. D’ailleurs, Gaffield ajoute : «Étant donné la forte stratification des groupes économiques dans la région, quelques membres se révèlent plus en mesure que d’autres de se protéger : certains font face à la faillite, d’autres à la misère[25]. »

The Timber Raft. ca. 1868 Hopkins, Frances Ann, 1838-1918. BAC no Mikan - 2838095
The Timber Raft. ca. 1868
Hopkins, Frances Ann, 1838-1918.
BAC no Mikan – 2838095

Difficultés du transport fluvial au 19e siècle

Les chutes au Chat sur l’Outaouais. 1821. John Elliott Woolford (1778-1866). Musée des beaux-arts du Canada, 42324.80.
Les chutes au Chat sur l’Outaouais. 1821.
John Elliott Woolford (1778-1866).
Musée des beaux-arts du Canada, 42324.80.

La stabilité dans le transport est un facteur d’influence où les risques déterminent le succès ou la perte de l’élite marchande, car il peut s’écouler de 6 à 24 mois avant que le bois sorti de la forêt fasse son entrée sur le marché d’exportation. Les prix du bois peuvent fluctuer énormément en peu de temps. Il importe ainsi pour le lumberer de profiter du marché quand les prix sont profitables. À ces débuts, Robert Conroy investit d’avantage dans l’établissement de quais d’embarquement plutôt que les limites forestières. Il détient entre autres, des installations permettant le transport entre le Saults-des-Chats et les rapides Deschênes.

Conroy's Chute at Chats Falls. Topley Series SC  Credit: William James Topley/Library and Archives Canada/PA-009336 Restrictions on use: Nil Copyright: Expired MIKAN no 3319056
Conroy’s Chute at Chats Falls.
Topley Series SC
Credit: William James Topley/Library and Archives Canada/PA-009336
Restrictions on use: Nil
Copyright: Expired
MIKAN no 3319056

Robert Conroy exerce une influence certaine sur l’ensemble de l’activité fluviale sur le lac Deschênes. Il est installé dans la région de Bonnechère (dont le lac et la rivière sont un affluent de la rivière des Outaouais, Canada-Ouest). Ces installations comprennent un quai d’embarquement et un magasin-entrepôt. De ces installations, le bois s’achemine par un réseau de glissoirs au bas des chutes au Chat atteignant ainsi la partie la plus à l’ouest du lac Deschênes. Au retour, les services de navigation à vapeur assurent le transport de la main d’œuvre, des colons et de la marchandise nécessaire au développement de la vallée de l’Outaouais au 19e siècle.

Chats Falls timber slide, Fitzroy Harbour Ont. Repairing the slide Circa : 5 July 1899 Library and Archives Canada / PA--058031 Restrictions on use: Nil Copyright: Expired MIKAN no 3372374
Chats Falls timber slide, Fitzroy Harbour Ont. Repairing the slide
Circa : 5 July 1899
Library and Archives Canada / PA–058031
MIKAN no 3372374

Le quai d’embarquement d’Aylmer Aylmer.MF.smDéjà en 1836, Charles Symmes invite Robert Conroy à gérer ses installations au quai de débarquement installé au bout du chemin d’Aylmer à L’abord-à-Symmes (Turnpike End)[29]. La famille Conroy vient qu’à acquérir ces installations. C’est aussi à Aylmer que Robert Conroy s’affaire à recruter la main-d’œuvre nécessaire à l’exploitation forestière sur l’Outaouais supérieur. Une publicité parue dans le journal, The Citizen de 1851, annonce : « The following gentlemen, resident in the neighbourhood will furnish on application all needful advice and information ; and they have undertaken to give the fullest direction to Emigrants, whether their subject be labour or Settlement[30]. » Robert Conroy, Esquire, fait partie de la liste de ces recruteurs. D’ailleurs dès les années 1850, Robert Conroy est un acteur important dans le recrutement de la main-d’œuvre et dans l’établissement des colons en Outaouais[26]. L’industrie forestière attire plus de 25 000 à 30 000 hommes à cause de l’accroissement de la demande pour les ressources forestières de la région de l’Outaouais[27]. Conroy n’hésite pas à utiliser son influence pour contrôler la main-d’œuvre comme en fait foi cette notice publiée dans l’Aylmer Times, le 22 août 1856: Ran Away – Public Notice is hereby given, that Francis Hilaire, Joseph Perrin, Noah Fortier and M. A. Fortier have absconded from my employment, while the term for which they were engaged, is yet inexpired. Any person HIRING or EMPLOYING THESE MEN will be prosecuted by the Subscriber. -Robert Conroy[28]. La descente vers la chute des Chaudières

Frances Anne Hopkin, Descente des rapides, Québec (Québec ),  Collection Hopkin, Bibliothèque et Archives du Canada, 1879
Frances Anne Hopkin, Descente des rapides, Québec (Québec ), Collection Hopkin, Bibliothèque et Archives du Canada, 1879

À l’extrémité nord-est du lac Deschênes aux rapides, il y a un à trois magasins ainsi qu’un entrepôt pour le commerce des fourrures et un poste de traite toujours en activité en 1883[31]. Après 1860, l’acheminement du bois se poursuit sur la rive sud de l’Outaouais dans le canton de Nepean[32]. Conroy a là-aussi un quai d’embarquement donnant alors un accès à la ligne de chemin de fer du Canadien Pacifique. D’ailleurs, le passage des radeaux de bois sur l’ancien site des trois portages de la rivière des Outaouais exigeait à démanteler les nombreux radeaux des trains de bois et à faciliter ainsi les opérations risquées à partir des rapides Deschênes[33]. Il peut s’écouler jusqu’à deux semaines pour en venir à bout de cette opération dans la première partie du 19e siècle.

Les chutes Chaudière. ca 1836-1842. Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2896083.
Les chutes Chaudière.
ca 1836-1842.
Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2896083.

Descente des chutes au Chat

Glissoir à Les Chats, à Bytown, au Haut-Canada. 1842 Bartlett, W. H. (William Henry), 1809-1854. BAC - Mikan no. 2934410.
Glissoir à Les Chats, à Bytown, au Haut-Canada. 1842
Bartlett, W. H. (William Henry), 1809-1854.
BAC – Mikan no. 2934410.

L’expérience dans le transport du bois n’est pas étrangère à Robert Conroy. Déjà en 1820, les frères McConnell, dont son beau-père, William McConnell, acheminent de grands radeaux de bois vers les rapides Deschênes de partance du lac Témiscamingue[34]. Les risques sont nombreux. Les hivers où il y a peu ou trop de neige rendent difficile le travail sur les chantiers. Avec peu de neige vient un faible débit des rivières compromettant la drave à cause des nombreux embouteillages sur les affluents de la rivière des Outaouais. Cette situation empêche les scieries de fonctionner à leur pleine capacité au printemps compromettant ainsi l’ensemble de la haute saison de sciage. Au contraire, lorsque le débit de la rivière des Outaouais est trop fort, on risque de voir se démanteler de façon spontanée les radeaux de bois. La forte crue des eaux risque aussi de submerger les scieries les arrêtant complètement de fonctionner tant qu’elles sont submergées[35].

Les chutes des Chaudières.  ca 1836-1842. Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2896084.
Les chutes des Chaudières.
ca 1836-1842.
Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2896084.

L’ouverture de l’Ottawa Valley L’Ottawa Valley est cette vaste vallée du bassin fluvial de la section supérieure de la rivière des Outaouais située entre le lac Témiscamingue et les rapides Deschênes. C’est dans la vallée de la rivière Madawaska qu’Egan installe ses premières scieries à proximité de ses limites forestières. Il contribue directement à l’essor économique du comté de Renfrew (Canada-Ouest) fondant même le village Eganville. Il fait de même sur la rive nord de la rivière des Outaouais dans le comté du Pontiac (Canada-Est). Les lieux d’établissement assurent ainsi la stabilité de la force ouvrière de l’Ottawa Valley sur les deux rives de la rivière des Outaouais. Le service des bateaux-vapeur est assuré depuis Aylmer jusqu’à l’extrémité ouest du lac Deschênes (Frizroy Harbour, Canada-Ouest et Quyon, Canada-Est) par la Upper Ottawa Steamboat Company, dont Robert Conroy est actionnaire[36] ou la Compagnie Union Forwarding, dont Egan est propriétaire. La descente du bois d’Egan passe par un réseau de glissoirs pour atteindre les quais de transbordement de Robert Conroy et, ensuite, le lac Deschênes, cette partie élargie de la rivière des Outaouais. Ainsi, à leur retour, les bateaux à vapeur s’affairent à remorquer les radeaux de bois assemblés en amont du lac Deschênes. Le bois s’achemine de façon plus régulière avec l’usage des bateaux-remorques qui font la navette entre les rapides des Chats et Aylmer ou jusqu’aux rapides Deschênes à l’extrémité est du lac. Sur la rive nord des rapides Deschênes, une mystérieuse scierie y est installée depuis le début des années 1830[38]. À cet endroit, il se trouve aussi les terres des frères McConnell et le poste de traite Day-McGillivray[39]. À partir des rapides Deschênes, il peut s’écouler deux semaines pour en venir à bout des opérations nécessaires pour faire passer les radeaux de bois par le réseau des trois portages à partir des rapides Deschênes afin d’atteindre le bas de la chute des Chaudières à Hull (Gatineau) et Bytown (Ottawa).

Entrée du canal Rideau, Bytown, vers 1838. Aquarelle sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC -MIKAN no. 2896304.
Entrée du canal Rideau, Bytown, vers 1838.
Aquarelle sur crayon sur papier vélin.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC -MIKAN no. 2896304.

Contrôle du transport sur le lac Deschênes

Les activités de transbordement sont nécessaires sur la rivière des Outaouais, car les risques et les dangers associés au transport y sont nombreux à cause des chutes et des rapides. Par exemple, le lac Deschênes est un grand élargissement de la rivière des Outaouais et il s’étire sur environ 30 kilomètres, en amont de la chute des Chaudières. Ce bassin fluvial naturel est situé entre deux grandes descentes de la rivière des Outaouais. Aux rapides et aux chutes des Chats, la descente est de 12 mètres avant d’atteindre les eaux calmes du lac Deschênes. En aval, le voyageur atteint le réseau des trois portages de la chute des Chaudières. Ce réseau de route et de sentiers permet de contourner la descente de 18 mètres sur cette section de la rivière des Outaouais. Le poste de traite aux rapides Deschênes est un lieu d’arrêt obligatoire pour tous les voyageurs qui ne s’arrêtent pas à Aylmer. L’ajout d’un réseau routier permanent est nécessaire pour assurer l’accès aux lieux de transbordement 12 mois par année. Le chemin d’Aylmer, par exemple, permet de contourner les obstacles naturels sur une distance de 13 kilomètres arrivant ainsi à contourner la descente des rapides et l’immense cataracte des Chaudières marquant à elle seule un dénivellement de plus de 10 mètres de hauteur [40].

Chutes Chaudière. Juillet 1838. Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2896137.
Chutes Chaudière.
Juillet 1838.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2896137.

En assurant les activités de transport sur le lac Deschênes, la famille Conroy se démarque dans l’activité fluviale et le développement du transport en Outaouais. Ses efforts dans le développement du réseau de communication et de ses activités de transbordement assurent la prospérité de ce lumberer du comté de l’Ottawa du Canada-Est. Conroy et ses associations d’affaires arrivent à intégrer les activités de transbordement sur le lac Deschênes à un réseau de transport complexe exigeant un grand nombre d’infrastructures afin d’assurer une activité fluviale efficace, surtout dans le domaine du bois équarri et de sciage sur la rivière des Outaouais jusqu’au début de la première guerre au 20e siècle. Bien que Robert Conroy n’obtienne que le titre de baron du bois, il va de soi qu’il est le roi du transport des ressources et de la main d’oeuvre du domaine de la forêt sur les eaux calmes du lac Deschênes.

[Conroy Lumber Mills] Bibliothèque et Archives Canada, a013224-v6, MIKAN  # 3371910
[Conroy Lumber Mills]
Bibliothèque et Archives Canada, a013224-v6,
MIKAN # 3371910

Témoins de la prospérité de la famille Conroy

Lakeview HousePar ailleurs, le patrimoine immobilier de la famille Conroy démontre de son influence à Aylmer.  Cette famille réside d’abord dans la grande maison à ossature de bois au 78 rue Principale qui fut construite par Philemon Wright pour son neveu, Charles Symmes en 1822. Les Conroy y résident entre 1834 et 1841. Les biens fonciers des Conroy témoignent de leur prospérité. Elle dirige quatre hôtels dans le village dont l’auberge de pierre Symmes et le luxueux hôtel, le British, où la famille y réside jusqu’en 1845[41]. La famille aménage ensuite sa première résidence de pierre au 72 Principale, maintenant appelée la maison Conroy-Driscoll. En 1855, elle s’installe dans une des résidences de pierre des plus prestigieuses,  Lakeview, au cœur du village d’Aylmer, à une distance de marche de leurs hôtels et de L’abord-à-Symmes. « Lakeview témoigne de la prospérité de Conroy » selon Diane Aldred. Située au 61, rue Principale, cette maison de pierres polies est entourée de deux acres de terrain et elle a alors une vue splendide sur le lac Deschênes. « Vers 1860, Robert Conroy achète l’ancienne maison de Moses Holt pour la louer ensuite à différents locataires jusqu’en 1885[42]Lumberers-png Les rapides et le lac Deschênes On commence tout juste à comprendre que les rapides et le lac Deschênes jouent un rôle important dans les activités de transbordement et le transport fluvial au 19e siècle. La famille Conroy détient un vaste inventaire foncier le long du chemin d’Aylmer menant aussi à leur homestead riverain de L’abord-à-Symmes et leurs luxueux hôtels de ce premier village du canton de Hull sur les rives du lac Deschênes. Il demeure que l’essor aux rapides Deschênes ne fait toujours pas partie des préoccupations de Robert Conroy. Il ne met pas en place les premières industries de cet ancien poste de traite aux rapides Deschênes. C’est à son épouse, Mary McConnell, que reviennent les titres de cette propriété. En fait, William McConnell, le père de Mary, semble détenir les titres du lot 15-a aux rapides Deschênes. Il transfère ses droits à sa fille, Mary McConnell, pour la somme symbolique de cinq shillings, le lot riverain de 100 acres ayant appartenu à son oncle, James[43], avec la permission de son époux et la collaboration de son père, William[44], de son cousin Richard[45], de Charles Symmes et de Murdoch McGillivray[46]. Ainsi, en 1857, Mary McConnell, l’épouse de Robert Conroy, se porte acquéreur du lot 15-a, rang 1, de son oncle James, donnant accès à la scierie et aux routes principales du canton de Hull. C’est sur cette propriété que la famille Conroy y modernise les scieries et le moulin à farine. À son tour, Robert Conroy acquiert le lot 15-b, rang 1, où se trouve cette ancienne scierie et le poste de traite aux rapides Deschênes en 1860.

Bibliothèque et Archives Canada : C-002772 Crédit : BAC, No. Acc. 1989-401-4
Groupe de voyageurs autour d’un camp de feu ca. 1870
Source : Bibliothèque et Archives Canada C-002772
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada Acc. No. 1989-401-4

Conclusion de la partie 3 de 4

L’histoire de la famille Conroy à Deschênes laisse entrevoir une autre histoire au moment que s’achève l’âge d’or d’Aylmer. Elle se penche sur le vécu d’une femme d’affaires prenant possession d’une terre au 19e siècle avec la permission de son époux[47]. Mary McConnell doit en temps que veuve assurer l’établissement de la majorité de ses enfants qui sont encore d’âge mineur[48]. « Jusqu’à présent, à Québec comme ailleurs, elles (les femmes) n’ont cessé d’occuper une place importante, mais très souvent discrète, dans la création et la direction d’entreprises de toutes sortes[49]. » Mary McConnell ne se distingue pas des autres femmes d’affaires nées au Bas-Canada. « Outre le soin des enfants, elles jouent un rôle de premier plan dans le maintien des relations familiales et sociales et prennent en charge la conduite des affaires de leur mari[50]. » C’est au décès de son époux, en 1868, que la veuve, Mrs Robert Conroy[51], voit directement au développement des premières industries aux rapides Deschênes. Desrochers ajoute : « Le fait que plusieurs épouses ont été en mesure de prendre la relève au décès de leur mari montre à quel point elles étaient intégrées à la gestion des affaires durant leur mariage[52]. » Ainsi, on attribue habituellement à Robert Conroy ou à ses fils l’essor des premières industries à Deschênes et il se sous-estime alors le rôle de Mary McConnell dans l’essor des industries et d’une ferme prospère faisant partie de l’inventaire de la famille Conroy au moment même que l’âge d’or d’Aylmer amorce son déclin.

[Conroy Lumber Mills] BAC-MIKAN 3371909
[Conroy Lumber Mills]
BAC-MIKAN 3371909
[1] Begin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 24. [2] Gary Blair, Villes et villages de la région de la Capitale nationale, La Commission de la Capitale nationale, Ottawa, 1975, p. 56. [3] Manon Leroux, L’autre Outaouais, p. 113. [4] Louis Taché, Nord de l’Outaouais, p. 204. [5] Ibid. p. 3. [6] Ville d’Aylmer, Symmes Landing, p. 17. [7] Il n’est pas possible pour l’instant de déterminer avec exactitude la date des débuts des travaux de construction de l’hôtel British. [8] Richard Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 26. [9] Richard Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 39 ; Diane Aldred, Aylmer, Québec, son héritage, p.15. [10]Ibid. p.41. [11]Ibid. p. 44. [12] Ibid. p.46-47. [13] Ibid. p. 44. [14] Ibid. p. 44. [15] Reid, The Upper Ottawa Valley to 1855, p. lxvi. [16] Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 129. Dans ce registre, on a rayé les mots tavern keeper pour les remplacer par lumberer. Le mot lumberer est utilisé dans ce cas-ci car, il n’y a pas de traduction dans la langue française qui met en évidence le statut élitiste de ces grands marchands et négociants de bois. [17] Diane Aldred, Aylmer Québec, son héritage, p. 13 [18]Ibid., p. 15. [19] Reid, Upper Ottawa Valley, p. 168. [20] David Lee, The Lumber Kings & Shantymen, p. 27 ; Richard M. Reid, Upper Ottawa Valley, p. 168. [21] Richard M. Reid, Egan John. [22] À l’époque, Aylmer a l’ambition de devenir la capitale du Canada. Le premier village indépendant Elle obtient la Cour supérieure du comté d’Ottawa et d’autres services publics. Pourvu d’un dossier bien étoffé, Aylmer qui est alors une communauté effervescente. Les hommes de lois, les arpenteurs établissent une élite des plus influentes sur le plan politique. Il ne faut pas oublié qu’à l’époque, qu’Aylmer est dans le comté de l’Outaouais. Le premier député élu fut Charles Dewey Day, qui aussi, sur la rive nord de la rivière des Outaouais dans le comté de l’Ottawa, ce comté bas-canadien. Leur influence sur le plan politique.   Malgré que Bytown est alors moins développé que le village d’Aylmer, attirant moins l’élite marchande, a deux lignes de chemin de fer qui lient cette communauté à la région au sud du Canada-Ouest et à Montréal. [23] Ibid. [24] D’ailleurs, ce sont les forêts de l’Outaouais qui ont servi à ériger une bonne partie des bâtiments des villes de Buffalo et de Chicago au 19e siècle. [25] Chad Gaffield, L’histoire de l’Outaouais, p. 137. [26] Tiré du Ottawa Citizen du 6 septembre 1851 dans Richard M. Reid , Upper Ottawa Valley, p. 168. [27] Tirées du Ottawa Citizen, c. 68, « An Appeal to Emigrants, September 1851 » dans Reid, Upper Ottawa Valley, p. 167. [28] Richard M. Reid, Upper Ottawa Valley, p.172. [29] Jean-Louis Lapointe, Les grands moments d’Aylmer, p. 26. [30] Tiré du Journal Ottawa Citizen du 6 septembre 1851 dans Richard M. Reid , Upper Ottawa Valley, p. 168. [31] BAnQ, P 154, D6, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879 ; BAnQ, P154, D7, Transfert des propriétés de l’inventaire Mary McConnell à Robert H. et W. J. Conroy, 27 septembre 1880, Lib. B, Vol. 24, Part. 780, No 665 ; BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr., James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hugues Conroy & W. J. Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887. [32] BAnQ, P 154, D6, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879. [33] David Lee, Lumberer Kings and Shantymen, p. 22. [34] Ibid. p 26-27. [35] Ibid. p. [36] BAnQ, P 154, D6, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879. [37] Richard Bégin, « Le chemin et le port d’Aylmer : la voie de l’Outaouais supérieur », Histoire Québec, vol. 11, no 1, 2005, p. 3. [38] Selon le témoignage de la pétition opposant James McConnell à Charles Dewey Day (voir article : La famille McConnell-Conroy, catégorie : Bâtisseurs de l’Outaouais) [39] Le chemin Vanier qui autrefois était nommé le chemin Deschênes jusqu’en 1856. [40] David Lee, Logging and Lumbering in the Ottawa Valley : Lumber Kings & Shantymen, p. 13-14 [41] La famille Conroy[41] y vit avec six de leurs dix enfants qui sont alors âgés entre 2 et 13 ans (James, Elenor, Maria, Robert Hugues, Charlotte Anne, William Jackson, et à ce s’ajoute, Ida Louise, Hannah, Mary, Edward Thomson) dans : Leroux, L’autre Outaouais, p. 109 ; La forte natalité caractérise l’ensemble des familles bas-canadiennes, toutes origines confondues, dont les enfants de la classe plus aisée garantissent la perpétuation du nom et de leur fortune, dans : Baillargeon, Brève histoire des femmes du Québec, p. 42. [42] Diane Aldred, Aylmer Québec, son héritage, p.94 [43] BAnQ,  P 154, D7, Transfert des propriétés de l’inventaire Mary McConnell à Robert H. et W. J. Conroy, 27 septembre 1880, Lib. B, Vol. 24, Part. 780, No 665. [44] BAnQ, P 154, S3, D1 / 1, Déposition de l’Affidavit de Murdoch McGillivray faite par Charles Symmes, à Aylmer, 1er juin 1857. [45] Richard McConnell est le fils de l’associé James McConnell. Sa fille, Emily, épouse James Conroy, le fils de Mary et Robert Conroy en 1864. Voir – Parish register for Saint James’s Church, Hull, Quebec, covering the years 1868-1886, Parish Register 447, page 12. BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr., James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hugues Conroy & W. J. Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887. C’est dans cet acte de vente qu’Emily McConnell fait reconnaître son droit douaire sur le lot 15-a. Le mot « DOWER » y est clairement énoncé. Cet acte de vente démontre aussi le pouvoir légal des femmes de la famille Conroy à transiger leur bien foncier. Elles ont autant d’autorité dans les transactions immobilières que leurs époux. Aussi, cet acte demeure vague quant aux titres fonciers des Conroy. [46] BAnQ, P154, D1 D1 / 1, Déposition de l’Affidavit de Murdoch McGillivray faite par Charles Symmes, à Aylmer, 1 juin 1857. [47] BAnQ, P154, S3, D1/1, Fonds de la famille Conroy, Acte passé devant R. A. Young, notaire. À Aylmer, le 30 mai 1857, no. 1436 de son greffe, Centre d’archives de l’Outaouais, Gatineau (Québec). [48] Cinq des neuf enfants sont d’âge mineur au décès de leur père Robert Conroy en 1868 : Robert Hugues, Charlotte Ann, William Jackson, Mary et Ida Hannah Louisa. [49] Ibid. [50] Denyse Baillargeon, Brève histoire des femmes au Québec, Boréal, Montréal (Québec), 2012, p. 50. [51] Mary McConnell, veuve de Robert Conroy d’Aylmer. [52] Lucie Desrochers, « Elles ont brassé des affaires », Cap-aux-diamants, la revue d’histoire du Québec, no 95, 2008, p. 16.

Mystères et enquête : Les bâtisseurs de l’Outaouais

Mystères et enquête : Les bâtisseurs de l’Outaouais

Il y a beaucoup d’intérêt pour l’histoire de l’Outaouais. Pour moi, ma passion est née de mes ancêtres qui sont des bâtisseurs de la région, contribuant à leur façon, depuis le 19e siècle, à bâtir les différentes communautés qui ont façonné la ville de Gatineau. Alors, il y a lieu de voir à l’histoire des bâtisseurs de la région à travers la famille Conroy et ainsi, vous ramener, d’abord, vers l’âge d’or d’Aylmer (1830-1870) pour ensuite continuer avec l’industrialisation en Outaouais (1870-1900). Cette série d’articles veut susciter votre curiosité pour l’histoire de l’Outaouais. L’histoire de la famille Conroy n’est qu’un exemple de l’intrigue et des mystères qui se posent à l’image d’une enquête, lorsqu’on se penche sur les traces du patrimoine de ces hommes et de ces femmes qui ont façonné l’histoire de notre région. Tout comme un casse-tête très complexe, la famille Conroy d’Aylmer sait nous poser un bon problème en histoire. Il s’agit alors de partir à la quête de petites pièces du casse-tête et en dégager graduellement quelques images du passé de la région de l’Outaouais. Une fois ces pièces assemblées, il se perçoit une mise en scène de l’activité socio-économique sur la rive nord du lac Deschênes au 19e siècle. Il se saisit ainsi une autre image du passé des bâtisseurs de l’Outaouais pendant une période qui est encore peu connue en histoire canadienne.

Les chutes des Chaudières et le pont sur la rivière Outaouais, Bytown (Ottawa)- Bibliothèque et Archives Canada, c00050, MIKAN 2895118
Les chutes de la Chaudière et le pont sur la rivière Outaouais, Bytown (Ottawa)-
Bibliothèque et Archives Canada, c00050,
MIKAN 2895118

Les mystères de la maison grise
Au départ, mon enquête portait sur un vieux bâtiment historique au 84, chemin Vanier dans le secteur Deschênes. Je voulais connaître l’histoire de cette maison afin de lui donner un nom digne de son âge qui pouvait faire connaître son histoire et nous rappeler les débuts du village de Deschênes. Malheureusement après avoir fouiller le registre foncier du Québec et celui conservé à la Commission de la capitale nationale (CCN) à Ottawa, qui l’a d’ailleurs classé parmi les bâtiments historiques du Canada, je n’ai toujours pas de réponse sur les origines de cette mystérieuse maison. Elle paraît pourtant sur un plan d’assurance-incendie Goad produit en 1903. La ville de Gatineau ne reconnaît toujours pas la valeur patrimoniale de ce vieux bâtiment historique qui est à proximité des rapides Deschênes. Alors, je me suis tournée vers le fonds de la famille Conroy à Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Gatineau, car il avait des traces sur les premiers propriétaires du lot 15, rang 1 du canton de Hull sur lequel est construit le 84, chemin Vanier. Cette enquête mène vers une autre question : Pourquoi une femme d’affaires d’Aylmer achète-t-elle cette terre aux rapides Deschênes en 1857 ?  Cette enquête m’a alors permis de faire un retour sur l’histoire de la famille Conroy et les origines du village de Deschênes, qui est maintenant un secteur de la ville de Gatineau. J’ai aussi appris que la famille Conroy est prête à investir, à prendre les risques et à innover afin de développer l’Outaouais au 19e siècle.

Blogue-Maison grise
Lisa Mibach, La mystérieuse maison grise au 84, chemin Vanier, Hiver 2010.

 

Les mythiques Pays d’En-haut

Thomas Kirk,  Carte de comté du Québec à l'échelle de 1:63 360 .   Hull , Carte du comté de Hull et Gatineau, Centre d'archives de Québec, Collection des cartes et plans de la BAnQ, Numéro d’identification : 2669884_01
Thomas Kirk,
Carte de comté du Québec à l’échelle de 1:63 360 .
Hull , Carte du comté de Hull et Gatineau,
Centre d’archives de Québec, Collection des cartes et plans de la BAnQ, Numéro d’identification : 2669884_01

Depuis des millénaires, les voyageurs empruntent cette voie navigable principale, la rivière des Outaouais, qui relie la ville de Montréal aux mythiques Pays d’En-haut. À la chute des Chaudières, les voyageurs doivent emprunter un réseau de sentiers étroits pour contourner les obstacles naturels obligeant les voyageurs à faire trois portages avant de continuer leur route en amont sur l’Outaouais supérieur au début du 19e siècle. Le développement du canton de Hull contribue à la construction des premières routes permanentes de la région. Les voyageurs débarquent alors à Hull ou Bytown pour ensuite emprunter le chemin d’Aylmer qui descend du rang 3 à la chute des Chaudières vers la limite des rangs 2 et 1 pour finalement, atteindre le quai d’embarquement de L’abord-à-Symmes et les eaux calmes du lac Deschênes. À mi-chemin, il y a les rapides Deschênes au rang 1 qui forme une péninsule s’étendant vers le sud du canton de Hull et séparant le haut, l’Outaouais supérieur, du bas de la rivière des Outaouais à la chute des Chaudières menant alors vers Montréal. Aux rapides Deschênes, il est aussi possible de remonter vers le nord par le chemin Vanier et croisé le chemin d’Aylmer pour progresser vers le chemin de la Montagne. Le lieu de cette histoire est alors situé sur cette pointe de terre perceptible sur toutes les cartes du Québec. À cet endroit, les rapides Deschênes séparent le canton de Hull du canton de Nepean sur la rive sud. Ainsi, c’est sur ces lieux que se sèment l’intrigue entourant la famille Conroy d’Aylmer et les mystères sur cette péninsule située au sud du canton de Hull.

Le portage de Joachim, camp de bûcherons, près de la rivière des Outaouais.  Aquarelle sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2896113
Le portage de Joachim, camp de bûcherons, près de la rivière des Outaouais.
Aquarelle sur crayon sur papier vélin.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2896113

Le village de Deschênes et Mary McConnell

Le village de Deschênes a une longue histoire encore qu’il se soit incorporé en municipalité qu’en 1920. D’ailleurs, l’historienne, Michelle Guitard, qualifie Deschênes de petit lieu contenant une grande possibilité d’interprétation historique[1]. Par exemple, cette enquête révèle que Mary McConnell, l’épouse de Robert Conroy, est la propriétaire du lot 15, rang 1, canton de Hull sur lequel est construite la maison au 84, chemin Vanier en 1857. Cette dame d’Aylmer est responsable de la première phase de la modernisation de la ferme d’élevage, de la scierie et du moulin à farine aux rapides Deschênes. Pourtant être femme mariée au 19e siècle offre un statut juridique équivalant à une personne mineure. De plus, « La femme mariée anglaise n’a aucun droit aux biens accumulés pendant le mariage, même pas s’il provient en tout ou en partie des biens qu’elle avait apportés au mariage . [2] » Dans cette tradition juridique britannique, il n’y a que le fils aîné qui obtient les biens fonciers de la famille. Par ailleurs, l’effort des femmes est peu reconnu malgré qu’elles aient occupé une place importante, mais très souvent discrète, dans la création et la direction d’entreprises de toutes sortes . » Alors, nous allons apprendre à connaître une femme d’affaires en Outaouais et l’histoire de sa famille qui a contribué à intégrer les activités économiques du lac Deschênes à l’économie régionale.

Conroy, R. Mrs.- Bibliothèques et Archives Canada- Photo : e010953798-v8, MIKAN # 3451003
Conroy, R. Mrs.-
Bibliothèques et Archives Canada, e010953798-v8,
MIKAN # 3451003

Aperçu des prochains articles …

Dans les semaines à venir, je partagerai avec vous certains résultats de mon enquête, soit celle d’une famille de bâtisseurs de l’Outaouais : la famille McConnell-Conroy, qui est d’ailleurs une des familles pionnières à l’ouverture de la région de l’Outaouais. Dans un deuxième article, il sera surtout question des moyens que prennent les époux, Mary McConnell et Robert Conroy, pour brasser les affaires dans la première ville de la région entre 1830 et 1868. Enfin, le troisième article se penchera sur la période de l’industrialisation en Outaouais en voyant de près le développement industriel aux rapides Deschênes entre 1868 et 1901. Il s’agira de voir comment Mary McConnell maintient son rôle pilier dans le développement des entreprises de la famille Conroy après le décès de son époux en 1868.

C’est alors avec plaisir, que je vous offre un aperçu inédit d’une histoire de famille qui a su laisser des traces imposantes de son patrimoine, tout en camouflant bien son histoire.

[Conroy Lumber Mills] Bibliothèque et Archives Canada, a013224-v6, MIKAN  # 3371910
[Conroy Lumber Mills]
Bibliothèque et Archives Canada, a013224-v6,
MIKAN # 3371910
Références :

[1]Michelle Guitard, « Quartier de Deschênes », énoncé d’importance et historique, Association des résidents de Deschênes, Gatineau, octobre 2012, p. 9.

[2] Evelyn Kolish, « Depuis la Conquête : les Canadiens devant deux droits familiaux », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 39, 1994, p. 17.

 

L’hôtel British d’Aylmer

L’hôtel British d’Aylmer

Le secteur Aylmer de la ville de Gatineau compte de nombreux bâtiments historiques qui comme l’hôtel British, ont vu évoluer de près l’histoire de la région de la capitale fédérale. Ses propriétaires sont du groupe de bâtisseurs du village. Aylmer est aussi le lieu où s’installe l’élite régionale qui a des liens étroits avec la bourgeoisie marchande de Montréal, de Québec et de la Grande-Bretagne pendant une bonne partie du 19e siècle. Incorporé en 1847, le village devient rapidement la plaque tournante du transport en bateau-vapeur sur la rivière des Outaouais. Les voyageurs en transit vers le nord-ouest s’arrêtent aux chutes de la Chaudière. Un service de diligences accueille les passagers des vapeurs en transit vers le Nord-ouest canadien. Les diligences empruntent le chemin macadamisé jusqu’au lac Deschênes conduisant les passagers vers le confort des hôtels d’Aylmer. Rafraîchis après une soirée dans le luxueux hôtel British ou un autre établissement hôtelier du village, ils embarquent sur un vapeur au débarcadère Symmes pour poursuivre leur voyage sur l’Outaouais supérieur.

Sketch of the British Hotel in Aylmer, Quebec 71, rue Principale Built by Robert Conroy in 1834 Drawing Source: National Capital Commission Heritage, page 37
Sketch of the British Hotel in Aylmer, Quebec
71, rue Principale Gatineau
Construit par Robert Conroy en 1834
Source : Patrimoine de la Commission de la capitale nationale du Canada,
page 37

Robert Conroy fait construire l’hôtel British en 1834[1], étant ainsi l’un des plus anciens bâtiments historiques de la ville de Gatineau.  L’hôtel ouvre ses portes en 1841 en plus de loger la famille de Robert Conroy et Mary McConnell. L’architecture de l’hôtel British est réfléchie. Les murs de plus d’un mètre d’épaisseur protègent efficacement contre le froid hivernal. « On rapporte qu’aucun autre hôtel ne pouvait se comparer au Canada, à l’époque ; Bytown (Ottawa) n’avait alors qu’une simple cabane en bois rond comme hôtel, près du pont des Sapeurs [2] ». L’hôtel compte plusieurs bâtiments, dont l’auberge originale, l’ancienne résidence des Conroy et l’écurie en arrière. Le voyageur bénéficie ainsi des services de location de chevaux et de voitures à l’écurie de l’hôtel. En fait, l’ensemble du bâtiment est le plus ancien hôtel canadien exploité à l’ouest de Montréal[3].

Les propriétaires Robert Conroy et son épouse Mary McConnell y vivent jusqu’en 1847. Une section de l’hôtel a longtemps servi de résidence personnelle. La famille Conroy aménage à côté de leur hôtel ce qui amène probablement les recenseurs à inscrire la famille comme des résidents de l’hôtel en 1851. Ce recensement indique que Robert Conroy est originaire d’Irlande et qu’il est l’époux de Mary McConnell, née dans la région. Elle est la fille de William McConnell, un des grands propriétaires terriens et exploitants de fourrure et de bois du canton de Hull. William McConnell est un des associés de Philemon Wright. Lui et ses deux frères, James et Georges, se sont établis à l’ouest des chutes de la Chaudière le long des deux premiers rangs du canton de Hull. Ils sont aussi les seuls du groupe d’associés à Wright à ne pas être originaires des États-Unis. Les Conroy se joignent à l’élite locale et investissent dans la construction d’un moulin à farine fonctionnant à la vapeur, le Aylmer Bakery. Cette association avec l’élite amène Robert Conroy à devenir l’hôtelier le plus prospère et à partir de 1850, un marchand de l’industrie du bois des plus imposants de la région.

Le recensement de 1851 mentionne aussi que la famille Conroy vit toujours à l’hôtel avec leurs six enfants âgés entre 2 et 13 ans (James, Elenor, Maria, Robert, Charlotte, William). La famille compte plusieurs employés. Il y a la jeune gouvernante écossaise, Jane Gibb, qui est chargée des enfants. Les autres résidents de l’hôtel sont tous des employés de la famille Conroy sauf pour Georges S. Carter qui y installe son étude d’avocat en 1844. Les Conroy ont à leur service les servants Pat Kelly, un Irlandais catholique, Sam Bell, un irlandais presbytérien et Bridget Lynch, Ann Connelly, deux Irlandaises catholiques. Elisabeth Lowe est la seule employée d’origine américaine et le recensement indique aussi qu’elle est noire. L’entretien de l’hôtel revient aux journaliers Owen Sullivan, un irlandais catholique, Georges Cunningham, un irlandais n’affirmant pas sa religion et monsieur Fletchard, anglican anglais. Le recensement indique que le commis est un jeune Canadien catholique de 24 ans dénommé J. W. Carr.

L’hôtel devient rapidement un haut lieu d’activités et de festivités. Les premières élections municipales à Aylmer sont tenues à l’hôtel en 1847. « Et on prétend même qu’Aylmer aura été la première municipalité à connaitre des élections démocratiques au sein de l’Empire britannique, en dehors de la mère patrie » (Bégin, 1997 : 29). L’hôtel sert à la fois de salle d’assemblée au premier conseil municipal et en 1871, de Cour supérieure du district de l’Ottawa. Il s’y organise les réunions au sujet de la construction du premier chemin macadamisé à l’ouest de Montréal à partir du pont de l’Union aux chutes des Chaudières (Chemin d’Aylmer aujourd’hui). Un comité y prépare aussi la mise en candidature pour obtenir le nom d’Ottawa afin d’accueillir l’Assemblée législative permanente du Canada-Uni. Les francs-maçons de la région s’y réunissent. L’hôtel sert tantôt d’église et d’école.

Les festivités y sont aussi nombreuses. On y célèbre en toute élégance la naissance du Prince de Galles, le futur roi Édouard VII, en 1842. Plus tard, ce dernier vient d’ailleurs prononcer un discours du haut de la véranda de l’hôtel British en 1860. Le prince de Galles est alors en visite dans la région pour poser la première pierre de l’édifice du parlement d’Ottawa. L’hôtel a une élégante et vaste salle aménagée pour les bals et les fêtes. Il y a aussi une salle de billard équipée de tables luxueuses. La salle à manger invite les convives à une des grandes tables de la région offrant des vins, spiritueux et cidres d’excellentes qualités.

Il y a peu de registres de l’hôtel qui ont survécu jusqu’à ce jour. Il est alors difficile de connaitre l’historique des occupants de ce vieux bâtiment de l’inventaire immobilier de la famille Conroy. Robert Conroy opère l’hôtel jusqu’à son décès en 1868. Son épouse Mary prend la relève jusqu’en 1887. Elle saura enchantée de sa voix ses invités lors d’une soirée mondaine où s’annoncent joyeusement les résultats des élections fédérales le 18 septembre 1878. Le maître de cérémonie, révérend Robinson, annonce que John Alexander Macdonald est élu. « Tout le monde a applaudi chaudement l’annonce[4] ». Il n’y a aucune trace des transactions à l’hôtel pendant que les premiers propriétaires gèrent l’hôtel British. Le couple loue leurs opérations hôtelières à partir de 1850 voulant se concentrer davantage dans le commerce du bois et l’exploitation de leur ferme aux rapides de Deschênes. L’hôtel demeure toutefois un bien de la famille Conroy jusqu’en 1902.

L'hôtel British d'Aylmer Source BAnQ
L’hôtel British d’Aylmer
Source BAnQ

Les seuls registres à avoir survécu datent de 1893 à 1896. Le bien est alors de l’inventaire immobilier de William Jackson Conroy et son frère Robert Hugues. Elisabeth Grant gère l’hôtel. Les registres comptent des entrées intéressantes. Cependant, l’hôtel a toujours été reconnu pour le service offert aux grandes personnalités politiques canadiennes. Plusieurs rumeurs persistent au sujet de ce lieu de rencontre de l’élite canadienne. Pierre-Louis Lapointe rapporte que lors de la veille funérailles de Robert Conroy en 1868, quatre étrangers très nerveux se sont introduits en cours de soirée. Ce soir-là coïncide avec le premier assassinat d’un politicien au Canada, Thomas D’Arcy McGee. La rumeur court dans la famille Conroy que ces hommes étaient les assassins et qu’ils se sont présentés à Aylmer pour établir leur alibi. Un autre homme est accusé du meurtre malgré que plusieurs doutes persistent sur son innocence. Il est néanmoins  la dernière personne à être pendue au Canada. Les rumeurs maintiennent que les coupables étaient plutôt des révolutionnaires nationalistes irlandais Fénien menant une lutte armée contre la présence britannique en Amérique. Les légendes veulent aussi que John Alexander Macdonald ait siroté une bière à l’hôtel British d’Aylmer.

Autres que les mentions dans les journaux locaux et les rumeurs, c’est seulement les registres qui peuvent confirmer que l’hôtel British était un lieu d’influence et de rencontres des politiciens dans la région. Le registre de 1895 confirme que les trois filles et le fils de Charles Tupper aient séjourné à l’hôtel. Cette même année le premier ministre canadien, Makenzie Bowell, Sir Charles Tupper, son successeur, Sir Adolphe Caron comte de Westmeath de l’ambassade britannique aux États-Unis et Julius G. Lay  se sont aussi réunis à la British. Richard Bégin note qu’il est troublant de reconnaitre que le Parlement canadien traite à cette époque de la question des écoles du Manitoba qui devient l’une des crises les plus dommageables de l’histoire du Canada[5]. Il faut aussi rendre compte qu’à l’époque, Aylmer est très impliquée dans les discussions du projet de construction du canal de la baie Georgienne qui aurait maintenu son statut de plaque tournante du transport vers l’ouest du Canada à la suite de l’arrivée du chemin de fer dans la région.

Ainsi, en voyant la richesse des faits d’une seule série de registres, quelques articles dans les journaux de l’époque et des rumeurs qui se font toujours courir entourant les personnalités ayant fréquenté l’hôtel British, il ne peut se nier l’influence de l’élite d’Aylmer dans la construction du Canada contemporain. Nul ne peut se douter que ce bâtiment historique a souvent été au centre des activités sociopolitiques du 19e siècle. Et si seulement ces murs de plus de 160 ans d’histoire à Gatineau pouvaient parler…


[1] Gary Blair, Villes et villages de la région de la Capitale nationale, La Commission de la Capitale nationale, Ottawa, 1975, 56 pages.

[2] Richard M. Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau, 1993, page 26.

[3] Répertoire du patrimoine culturel du Québec, hôtel British, Ministère de la culture et de la communication du Québec, Québec. (Consulté le 28 juin 2013). 

[4] Cité de Promenade Concert at Aylmer dans l’Ottawa Citizen du 18 septembre dans Richard M. Bégin De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 43.

[5] Richard M. Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British,  p.44.

Autres références :

Richard Bégin, L’hôtel British d’Aylmer : au coeur de l’histoire de la Vallée de l’Outaouais, Histoire Québec, Novembre 2004, Volume 10, Numéro 2,
http://www.erudit.org/feuilletage/index.html?hq1056841.hq1059863@44 (Consultés le 28 juin 2013)

Public archives of Canada, Microfilm, 1955, Recensements- 1851, Number 16, sheet Recensement personnel – District de recensement, no 1, de of village Aylmer 31,

Feuille 1 – http://www.collectionscanada.gc.ca/base-de-donnees/recensement-1851/001005-119.02-f.php?&sisn_id_nbr=28658&page_id_nbr=15955&interval=20&&f=jpg&PHPSESSID=9mtc7ce1k078ajp6oj3rc3mdv1

Public Archives of Canada,  Microfilm, 1955, Recensements- 1851, Number 16, sheet Recensement personnel – District de recensement, no 1, de of village Aylmer   31
Public Archives of Canada,
Microfilm, 1955, Recensements- 1851, Number 16, sheet
Recensement personnel – District de recensement, no 1, de of village Aylmer 31

Feuille 2 / Feuille 3- http://www.collectionscanada.gc.ca/base-de-donnees/recensement-1851/001005-119.02-f.php&sisn_id_nbr=28658&page_id_nbr=15956&interval=20&&f=jpg&PHPSESSID=9mtc7ce1k078ajp6oj3rc3mdv1

e002309834-feuilles 2-3- Recensement 1851

Valeur patrimoniale de l’hôtel British

Aylmer d’Antan, Partie 1, Cybermagazine Patrimone de l’Outaouais.

Hôtel British, Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Ministère de la Culture et des communications du Québec.

Voir aussi dans ce répertoire : Robert Conroy, Maison Robert-ConroyMaison Conroy-McDonald

Patrimoine, Secteur Aylmer, Ville de Gatineau

Hôtel British, Fonds et collection du Patrimoine de Gatineau.

L’hôtel British dans les médias

L’hôtel British est de nouveau au centre des discussions politiques ce printemps. Les travaux de rénovation et de mise en valeur du patrimoine a soulevé toute une polémique politique chez des élus municipaux. Voici quelques articles tirés du journal Le Droit traitant de l’hôtel British en juin dernier.

17 juin 2013, Le British Hôtel «dévisagé»Le chantier du British Hotel sera inspecté

19 juin 2013, British Hotel: mise en demeure contre le conseiller Riel

20 juin 2013, British Hotel: la démolition était conforme 

21 juin 2013, British Hotel: Riel reconnaît certaines fautes

Résolution d’une partie importante de l’énigme et la critique des sources

La solution à l’énigme de la maison du 15 b) dans les titres de propriété du 15 a)

L’inventaire après décès est une source archivistique intéressante. Il permet de collecter des données précises. Ils décrivent les parts de la succession. Il demeure que trouver la maison du 84, chemin Vanier nécessite un œil  averti. Elle est juste nommée et son lot n’est pas précisé. D’autant plus, les inventaires après décès de Robert Conroy et de Mary McConnell nous révèlent à leur façon des petits indices nous conduisant vers le lot dans l’inventaire de Robert Conroy. L’inventaire de Mary nomme le bâtiment, rien de plus.

La complexité de l’énigme rend difficile de retracer un objet précis malgré qu’il soit dans ce cas-ci un bien immobilier. La maison ressemble drôlement à un bien dont les propriétaires ont peu avantage à faire connaître. Il n’est pas possible d’utiliser l’inventaire après décès comme source unique. Il exige que l’on croise des sources pour en faire valoir la conjoncture d’une situation précise.

L’inventaire après décès

L’inventaire de décès nous offre un portrait sociologique et des informations sur l’aisance matérielle du défunt par la précision émise dans le document. Toutefois, elle ne peut pas servir de source unique pour étayer une hypothèse selon George Bervin, surtout quand on a affaire à une famille de la bourgeoisie marchande bas-canadienne (Bervin, 1984). L’évidence se dissimule à travers le jargon juridique et des termes vagues pour localiser certains endroits précis. La difficulté demeure dans la possibilité de retracer lieu de capital qui donne l’apparence que l’on ne veut pas faire connaître sa source.

L’inventaire après décès de Robert Conroy

L’inventaire après décès de Robert Conroy spécifie les titres de propriété sur le “lot number fifteen on the first Range of the township of Hull ”. L’inventaire spécifie aussi que ces titres s’étirent sur les 200 acres de ce terrain. La propriété près des rapides de Deschênes comprend aussi les lots 14 et 16 sur le premier rang. Il y a une description des différentes entreprises situées à l’endroit spécifié. Quelques pages plus loin, il y a une description floue des propriétés près d’Aylmer sur le rang deux. Il y a ensuite une description d’un découpage des lots des environs de ce village. C’est alors que se glisse “a store cottage known as the Homestead“. Cet indice nous rappelle les titres d’enregistrement foncier de 1901. C’est aussi en croisant cette donnée à une photographie ancienne dont j’ai obtenu les droits d’utilisation de l’Association du patrimoine d’Aylmer qu’il devient de plus en plus évident que les références au Homestead des Conroy sont aussi aux rapides de Deschênes.

Grist Mills, Deschênes

Discrétion de la maison

La maison du 84, chemin Vanier se fait aussi discrète dans l’inventaire après décès de Mary McConnell. Il est surprenant de remarquer le bâtiment historique sous un autre œil dans l’inventaire de l’épouse de Robert Conroy. Je vous reviendrai sur ce sujet dans un prochain article. L’inventaire de Mary nous permet  toutefois d’affirmer l’authenticité historique de la maison du 84, chemin Vanier. Elle a été un  magasin opéré par deux hommes dont un est dénommé McGillivray. Le bâtiment est alors un lieu de commerce en 1887. Cette trouvaille résout quelque peu le mystère des titres de propriété dans l’inventaire de la famille Conroy.

Le nom derrière la propriété dans l’inventaire après décès

Le nom McGillivray retient notre attention. Les titres d’enregistrements nous prouvent alors leurs limites. McGillivray est un partenaire installé à Deschênes depuis plus d’une génération avec la famille Day, les voisins des Conroy sur le lot 15. Il faut aussi dire qu’il existe deux lettres patentes sur les titres de ce lot en 1836. Une au nom de  James McConnell sur la terre du clergé et l’autre à Charles Dewey Day sur la partie ouest.

Le père de Charles est le marchand Ithamar Day de la Compagnie de fourrure du Nord-ouest de Montréal. Il est un ancien révolutionnaire combattant les armées britanniques dans la guerre de l’indépendance américaine. Il est originaire du Vermont. Il installe un poste de traite et un magasin avec son associé McGillivray après avoir résidé à Montréal quelques années.  Son fils, l’avocat et le juge, Charles Dewey Day obtient les titres du lot sur lequel sied notre fameux bâtiment historique. Ithamar a installé un poste de traite et un magasin sur le lot 15. Il part de l’Outaouais pour l’ouest américain en 1832. Il lègue un part de ses opérations à McGillivray et des privilèges de traite à McConnell.

Il commence alors à se confirmer de l’authenticité de cet imposant bâtiment historique au 84 chemin Vanier. Elle prouve aussi que ses origines sont plus lointaines qu’anticiper. Il est alors possible de reculer la date possible de sa construction entre 1821-1887.

Réalités de la limite des sources d’archives

L’histoire de ce bâtiment historique nous plonge alors au cœur de la bourgeoisie marchande au 19e siècle en Outaouais. Ses liens avec l’élite montréalaise et de la région de l’Outaouais deviennent évidents avec chaque trace qui s’ajoute pour retracer les origines du 84, chemin Vanier. Elle amène vers le capital réel de la bourgeoisie marchande anglophone ayant des intérêts dans la région de l’Outaouais. Nous n’avons qu’à penser Charles Dewey Day est le premier doyen de la faculté de droit de l’université McGill pour s’en convaincre.

Il devient alors évident que cette enquête prend maintenant différents sens et que retracer l’histoire d’un bâtiment ressemble drôlement à la reconstruction d’un arbre généalogique. Il s’agit de retracer son histoire de famille. Cette famille est celle qui l’a vu naître, qui en a fait usage et qui nous l’a conduit jusqu’à nous. À l’exemple de la généalogie, les traces de la quête des ancêtres devient parfois très complexes. Elles exigent de nombreuses recherches pour suivre la lignée. À l’exemple de la généalogie, un ancêtre peut nous donner des problèmes qui bloquent la continuation de la reconstruction de l’arbre généalogique. La maison du 84, chemin Vanier est floue et sans description dans la lignée McConnell. Il n’est pas possible pour l’instant de voir à ce que Charles a fait du poste de traite une fois qu’il a obtenu les titres sur la propriété de son père. Ainsi, l’enquête nous amène sur différentes pistes pour dresser son historique.  Il s’agit alors que l’on prenne un recul pour utiliser à son avantage les récits qu’elle nous lègue… Le recul est nécessaire pour faire bon usage des traces du passé et de les utiliser pour en reconnaître la valeur de l’histoire des familles qui ont vu à développer le village de Deschênes, chacune à leur façon…

Analyse critique des sources

Ainsi commencent à s’intégrer tranquillement des aspects riches et intrigants sur un passé peu connu de notre histoire grâce à une enquête sur les origines d’une maison ancienne. Il y a plusieurs pistes possibles qui demandent plus de recherche et d’approfondissement. Il faut alors que je me rappelle que j’écris un essai dans le cadre de cette maîtrise en histoire.

Les nombreuses histoires léguées par les différentes sources nous confie parcimonieusement des pistes de recherches qui méritent l’attention du chercheur. Ces pistes sont trop nombreuses pour toutes les poursuivre dans le cadre de ce travail. Il est certain qu’il est possible d’approfondir dans différentes directions le riche passé que le bâtiment historique conserve entre ses murs.  Il demeure que le chercheur doit se dresser un limite afin de ne pas se sentir dans un labyrinthe. Mon but est de connaître les origines du village de Deschênes. alors, la trace trouvée dans l’inventaire de Mary McConnell me suffit pour l’instant, car j’ai déjà de nombreuses traces tangibles qui m’amènent à recomposer un portrait plus précis de l’histoire de ce petit village à partir d’un bâtiment historique sied à la porte d’entrée de la rue principale nous menant aux rapides de Deschênes.

Le cybermystère

Le cybermystère proposé sur le parcours du patrimoine est un moyen utile en recherche en histoire. Il laissera place à l’ajout des résultats de recherche avec le temps. Il me permet d’analyser mes sources et de faire état de la méthodologie anticipée. Il me rappelle cependant que pour l’instant je dois être en mesure de bien utiliser les documents d’archives nécessaires pour en arriver à prouver de l’existence de cette maison au 19e siècle. Ce processus me permet ainsi de voir à approfondir sur les connaissances que ce bâtiment historique  me véhicule dans les fonds Conroy et dans ses titres fonciers.

Des concepts, des mots et des interprétations

Il s’agit alors de voir avec sérieux au sens des mots comme rang, Canton, la propriété foncière, la bourgeoisie marchande et le lègue de son patrimoine au 19e et au début du 20e siècle. Je me dois aussi de prendre un recul afin de faire une analyse éclairée des traces que me lègue le patrimoine de cette maison. Il s’agit aussi de comprendre les différents concepts qui s’y rattachent. Ils sont des éléments qui nous permettent de retracer le réel capital de la bourgeoisie en terre de colonisation. Ces connaissances nous amènent à reconnaître la valeur des documents utilisés et de les interpréter avec un regard éclairé. Ces sources nous font découvrir le milieu de travail de la bourgeoisie marchande d’Aylmer au début du 19e siècle et les différentes transactions qui s’opèrent autour et sur ce lieu. Il est à notre avantage de bien reconnaître les forces et les limites des sources archivistiques comme le démontre l’idée de trouver un simple nom familier dans les archives. Ce recul contribue aussi à déterminer la valeur de ce bâtiment historique dans notre patrimoine.

L’usage de sources multiples

Il y a aussi les nombreuses traces avec lesquelles j’ai acquis pour retrouver le nom du bâtisseur de ce bâtiment. Il faut être en mesure d’authentifier le bâtiment et éclairer sur ses origines. La collecte de données comprend des photographies anciennes, des documents iconographiques, des photographies aériennes, cartes et plans anciens (assurance-incendie, cantons, plans d’évaluation foncière, tracés de chemin de fer), les titres d’enregistrement, des documents légaux, des actes notariés et des rôles d’évaluation municipale.

Il faut vraiment apprendre à s’en servir pour authentifier l’existence des lieux à un temps lointain. Cette grande variété de sources est nécessaire quand nous avons affaire à l’élite marchande du 19e siècle. Elle sait très bien cacher la source de ses revenus et la valeur exacte de son patrimoine. Elle nous conduit dans différents imbroglios. Chaque pièce justificative trouvée nous conduit souvent sur des pistes surprenantes qui nous mènent dans différentes directions.

Analyse à partir de sources multiples

Il s’agit alors de voir à faire un usage critique de ces sources, car leur analyse judicieuse est nécessaire pour être d’abord en mesure d’interpréter ce qu’elles nous révèlent. Ces connaissances sont nécessaires pour en faciliter le repérage. Elle permet de déterminer leurs forces et leurs limites. Ce regard est aussi nécessaire pour en révéler la richesse des documents utilisés. Enfin, le regard critique sur les sources nous détache de notre sujet afin de maintenir l’objectivité recherchée en histoire.

Parcours du patrimoine

Cette semaine,  j’ai ajouté du contenu à mon site Web pour voir à l’histoire de McGillivray et du père de Charles Dewey, Ithamar Day. Je développe davantage mon regard critique. Il demeure que j’ai resté dans le domaine de l’interprétation afin de mettre en place le contexte dans lequel débute l’histoire de Deschênes. Elle est une histoire inusitée de l’historiographie québécoise. Elle offre cependant des indices intéressants pour comprendre par la suite le développement du village de Deschênes.

Je partage alors avec vous le mystère du poste de traite aux rapides  de Deschênes qui a probablement vu naître la maison du 84, chemin Vanier. Il s’agit ainsi pour moi de reconstruire une partie de l’histoire de ce bâtiment historique mystérieux à partir des documents trouvés dans les sources archivistiques du Fond Conroy. Ce mystère nous ramène aussi au besoin d’utiliser différents documents afin d’interpréter et de justifier son existence sur le territoire gatinois et de prouver de sa grande valeur historique.

Qui sait ? L’activité sur le lot 15 a peut-être contribué à inspirer l’artiste de cette peinture à l’huile…

Bibliothèque et Archives Canada :  C-002772  Crédit :  BAC, No. Acc. 1989-401-4
Groupe de voyageurs autour d’un camp de feu ca. 1870
Source : Bibliothèque et Archives Canada C-002772
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada Acc. No. 1989-401-4

Références et sources

Archives  du centre régional d’archives de l’Outaouais, Pétition de Mary McConnell de 1836. Fond Conroy, P 154, D1, Archives nationales du Québec.

Archives  du centre régional d’archives de l’Outaouais, Déposition de Murdoch McGillivray signée en 1857. Fond Conroy, P 154, D1, Archives nationales du Québec.

Archives du centre régional d’archives de l’Outaouais, Inventaire après décès de Robert Conroy, Fond Conroy, P 154, D7, Archives nationales du Québec.

Archives du centre régional d’archives de l’Outaouais, Inventaire après décès de Mary McConnell. Fond Conroy, P 154, D , Archives nationales du Québec.

Archives de l’Association du patrimoine d’Aylmer, May 12-28, Grist Mill, Photographie B-0030, Liste de photographies de l’Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau.

Bervin, George, « Les sources archivistiques : leur utilisation dans l’étude de la bourgeoisie marchande bas-canadienne (1800-1830) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 38, no2, 1984, p.203-222.

Bibliothèque et Archives Canada, document iconographique, peinture faisant partie de : Hopkins Collection, Hopkins, Frances Anne (1838-1919), Groupe de voyageurs autour un camp de feu ( Ontario? ), ca. 1870, NUMÉROS DE RÉFÉRENCE : ACQUISITION : 1989-401-4, REPRODUCTION : C-002772 – before conservation, Droit d’auteur : Expired, Crédit : Library and Archives Canada, Acc. No. 1989-401-4 , Numéro d’inventaire : op0096, SOURCE: ICON 50656