Étiquette : Patrimoine

ENSEMBLE, préservons les vestiges des rapides Deschênes

Pour signer la Pétition : Préservation du barrage des rapides Deschênes

Aidez-nous à préserver dans leur état naturel, les vestiges des rapides Deschênes.

Vous pouvez signer la pétition en cliquant ICI .

MERCI À toutes participantes et à tous les participants, aux résidents et résidentes de Deschênes, à l’Association du patrimoine d’Aylmer (APA), à la Société d’histoire de l’Outaouais (SHO), au Club des ornithologues de l’Outaouais (COO), nombreux et nombreuses ami.e.s, Gaëlle Kanyeba de Radio-Canada, Ani-Rose Deschatelets du Journal Le Droit et aux autres médias (Bulletin d’Aylmer) d’avoir marché et amorcé ce premier pas collectif vers la reconnaissance des vestiges des Rapides Deschênes.

Un énorme MERCI à notre crieur public extraordinaire, Daniel Richer dit Laflêche qui a aussi participé à la marche, fait résonner sa cloche d’appel à la nouvelle tout le long du chemin Vanier et lu publiquement la pétition aux Rapides Deschênes.

Un autre merci tout spécial à nos élu.e.s, Caroline Murray et André Fortin, qui appuient l’Association des résidents de Deschênes dans leurs démarches de préservation des vestiges du barrage.

Il est encore temps de signer la pétition. Allez, aidez-nous à diffuser l’information. S’il-vous-plait, encouragez les vôtres à la signer en toute quiétude… Soyons nombreux à demander au gouvernement du Québec la préservation du barrage des Rapides Deschênes.

Que demandons-nous au gouvernement du Québec ?

Lien vers la pétition

Préserver les vestiges du barrage des rapides Deschênes et sécuriser les berges

afin que tous puissent en bénéficier en toute sécurité,

que la faune et la flore soit préservées

et que ce paysage patrimonial traverse le temps pour la mémoire collective du Québec.

Rappel : En plus d’être apprécié pour la valeur patrimoniale de leur paysage, les vestiges des rapides Deschênes se trouvent sur un site archéologique, un lieu d’importance historique (VOIR, RAPPORT de Michelle Guitard) et une aire écologique aux multiples habitats exceptionnels dans la zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO).

Couverture médiatique

Qu’en dit-on dans les médias ?

Le 17 mai 2023

«Longue vie à Deschênes» (Le Droit)

Des résidents d’Aylmer se mobilisent pour sauver les vestiges des rapides Deschênes (Radio-Canada Info)

Support to protect ruins at Deschênes Rapids snowballing as petition gathers signatures (Aylmer Bulletin)

Le 10 mai 2023

Protéger ou non les vestiges des rapides Deschênes? (104,7, Cogéco Outaouais)

Le 9 mai 2023

Gatineau councillor wants stronger heritage protection for Aylmer ruins (CBC NEWS)

Le 8 mai 2023

Une désignation patrimoniale pour l’ancien barrage des rapides Deschênes? (Radio-Canada Info)

Une pétition pour désigner les rapides Deschênes comme un lieu patrimonial

La valeur des ruines des rapides Deschênes sera réévaluée par le ministère de la Culture

Une pétition pour préserver les vestiges du premier barrage hydroélectrique en Outaouais

Vestiges du barrage des Rapides Deschênes Action Gatineau veut éviter la démolition

Rapides Deschênes: une pétition pour sauver les ruines

Le 23 avril 2023

Le MTQ déterminé à démolir les ruines des rapides Deschênes

MERCI pour votre appui !

Collaboration publique

et appui de la collectivité

15 mai 2023

Musée de l’Auberge Symmes (Page FaceBook)

11 mai 2023

Association du patrimoine d’Aylmer (Page FaceBook, en français et en anglais)

27 avril 2023

Société d’histoire de l’Outaouais (Unique FM, le 15 mai 2023 ; Lettre aux membres)

Allocution à la remise des méritas d’excellence des élèves en histoire

Allocution à la remise des méritas d’excellence des élèves en histoire

Allocution à la salle des fêtes, Maison du citoyen à Gatineau, 16 mai 2019,

pour la Société nationale des Québécoises et des Québécois.

Merci tout spécial à mon amie, Sophie Tremblay… Quelle belle collaboration à la rédaction !

Bonsoir à tous et à toutes,

Je vous remercie de vous être déplacés en grand nombre pour souligner les efforts et les succès des jeunes que nous célébrons ce soir. Je tiens également à remercier la Société nationale des Québécois de l’Outaouais, plus particulièrement leur vice-président, M. Alexandre Cubaynes, pour cette aimable invitation. Je me sens privilégiée de pouvoir m’adresser à vous ainsi et je tiens particulièrement à féliciter chacun des récipiendaires de cette soirée pour leur réussite remarquable. Je souhaite également souligner l’apport de leurs enseignantes, de leurs enseignants et de leurs parents qui ont su cultiver ce succès.

Tout d’abord, je tiens à me présenter, je suis Lynne Rodier. Je suis enseignante en univers social au secondaire depuis plus de 20 ans. J’ai également enseigné au primaire avant cela. De plus, je compte plusieurs cordes à mon arc en histoire. En fait, je détiens une maîtrise en histoire, je suis bientôt candidate au doctorat en muséologie et patrimoines, je suis autrice, conférencière, chercheure et guide-interprète.

Cette présentation a pour moi une signification toute particulière. En effet, ce soir, j’ai l’impression de boucler la boucle avec vous, car j’ai décidé de prendre ma retraite de l’enseignement après plus de 30 ans à partager ma passion et mes projets avec mes élèves. C’est donc avec fierté que je souhaite vous passer le flambeau et prendre un nouvel envol vers d’autres projets qui m’allument dans le domaine de l’histoire et du patrimoine de la région de l’Outaouais.

Le message que je souhaite vous transmettre ce soir est qu’il est essentiel de préserver le patrimoine en Outaouais. Selon moi, sauvegarder les lieux de mémoire nous permet de mieux construire le futur. Ces lieux sont vulnérables, mais ils nous parlent. Il est bien facile de laisser la modernité prendre le dessus sur ce passé si riche. Nous n’avons qu’à penser au quartier de l’île de Hull qui a disparu abruptement sous les pics des démolisseurs en 1969 pour faire place aux ternes édifices gouvernementaux. D’ailleurs, ce projet a été plus ravageur en terme de destruction de bâtiments que le feu de 1900 qui a détruit ce même secteur. Ce n’est pas rien.

De plus, l’histoire est primordiale pour comprendre les différents enjeux de notre société. C’est en regardant vers l’arrière que nous réussissons à porter un regard neuf sur ce qui se passe autour de nous et dans le monde entier. Il n’y a qu’à penser au débat sur l’anticléricalisme qui a bouleversé l’élite canadienne-française vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Mais, savez-vous sur quoi portait ces contestations? Il s’agissait d’un débat sur la place de l’Église au sein de l’État. Ça vous sonne une cloche? En effet, de nos jours, nous vivons un débat semblable, soit le débat sur la laïcité… Il est donc pertinent de se pencher sur le débat sur l’anticléricalisme pour faire un parallèle avec ce que nous vivons aujourd’hui, pour prendre un certain recul sur le débat et pour confronter les divers points sous un autre angle.

L’histoire nous permet également de garder l’esprit ouvert. En allant à la rencontre des gens du passé, nous pouvons constater les origines diverses qui ont forgé notre société gatinoise. Par exemple, un des premiers propriétaires terriens de Pointe-Gatineau et étroit collaborateur de Philemon Wright, London Oxford, était un homme de race noire. De plus, c’est à Gatineau qu’a été élu Jean Alfred, le premier député d’origine haïtienne à l’Assemblée nationale du Québec en 1976. Nous devons donc tirer notre force de cette mixité.

Nous n’avons qu’à penser aux Algonquins qui ont aidé les premiers colons à s’établir dans la région. Par la suite, il est impossible de comptabiliser les différentes vagues de migrants qui sont venus s’installer parmi nous. Que ce soit les Canadiens-Français, venus grossir les rangs des travailleurs du bois et des usines en pleine phase d’industrialisation, les Américains, établis à la chute des Chaudières, les Allemands qui se sont installés dans le Pontiac, les Irlandais catholiques ou protestants qui ont fondé des petits villages un peu partout dans la région, les Écossais de Wakefield, de Shawville et de Clarendon, les Polonais de Buckingham ou les Portugais du Vieux-Hull, chaque communauté a su apporter ses couleurs et ses valeurs pour bâtir la société dans laquelle nous nous épanouissons aujourd’hui.

Par ailleurs, nous avons été fortement ébranlés dans les dernières années par l’arrivée des migrants venus de Syrie. Cependant, force est de constater que la communauté arabe, par exemple, les Kayouk et les Assad, s’est intégrée à notre collectivité dès le début du 20e siècle.

D’autre part, l’histoire nous outille pour faire face à la musique et nous donne du poids pour débattre des différents sujets qui nous occupent. Prenons comme exemple le phénomène actuel des Fake News. Sans une compréhension profonde de notre monde, il est impossible de départager le vrai du faux. Nos connaissances et nos capacités d’analyse acquises dans le cadre de l’étude de cette discipline nous permettent de rester critiques face au flot d’informations qui nous submerge chaque jour.

En fait, pour réussir à percer en histoire, il faut faire preuve d’une curiosité presque obsessive. Il faut persévérer pour aller au fond de l’investigation, découvrir un filon ou explorer une nouvelle source. En effet, une recherche historique fonctionne comme une enquête policière, mais sans témoin direct des faits. Tel un enquêteur, il faut creuser, établir des hypothèses, avancer, reculer et fouiner un peu partout pour découvrir les réalités du passé. Même si certains trouvent cela un peu bizarre, rien ne peut égaler le sentiment de tenir dans ses mains un artefact rare, de respirer l’odeur des archives enfermées durant des décennies, de marcher sur les traces de nos bâtisseurs ou de réussir à prouver que l’homme que l’on cherchait depuis des mois était en fait… une femme! C’est cette adrénaline, ce marathon de recherches, qui anime ma passion pour l’histoire!

En fait, l’histoire est partout autour de nous, elle se trouve sous nos pieds sans même que nous en soyons toujours conscients. Pour la découvrir, il s’agit d’être attentif et d’observer ce qui nous entoure pour tenter de comprendre différents aspects du passé. Pour vous illustrer cela, je vais vous raconter ce qui m’a menée à rédiger mon essai de maîtrise.

Tout d’abord, j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour le village de Deschênes, dans l’ouest de la ville de Gatineau. Ma grand-mère y résidait et j’y ai passé de longues journées durant mon enfance. Les sentiments de liberté et de bonheur que j’y ai ressentis ont forgé ma personnalité. Mes souvenirs sont teintés par la convivialité qui y régnait et l’entraide dont faisait preuve ses habitants. Donc, c’est de façon naturelle qu’étant devenue adulte, j’ai développé le besoin de préserver le souvenir de ces lieux enchanteurs à mes yeux.

Mon périple a débuté à cause de l’imposante maison grise, située au 84 rue Vanier, derrière le Tim Horton. Je voyais cette maison depuis mon enfance et son aspect m’avait toujours intriguée. Elle était unique en son genre, différente de ses voisines. Je souhaitais de tout cœur découvrir son histoire, en apprendre plus sur ceux qui l’avaient érigée et ceux qui l’avaient habitée. Ce fut donc le point de départ de cette aventure.

Pour en apprendre plus sur cette maison, j’ai commencé par consulter les registres fonciers couvrant la période de 1900 à nos jours. Malheureusement, les registres précédant avaient été détruits pour la plupart par l’incendie de Hull en 1900 ou par celui d’Aylmer en 1921. Devant cette impasse, je me suis repliée sur les cartes d’assurance incendie, les photos aériennes datant du début du 20e siècle et les cadastres municipaux de l’époque. Ces recherches ont été mitigées, car cette fameuse maison n’apparaissait pas toujours sur ces documents officiels.

Cependant, toutes les informations recueillies pointaient vers une illustre famille de l’époque : la famille Conroy d’Aylmer. Les avoirs de cette famille étaient richement étoffés dans un fonds d’archives situé à la bibliothèque et archives nationales du Québec de Gatineau. Ce fut pour moi une véritable illumination. Un enfant dans un magasin de bonbons ne pouvait être plus heureux que moi devant cette découverte! Je ne tenais plus à terre. Il me tardait de parcourir toutes ces précieuses archives pour découvrir les origines de ma maison.

J’ai passé de longues heures à me pencher sur ces documents sans me lasser, découvrant peu à peu l’histoire des Conroy, une famille de bâtisseurs de notre région. Je fus rapidement attirée par la mère de ce clan, Mary McConnell, une femme exceptionnelle qui n’avait pas froid aux yeux et qui était très avant-gardiste pour son temps. Mary était la fille de William McConnell, un associé de Philemon Wright, le fondateur du canton de Hull. Elle faisait donc partie de la haute société de l’époque. Elle se maria avec Robert Conroy, un aubergiste prospère d’Aylmer qui fit fortune et devint un des barons du bois du 19e siècle. Elle s’investit dans l’entreprise familiale et reprit les rennes de cet empire de main de maître à la mort de son époux.

Les possessions de la famille sont impressionnantes. Il n’y a qu’à penser à l’hôtel British, à l’auberge Symmes, à la maison Lakeview, à la maison Conroy-Driscoll, au cimetière Bellevue ou à la maison Conroy-McDonald, qui a été détruite par un incendie l’hiver dernier. Tous ses sites et ses bâtiments sont encore visibles à Aylmer et font partie du répertoire du patrimoine culturel du Québec.

Par la suite, les fils de Mary prirent la relève de l’empire familial et développèrent les centrales hydroélectriques de Deschênes, le tramway et un ancêtre de la moissonneuse-batteuse.

Et, de fil en aiguille, je me suis éloignée de ma fameuse maison grise, qui était d’ailleurs devenue beige entre temps… Mary est devenue le sujet de mon essai et elle continue, même après toutes ces années, à occuper mon esprit. Plusieurs projets pour la faire connaître à un plus large public m’habitent. Elle a, entre autres, été personnifiée l’été dernier par une comédienne de la troupe de théâtre La dérive urbaine de Gatineau qui fait des visites guidées du quartier du musée.

Par ailleurs, plusieurs autres projets passionnants traitant de l’histoire de Gatineau vont de l’avant actuellement. Prenons comme exemple le projet Zibi, qui se construit sur un ancien lieu sacré autochtone et sur un ancien site industriel. Il y a également la promenade de la rue Jacques-Cartier qui rend hommage aux cageux et aux draveurs, ces valeureux travailleurs du bois. Souvenez-vous également de la bataille pour sauver le quartier du musée de Hull qui a eu lieu l’an dernier. L’intérêt pour le domaine de l’histoire de l’Outaouais est en pleine effervescence et n’attend que votre contribution!

Vous, les jeunes, êtes l’avenir de l’histoire. L’apport de votre génération est nécessaire pour sa préservation et sa conservation, car, sans vous, tout peut se perdre au profit de l’instantanéité.

Il faut également garder à l’esprit que le présent que nous vivons aujourd’hui est ce qui formera l’histoire de demain. Pensez aux inondations de ce printemps, au règne de Trump à la tête des États-Unis ou même au fameux jeu Fortnite. Tous ces événements que nous vivons sont documentés et seront étudiés, analysés et interprétés par les prochaines générations d’historiennes et d’historiens. Imaginez un moment la tête que feront les historiennes ou les historiens du futur lorsqu’ils découvriront les vidéos de la Floss Dance!

Enfin, l’histoire est vivante et elle est constamment en mouvement. Il s’agit de mettre la main sur une pièce d’archive, un artefact ou un témoignage oublié pour constater à quel point toute notre vision des événements peut se transformer. Que vous songiez à devenir historienne ou historien ou non, je souhaite que l’étude de l’histoire vous aide à forger votre identité et vous mène plus loin dans votre cheminement. Encore une fois, je vous félicite pour votre succès exceptionnel et je souhaite que votre ouverture sur le passé vous aide à tracer votre chemin vers le futur pour devenir des citoyennes et des citoyens engagés dans notre société.

Le lac Deschênes, le Far West du Bas-Canada

Le lac Deschênes, le Far West du Bas-Canada

Par Lynne Rodier et Sophie Tremblay

Aylmer a toujours entretenu son propre mystère. Est-elle une ville anglophone ou une ville francophone? Est-elle catholique ou protestante? Est-elle Ontarienne ou Québécoise? Derrière ses allures de village, cette communauté s’est développée de façon autonome et avant-gardiste. À la lumière de l’étude de ses archives et de son patrimoine, nous découvrons un monde où les innovations, les jeux de coulisse politiques et le monde des affaires ont une place de choix. C’est donc avec plaisir que nous jouerons les Columbos pour vous dans le cadre de cette chronique afin de vous révéler les dessous de cette intrigante.

Abordons une ressource essentielle pour les habitants d’Aylmer, soit le lac Deschênes. Ce vaste réservoir naturel d’environ 30 kilomètres sur la rivière des Outaouais joue un rôle important dans le développement de la ville. Ses abords regorgent de richesses qui restent méconnues pendant plusieurs siècles. Que ce soit pour sa proximité des eaux calmes s’élargissant sur trois kilomètres sur la rivière des Outaouais, la richesse de ses sols et de sa forêt, son climat tempéré ou sa facilité d’accès au gibier et aux eaux poissonneuses, ce joyau tarde à se tailler une place dans le patrimoine québécois. Le lac a d’ailleurs changé de nom à plusieurs reprises avant de se nommer Deschênes pour une raison qui demeure obscure. Est-ce dû aux magnifiques arbres qui le bordaient ou au patronyme d’un inconnu qui s’est illustré dans le domaine des pelleteries? Pour le moment, rien ne nous incite à trancher en faveur de l’une ou l’autre de ces options.

Par ailleurs, au XIXe siècle, cette imposante étendue d’eau demeure un point charnière sur la grande route du commerce qu’est la rivière des Outaouais. Menant les voyageurs et les colons, le lac Deschênes s’étend entre deux obstacles naturels qui imposent un débarquement et un portage pour tous. Ce temps d’arrêt ouvre la porte au développement économique de l’endroit. Donc, marchands de fourrure, commerçants de bois et Amérindiens y flairent la bonne affaire.

Un des neveux de Philemon Wright, Charles Symmes, saura d’ailleurs tirer profit de l’endroit dès 1822. Sur les lieux du débarcadère utilisé par les voyageurs, il bâtit des installations modernes et pratiques qu’il nomme Symmes Landing (L’abord-à-Symmes). Cet endroit, le plus à l’ouest du Bas-Canada, servira de point de départ pour les rues d’Aylmer où pousseront les échoppes, les hôtels et les entrepôts qui seront témoin de nombreuses tractions qui forgeront la ville d’Aylmer et l’histoire du Canada tout entier.

L’Outaouais, des histoires à découvrir

L’Outaouais, des histoires à découvrir

L’histoire de l’Outaouais maintient précieusement plusieurs énigmes bien cachées dans nos centres d’archives en région. Par ma recherche au sujet de la famille Conroy d’Aylmer, j’ai découvert des pistes intéressantes sur la transformation du commerce, du transport, de l’agriculture et du droit civil en Outaouais au 19e siècle. Plusieurs questions de recherche n’ont toujours pas trouvé de réponse. Par exemple, la maison grise est toujours à vendre, et elle est maintenant de couleur beige. Je ne sais toujours pas qui est le bâtisseur de ce bâtiment historique dans le secteur Deschênes à Gatineau, et elle ne bénéficie pas d’une reconnaissance pour sa valeur patrimoniale. Aussi, je n’ai pu m’attarder au rôle politique de la famille Conroy et à leurs liens d’affaires avec les familles McGillivray, des marchands de fourrure de l’ancienne Compagnie du Nord-Ouest et de Charles Dewey Day, un juge et un politicien ayant transformé le droit civil et l’instruction publique au Québec.

Toutefois, mes recherches m’ont conduite vers différentes histoires inusitées de la région. En étudiant le lot sur lequel est construite la maison grise, les titres de propriété m’ont obligée à faire un retour sur l’histoire du Code civil du Bas-Canada, car une femme, Mary McConnell, en est propriétaire en 1857. Mary McConnell est une femme d’affaires et l’épouse de Robert Conroy.Elle acquiert la propriété riveraine aux pieds des rapides Deschênes de son père, William, dans un contexte litigieux. William McConnell et son frère, James, sont des marchands de fourrure et de bois, redoutés de la Compagnie de la Baie d’Hudson, et s’étant installés dans la région avec le groupe d’associés de Philemon Wright. La famille McConnell a aussi plusieurs grandes fermes dans le canton de Hull. Étant bien établies, la famille McConnell et ensuite, la famille Conroy voient aux activités de transbordement sur le lac Deschênes avant que la marchandise ne se rende en aval aux chutes des Chaudières.

À travers les traces laissées dans les divers documents de la famille Conroy au Centre de recherche des archives de l’Outaouais (CRAO), nous voyons à l’histoire du mode d’établissement dans la région et à l’essor de l’agriculture, du transport, du commerce, de l’industrialisation et de l’hydroélectricité sur la rivière des Outaouais. Ainsi, à travers les traces du patrimoine de la famille Conroy d’Aylmer, il nous est permis de voir à une autre histoire des bâtisseurs de l’Outaouais. Cette recherche se révèle aussi un bel observatoire de l’histoire des femmes au Québec, car, une fois veuve, Mary McConnell sait faire usage du droit civil pour réussir à fonder Deschènes Mills qui devient au 20e siècle le village de Deschênes.La famille Conroy d’Aylmer ouvre alors vers plusieurs pistes de découvertes par les traces de leur patrimoine qui conduisent à des histoires méconnues de la région de l’Outaouais.

Ce blogue n’est qu’une continuité de mes recherches en histoire qui en somme, ont soulevé tellement de questions méritant l’attention d’un plus grand public et des historienNEs qu’elles seront reprises au fil de mes écrits. Il y a toujours de nombreuses pistes de découvertes à ces histoires. J’admire la force de caractère de la population de la région et le cours des événements qui ont façonné notre passé et qui ont toujours des répercussions sur notre présent. J’aimerais en arriver à faire valoir cette histoire auprès des jeunes en particulier pour qu’ils y trouvent un intérêt pour le passé. Il faut bien admettre que plus l’histoire se rapproche de soi, plus elle nous pousse à la questionner et à en être curieux …

Par ailleurs, j’ai le plaisir de vous annoncer que mon premier article écrit conjointement avec Sophie Tremblay est retenu par l’équipe de la revue, Hier encore, du Centre de recherche des archives de l’Outaouais (CRAO). L’article, Les bâtisseurs de l’Outaouais : Robert Conroy, paraîtra en février 2015. Je souhaite personnellement qu’il soit aussi le premier d’une série au sujet des bâtisseurs de l’Outaouais. Ce dernier porte sur Robert Conroy d’Aylmer et de son rôle dans le développement économique de la région au 19e siècle. C’est aussi avec plaisir que je vous lance une invitation pour une causerie au sujet de la famille Conroy d’Aylmer que je prépare pour l’Association du patrimoine d’Aylmer (APA). C’est alors un rendez-vous, le 16 novembre 2014 à 14 heures au musée d’Aylmer situé au 495, chemin d’Aylmer à l’angle du chemin du Golf. Vous pouvez réserver pour cette activité en appelant à l’APA au 819-684-6809.

Merci de me suivre,

Lynne Rodier

lynnerodier@gmail.com

L’influence de Robert Conroy en Outaouais

L’influence de Robert Conroy en Outaouais

L’arrivée de Robert Conroy en Outaouais

Dès son arrivée à Aylmer durant les années 1830, Robert Conroy se tisse des liens avec les hommes d’affaires et les propriétaires terriens de l’ouest du canton de Hull. En 1837, Robert Conroy qui est né en 1811 à Magherafell, Comté de Derry, Irlande[1] épouse Mary McConnell. Cette noce associe Robert Conroy à une famille pionnière bien établie dans le canton de Hull. Il n’y a que des hypothèses pour expliquer la venue de Robert Conroy, cependant Gourley affirme que son lieu d’origine est son « calf ground[2] » où l’économie repose surtout sur l’agriculture et les grandes propriétés terriennes réservées principalement à l’élite protestante.

Au cours des années 1830, il s’établit dans la petite communauté riveraine à l’ouest du lac Deschênes sur le lot 21 du rang 2 de Charles Symmes, le neveu de Philémon Wright. Dès son arrivée à Aylmer, Robert Conroy se tisse des liens avec les hommes d’affaires et les propriétaires à l’ouest du 2e rang du canton de Hull. « En louant un hôtel de Charles Symmes [fondateur d’Aylmer] et en épousant une McConnell, Robert Conroy fut dès le début en contact étroit avec l’élite locale naissante[3] ».

À son arrivée dans le canton de Hull, Robert Conroy est témoin du déclin du commerce de la fourrure au profit de l’industrie du bois[4]. Il prend à sa charge l’hôtel de Charles Symmes et l’aménage avec son épouse Mary McConnell. Robert Conroy se place alors en position avantageuse pour entretenir des liens privilégiés contribuant ainsi à l’essor économique et politique de l’Outaouais. En plus de s’associer aux grands propriétaires fonciers et marchands de la famille McConnell, Robert Conroy établit des relations durables avec Charles Symmes et John Egan dans diverses entreprises de développement local allant de la voirie, au transport et au développement manufacturiers.

Au cours des années 1840, il devient évident que la famille Conroy est au centre des activités des aspirants bâtisseurs de l’ouest canadien veillant autant à l’essor de leur communauté qu’à établir un réseau de communication efficace favorisant leur localité dans la Province du Canada. « D’un autre point de vue cependant, les modes d’immigration, de colonisation et d’activité économique donnent lieu à des positions et des priorités distinctes qui, à leur tour, sont aussi bien source de conflit que de coopération[5] ». Les communautés sur les deux rives de la rivière des Outaouais rivalisent hardiment leur position stratégique, économique et politique dans la province coloniale[6]. Les bâtisseurs d’Aylmer se joignent alors en un réseau local et interfamilial pour établir des relations commerciales et politiques avec les marchands et les politiciens de la région de l’Ottawa (Outaouais), de Montréal et de la Grande-Bretagne.

Les débuts d’Aylmer au Symmes Landing

Robert Conroy gère avec Charles Symmes diverses entreprises de la communauté naissante. Une première route est construite en 1820. Elle relie déjà les installations de Philemon Wright au débarcadère naturel paisible du lac Deschênes sur la rivière des Outaouais en amont des trois portages des chutes Chaudières. Les Entreprises Philemon Wright et fils y ont installé la ferme Chaudière sur les rives du lac Deschênes. Les Wright ne priorisent pas le développement de cette grande ferme de l’ouest se concentrant davantage sur leurs installations aux chutes des Chaudières. Au décès de Philemon Wright fils en 1821, Charles Symmes, neveu du fondateur du canton de Hull, se voit confier le développement de la ferme Chaudière.

L’état de la route entre les chutes et la ferme Chaudière laisse à désirer éloignant ainsi Charles Symmes de la sphère d’influence de son oncle Philemon Wright. Ce dernier lui vend le lot 21 sur le 2e rang du canton de Hull menant directement au bout de ce chemin qui conduit vers l’ouest au lac Deschênes. Charles Symmes ne tarde pas à mettre en valeur son lot où affluent de plus en plus les voyageurs et la main d’oeuvre en transit sur l’Outaouais s’embarquant sur les nouveaux bateaux à vapeur au débarcadère qu’on appelle le Symmes Landing («L’Abord-à-Symmes »)[7]. L’acquéreur repaie les sommes exigées pour l’acquitter de sa dette, il obtient la quittance sur son hypothèque de son oncle.

Au cours de la visite de Joseph Bouchette, l’arpenteur général du Bas-Canada dans le canton de Hull en 1825, les environs de l’Abord-à-Symmes retient davantage son attention. Il suggère le site pour l’établissement du premier village du canton de Hull surclassant les propriétés de Philémon de Wright et fils aux chutes des Chaudières et au nord-est du canton de Hull.

Il demeure que Charles Symmes n’est pas seul dans ses entreprises au lac Deschênes à l’ouest du canton de Hull. Il s’associe à des partenaires faisant déjà affaires sur les rives du lac Deschênes. «Bien que Charles Symmes peut être à bon droit considéré comme le fondateur de la ville d’Aylmer, il n’en est pas moins acquis que la Compagnie de la Baie d’Hudson faisait alors des bords du lac Deschênes le point de départ de tout l’approvisionnement de ses postes de l’Outaouais[8] ». Symmes joue alors un rôle important dans le transport de la marchandise vers les postes de traite et les chantiers de l’industrie forestière naissante. Il faut aussi admettre que l’Abord-à-Symmes croît en un lieu de commerce et de transport imposant se maintenant à l’extérieur de la sphère d’influence des Wright dans le canton de Hull.

En 1831, ce futur village obtient le premier bureau d’enregistrement foncier qui est une victoire élargissant son influence et son rôle administratif de la communauté dans le comté d’Ottawa. C’est ainsi que l’on commence à nommer cette localité voisinant la ferme Chaudière des Wright en l’honneur du nouveau gouverneur du Bas-Canada, lord Matthew Whitworth-Aylmer[9]. C’est pendant cette époque qu’arrive Robert Conroy dans la région. Et encore une fois en 1832, la croissance d’Aylmer est remarquée par l’arpenteur Joseph Bouchette qui décrit ainsi le développement de cette communauté:

« A road from Chaudiere Lake, cutting at right angles the Britannia Road, leads into the back settlements, where, of course, no good roads can at present be expected: on this road few settlements are to be seen beyond the 4th and 5th ranges, from which to the 3rd range the farms progressively increase and towards the Chaudiere Lake the road passes apparently through an old-settled country [10] ». 

Symmes ne tarde pas à mettre en valeur sa propriété riveraine et à tracer les premières rues de son établissement. « Travailleur et ambitieux, il comprend l’importance de cet emplacement, à l’endroit où les voyageurs s’embarquent pour naviguer plus à l’ouest sur la « grande route » qu’est la rivière des Outaouais[11] ». Symmes s’associe à Robert Conroy et ils offrent alors des services variés aux voyageurs en transit allant de services de transport, de la vente au détail et à l’hébergement.

« Le peuplement des deux rives de l’Outaouais a fait multiplier le nombre d’embarcations qui empruntaient ce cours d’eau, et le débarcadère est devenu un point obligé pour ceux qui s’aventuraient en amont de la Chaudière[12] ». Ainsi, Aylmer se trouve à l’épicentre du transport entre l’est et l’ouest de la Province du Canada. L’augmentation du transport de la marchandise et du flux migratoire combinée aux succès des entrepreneurs d’Aylmer contribue à attirer des artisans, des journaliers et surtout, d’autres jeunes hommes ambitieux ayant un réseau d’influence avec les marchands du Bas-Canada. « Symmes Landing prit vite figure de port de mer, alors qu’il n’était guère question de Bytown, encore moins de Hull[13] ».

L’établissement de Robert Conroy à Aylmer

L’arrivée de Robert Conroy dans la région coïncide alors avec l’introduction de la vapeur sur la rivière des Outaouais. « Les bateaux à vapeur sillonnent de plus en plus les cours d’eau, commençant d’abord par les routes du lac Deschênes en 1833 et celles du lac des Chats en 1836[14] ». Robert Conroy ne tarde pas à investir dans la Upper Ottawa Steamboat Company[15]. Les premiers bateaux à vapeur permettent le passage d’un nombre croissant d’immigrants et de marchandise approvisionnant les postes de traite de la Baie d’Hudson et les chantiers forestiers en amont des Chaudières. « Ce service de bateaux à vapeur va littéralement lancer le développement d’Aylmer[16] ».

« Le service des vapeurs donna un grand coup d’épaule à l’essor commercial d’Aylmer dans les années 1830 ». L’essor économique repose sur la volonté de son élite à se maintenir au centre du réseau de communication entre l’arrière-pays et l’Est canadien sur la rivière des Outaouais. À l’époque, Aylmer est d’ailleurs un lieu de transit majeur entre l’est et le Nord-ouest américain, et ce, jusqu’à l’introduction du chemin de fer au milieu du 19e siècle. Les commerces et les premières manufactures voient aux besoins des migrants en transit vers l’ouest. Les services de transport se sont multipliés avec la croissance de la population et la permanence de l’établissement le long du chemin d’Aylmer. « La vocation d’Aylmer comme lieu de transbordement de marchandises accéléra son développement. La route d’Aylmer, lien entre Aylmer et Hull, devient l’axe le long duquel s’établirent les premiers colons[17] ».

La vapeur transforme cette communauté en modifiant les services de transport ou en fournissant l’énergie nécessaire aux premières manufactures, car Aylmer ne peut compter sur les forces hydrauliques des eaux calmes du lac Deschênes.  La vapeur contribue ainsi à la croissance des premières manufactures à Aylmer. En 1839, Robert Conroy se joint à John Egan, Charles Symmes et Harvey Parker en investissant dans la construction d’un moulin à farine fonctionnant à la vapeur, le Aylmer Bakery[18]. Les moulins à vapeur locaux fournissent les marchandises nécessaires aux travailleurs sur les chantiers et aux immigrants arrivant de Montréal s’établissant sur les terres du bassin des rivières Rideau et des Outaouais. Les premières scieries se prévalent aussi de cette énergie à Aylmer. « Si la ville d’Aylmer fut à son origine le pied-à-terre des travailleurs de la forêt, elle n’en eut pas moins ses propres scieries dont l’importance n’était alors certes pas discutable[19] ». En 1841, Aylmer compte alors 500 habitants, quatre magasins généraux, autant d’hôtels, deux boulangeries, une tannerie, une école, une église et un journal[20].

Les Auberges Conroy à Aylmer

Robert Conroy s’établit au premier auberge d’Aylmer déjà construit par les Wright pour Charles Symmes en 1822[21]. En 1834, Conroy acquiert son premier homestead[22] comprenant l’auberge d’Aylmer (Symmes), le quai de débarquement et le magasin au débarcadère du lac Deschênes[23]. Robert Conroy exploite ainsi cette confortable auberge de pierre riveraine[24] et il entreprend, la même année, la construction de son propre hôtel, la fameuse Hôtel British [25]. L’Auberge Symmes et l’hôtel British sont toujours des plus anciens bâtiments marquant le début du développement à Aylmer. À elle seule, l’hôtel British compte plusieurs bâtiments, dont l’auberge originale, l’ancienne résidence des Conroy et l’écurie en arrière. En fait, l’ensemble du bâtiment est le plus ancien hôtel canadien exploité à l’ouest de Montréal. Sur place, le voyageur bénéficie des services de location de chevaux et de voitures. À l’hôtel, il s’offre un service de diligences «confortables» opéré par Moses Holt reliant dès 1840 les auberges Conroy à Aylmer au débarcadère de Hull[26].

Alors, en plus d’être partenaire et un actionnaire dans l’établissement des manufactures et des services de transport à Aylmer, les affaires hôtelières placent la famille Conroy au cœur des activités sur l’Outaouais. En tant que Tavern Keeper[27], Robert Conroy élargit son réseau d’influence. L’hôtel British est un haut lieu d’activités dans le village d’Aylmer, servant tantôt de lieu d’affaires, d’église, d’école, de salle d’assemblée au premier conseil municipal et de Cour supérieure du district de l’Ottawa pendant son projet de construction. La famille Conroy vient qu’à cumuler un ensemble imposant de biens immobiliers en Outaouais au 19e siècle[28].

À partir de 1851, le couple Conroy loue leurs opérations hôtelières. La famille Conroy maintient toujours ses intérêts dans leurs hôtels[29] qui demeurent dans leur inventaire immobilier jusqu’en 1902. Les hôtels Conroy sont un endroit de rencontre autant pour les pourparlers économiques qu’un lieu d’actions politiques dans la vallée de l’Outaouais au 19e siècle. Cette situation assure ainsi à la famille Conroy un avenir politique et un rôle économique d’importance dans la région.

L’influence de Robert Conroy dans l’industrie du bois

Au départ Robert Conroy ne détient aucune limite forestière malgré qu’il soit un des grands négociants ramenant de vastes radeaux de bois de l’ouest vers Montréal au cours des années 1840 et 1850[30]. Robert Conroy se hisse graduellement une place en tant que négociant et marchand du bois dès 1842[31]. Il tire profit de concessions dans la vallée de la Madawaska vers 1840 et de la région de Chalk River en 1850 sur la rive sud de la rivière des Outaouais[32]. Il établit un quai d’embarquement à la pointe de Bonnechère, une région développée par son partenaire John Egan. Cette époque coïncide avec le moment où la famille Conroy se concentre davantage sur leurs activités de bois et de transport en Outaouais[33].

À Aylmer, l’importance du bois se perçoit dans les premiers plans illustrant l’évolution de la communauté à sa fondation où « l’utilisation des terrains dans le triangle formé par Front, Eardley et Charles, bien qu’une bonne partie demeure inhabitée à cause de l’empilage de bois qui occupe d’importantes superficies[34] ». Ce triangle est derrière la rue Principale qui mène au débarcadère Symmes. La rue Principale est réservée aux commerces et aux grandes demeures prestigieuses de l’élite sur le chemin Britannia (Aylmer) qui descend du troisième rang vers l’ouest à la limite des premier et deuxième rangs du canton de Hull.

Le chemin Britannia se concentre alors en un lieu de résidence de l’élite de l’Outaouais. «La majorité d’entre eux s’est fait remarquer par son énergie et sa place enviable et a laissé de superbes résidences de pierre qui constituent un caractère spécial et significatif de l’histoire économique de l’endroit[35] ». En 1855, la famille Conroy aménage une des résidences de pierre des plus prestigieuses à Lakeview au coeur du village à une distance de marche de leurs hôtels sur la rue Principale à Aylmer. « Lakeview témoigne de la prospérité de Conroy[36] ».

La famille Conroy obtient leur deuxième homestead sur le lot 15-a, rang 1 dans le canton de Hull en 1857. Ce homestead devient leur lieu de développement industriel et d’innovation technologique mieux connu sous le nom de Deschenes Mills. Robert Conroy acquiert ensuite du Shérif Louis M. Coutlée le lot 15-b sur lequel il y a une ferme et une scierie aux rapides de Deschênes en 1866[37]. Il y a aussi une fabrique de lainage vraisemblablement un moulin à foulon construit par Ithamar Day. Robert Conroy y fait construire un moulin à farine et son épouse Mary y développe une grande ferme dans les traditions de la famille McConnell dans le canton de Hull. L’influence de Robert Conroy dans l’industrie du bois de la région est indéniable malgré qu’il possède peu de titres de concession. Cette notice publiée dans le Aylmer Times, le 22 août 1856 prouve en partie de l’influence de Robert Conroy dans l’industrie forestière de la région de l’Outaouais:

Ran Away (Aylmer Times, 22 August 1856)

Public Notice is hereby given, that Francis Hilaire, Joseph Perrin, Noah Fortier, and M.A Fortier, have absconded from my employment, while the term for which they were engaged, is yet inexpired. Any person HIRING or EMPLOYING THESE MEN, will be prosecuted by the Subscriber.

Robert Conroy[38]

Le développement des réseaux de communication et de transport

Les entreprises Philemon Wright et fils investissent dans la construction de la première route reliant l’est à l’ouest du canton. « En 1818, Wright fit construire une route de Hull à Aylmer, à laquelle il donna le nom de chemin Britannia, sans doute pour affirmer son loyalisme que certains pouvaient peut-être suspecter[39] ». Le décès de Philemon Wright fils en 1821 arrête subitement les investissements à l’ouest du canton de Hull. Cette situation vient aussi bouleverser l’idée de la petite colonie reconnue pour la coopération des associés dans l’établissement du Great Township of Hull au début du 19e siècle. La majorité des Associés sont établis le long des premiers et deuxième rangs à l’ouest des établissement de Philemon Wright. Se plaignant du pauvre état des routes permettant de se déplacer, les concessionnaires de l’ouest du canton s’organisent et ils fondent la société par actions The Bytown & Aylmer Union Turnpike Company [40]. Cette société dont fait aussi partie John Egan, Joseph Aumond, Richard McConnell et Robert Conroy, achève la construction du chemin Britannia (chemin d’Aylmer) menant vers l’ouest du canton de Hull au lac Deschênes en 1850[41].Cette entreprise de voirie relie le débarquement des chutes des Chaudières près du nouveau pont d’Union au village d’Aylmer. Les actionnaires font installer deux postes de péage pour financer les frais de construction et d’entretien de cette route macadamisée et de gravier.

Les routes transversales au chemin Britannia

Les frères McConnell qui s’amènent de Québec avec le groupe d’associés de Wright prennent possession de plusieurs lots sur les rangs 1 et 2. Ils tracent le premier chemin permettant de contourner les trois portages des Chaudières. Ayant plus l’allure d’un sentier, le McConnell Lane[42] traverse les fermes de William McConnell sur le lot 14, rang 1 à l’est pour atteindre la ferme de son frère James McConnell à la limite ouest du lot 15 aux rapides de Deschênes. Ce sentier offre accès au magasin de William McConnell sur le lot 14, rang 1 qui sert surtout aux voyageurs et aux résidents.[43]

Joseph Bouchette écrit au sujet des activités de développement entrepris par les frères McConnell sur le premier rang du canton de Hull dans le dictionnaire topographique du Bas-Canada en 1832 : « lot 14 in the range also affords an advantageous site for a village, which might be built at the junction of two roads, near which there is a saw-mill and also a tolerably well-cultivated farm[44] ». Ainsi, le fils de James McConnell, Richard voyant les limites du réseau de transport à l’ouest des chutes Chaudières, s’associe rapidement au projet de la construction de la route macadamisée.

Jusqu’en 1831, la ferme voisine est développée par Ithamar Day installé sur le lot 15 aux rapides Deschênes. Cette ferme sur le rang 1 est traversée par une route transversale au chemin Britannia tracé à la limite des premier et deuxième rangs du canton de Hull. « Son intersection avec le chemin d’Aylmer formait un carrefour achalandé qui était considéré comme le cœur de la municipalité[45] ». Cette route nommée le chemin Deschênes (Vanier) mène à la scierie et au poste de traite de ce marchand indépendant et ancien négociant de fourrure de la Compagnie du Nord-Ouest.
Le chemin Deschênes partage alors le lot 15, rang 1 en deux à partir des rapides, Il remonte vers le chemin Britannia au nord jusqu’aux pieds des collines de la Gatineau au chemin de la Montagne.

L’intersection des chemins Deschênes et Britannia (Vanier) connaît une affluence qui est d’abord conditionnée par le mouvement migratoire et le déplacement de la main d’œuvre dans le canton de Hull. L’industrie du bois attire plus de 25 0000 à 30 0000 hommes dus à l’accroissement de la demande pour cette matière ligneuse[46]. Louis Taché ajoute que « le premier mouvement de colonisation et d’exploitation forestière se fit dans la direction tant de la ville d’Aylmer que du chemin de la Montagne[47] ». Le chemin Deschênes débutant sur le lot 15, rang 1 du canton de Hull devient alors un lieu marquant l’essor de la colonisation, des voies de transport, du commerce et des premières industries sur la rivière des Outaouais.

Le souci du développement du réseau de communication vise à rentabiliser le transport des matériaux et les provisions nécessaires à la construction et à l’exploitation des ressources (traite de fourrures, industrie du bois, agriculture)[49]. « Parmi ces dirigeants locaux se trouvent également les gros exploitants qui s’engagent à fournir, chaque année, des quantités déterminées de bois d’œuvre et de douves pour les trains de bois en direction de Québec[50] ». Robert Conroy joue aussi un rôle important dans le recrutement de la main-d’œuvre et dans l’établissement des colons sur les deux rives de la rivière des Outaouais[51]. Il est de ces bâtisseurs voulant rendre la région plus attrayante afin de rentabiliser ses divers investissements.

Les mystères du pont de Deschênes

Menacé par le chemin de fer qui s’amène à Bytown par la rive sud de la rivière des Outaouais, Conroy acquiert l’ensemble du lot 15 et le lot 16 sur le rang 1 du canton de Hull et le lot 26, rang 1 du canton de Carleton à Nepean sur la rive sud de la rivière des Outaouais en prévision d’un pont probable aux rapides de Deschênes où il pourrait retirer un revenu des frais de péage en plus de mettre en valeur ses propres industries sur le lot 15 [51,a] . Ces nouvelles acquisitions immobilières de Robert Conroy se trouvent au centre des discussions d’un tracé de chemin de fer sur la rive nord de la rivière des Outaouais. 

« Le 24 octobre 1853, John Egan lance l’idée d’un chemin de fer entre Montréal et Aylmer et adresse une circulaire à cet effet aux intéressés de son comté[52] ». Le chemin de fer permettrait de maintenir le rôle central d’Aylmer en tant que lieu de transit entre l’est et l’ouest canadien en plus d’éloigner les marchands des Chaudières de leur emprise sur le transport du bois. Le chemin de fer ouvrirait ainsi les entreprises des marchands d’Aylmer aux marchés extérieurs. Les marchands ayant collaboré à la construction du chemin macadamisé d’Aylmer reviennent en force avec le projet ferroviaire.

En 1853, une compagnie à charte Montreal & Bytown Railway est formée par des marchands de Montréal dont la majorité est francophone a déjà l’appui de la ville de Montréal, de Terrebonne et du comté du Lac-des-Deux-Montagnes[53]. Leurs efforts sont soutenus par les marchands de bois de la région de l’Outaouais comprenant entre autres Thomas McKay, Nicholas Sparks, Joseph Aumond, John Egan, Charles Symmes et Robert Conroy[54] de Nepean et d’Aylmer.

Le tracé de cette compagnie ferroviaire propose de joindre Montréal à Bytown en passant sur la rive nord de l’Outaouais pour ensuite traverser la rivière près des rapides Deschênes et rejoindre Nepean, ensuite Richmond, Perth et Kingston au Canada-Ouest. À ce point, il y a même des rumeurs qui vantent l’hypothèse que cette ligne pourrait rejoindre l’est et l’ouest du Canada.

Malheureusement, la malchance et les difficultés financières de la compagnie à charte conduisent à l’abandon de la construction de cette ligne de chemin de fer qui n’a réussi qu’à bâtir le tronçon reliant Carillon à Grenville à la fin des années 1850.  Ainsi, l’idée d’un pont entre les cantons de Hull et de Carleton à Nepean ne s’est pas concrétisée. Il demeure que plusieurs tracés de chemin de fer suivent et c’est en 1879 que la compagnie Quebec, Montreal, Ottawa et Occidental Railway est terminée jusqu’à Aylmer[55]. Il se rend aux usines de la famille Conroy installées sur le lot 15-a aux rapides de Deschênes.

Le Pontiac, Pacific Junction Railway (PPJR) prend le relais d’Aylmer jusqu’au comté du Pontiac. « Quelques années plus tard, la vente d’une partie du terrain à la Compagnie de Chemin de fer de Pontiac and Pacific (plus tard la Compagnie Canadien Pacific) et l’établissement de voies ferrées jusqu’à proximité des moulins révèlent un volume de production important dans l’économie régionale ». La PPJR propose de nouveau l’idée d’un pont interprovincial à Deschênes où « il lui sera loisible d’imposer et de recevoir des droits, péages et loyers pour l’usage du pont[56] ». Ce projet de construction propose encore d’unir ainsi le village Deschênes à Nepean à l’ouest d’Ottawa. Il n’y aura aucun pont reliant les deux communautés à Deschênes malgré les nombreuses études et propositions à ce sujet jusqu’en 1980.

Conclusion

À son décès le 5 avril 1868 en tant que maire du village d’Aylmer[57], Robert Conroy est un propriétaire d’hôtels, un négociant de bois, un marchand important en plus d’avoir des parts importantes dans l’établissement du réseau de transport et des meuneries à farine et des scieries aux rapides Deschênes et à Aylmer[58].  À son époque, Robert Conroy est un des hommes des plus influents en Outaouais, il décède la même année que deux autres associés et bâtisseurs d’Aylmer : Charles Symmes et Peter Aylen[59]. Robert Conroy meurt au début de son 2e mandat en tant que maire d’Aylmer en 1868. Cette époque annonce alors une période de profondes transformations dans l’usage des biens fonciers de la famille Conroy et dans la vocation industrielle du village d’Aylmer.


[1] J.M. Gourlay, History of The Ottawa Valley (1896, 2008), new index by Mary Bole (2010), image reprint CD, (Milton, Ontario: Global Heritage Press, 2010), p. 172.

[2] Ibid. ; Je n’ai pu trouver le sens de cette affirmation.

[3] Richard Bégin, L’hôtel British d’Aylmer : au cœur de l’histoire de la Vallée de l’Outaouais », Histoire Québec, Novembre 2004, Volume 10, Numéro 2.

[4] Michael Newton, « Some notes on Bytown and the fur trade », p. 16-17. Michael Newton note que « The McConnell family of Hull withdrew from the fur trade in 1846-1847, so that the HBC now had well-financed « regular opposition », but « petty » traders continued to abound ».

[5] Chad Gaffield, L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p.146.

[6] Rivalités politiques et économiques locales : Bytown (Ottawa, Ontario), Nepean (Ontario) sont des villes qui soumettent leur candidatures pour devenir la capitale du siège législatif permanent de la Province du Canada (Canada-Uni). Hull, Buckingham et Ottawa sont ses rivales économiques dans l’industrie du bois. Le complexe des chutes de la chaudière Chaudière entre Ottawa et Hull rivalise avec les entreprises hydroélectriques aux rapides Deschênes.

[7] Ibid.

[8] Louis Taché, Le Nord de l’Outaouais, p. 203.

[9] Manon Leroux,  L’Autre Outaouais, p. 97.

[10] Bouchette, Joseph, Dictionnaire topographique de la province du Bas-Canada, Suvervor-general of Lower-Canada OF THE LIT. AND HIST. SOC. OF QUEBEC, AND CORRESPONDING MEMBER OF THE SOC. OF ARTS AND SCIENCES, LONDON. (LONDON) , Longman, Rees, Orme, Brown, Green, and Paternoster-Row, 1832.

[11] Manon Leroux,  L’Autre Outaouais, p. 97.

[12] Patricia Drew Pommainville, « Les bateaux à vapeur d’Aylmer », Les grands moments d’Aylmer’s Great past times, 150 ans d’histoire à Aylmer Québec 1847-1997, p.30.

[13] Ibid. p. 204. – Aussi voir – 4° — En 1818, l’ancien Ktiné, qui s’appelait Hyatt’s Mill depuis 25 ans, ne mérite plus de porter le nom du fondateur loyaliste Gilbert Hyatt : les notables du hameau, en tête William Bowman Felton, intercèdent auprès du gouverneur du temps pour qu’on rebaptise l’endroit d’un nom qui sonne vraiment londonien, et Lord Sherbrooke condescend à donner son nom à la future métropole des Eastern Townships.5                   Cette simple con- version d’une appellation porte tout un sens. La mode se propage, et plusieurs localités naissantes gagnent aussi de s’orner d’une désignation qui les apparente à la cour royale: Drummondville (en l’honneur du gouverneur Sir Gordon Drummond), Lennox- ville et Richmond (en l’honneur de Charles Lennox, due de Richmond, gouverneur), Charleston (en l’honneur du Prince Régent Charles), Aylmer (en l’honneur du gouverneur Lord Matthew Aylmer), Victoria (en l’honneur de la grande reine), Georgeville (en l’honneur du roi George). Dans – p.236 – « The Eastern Townships Contemplated as a British Stronghold » dans Maurice O’Bready Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 15, n° 2, 1961, p. 230-255.

[14] Gaffield, Chad et al., L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p. 110. Robert Conroy est un des premiers investisseurs dans le développement de la compagnie de bateaux vapeurs sur l’Outaouais supérieur connu sous le nom Upper Ottawa Steamboat Company. P154, D6, Fonds de la Famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy, 21 juillet 1879, Aylmer, Centre d’archives de l’Outouais, BAnQ.

[15] Robert Conroy détient toujours des parts dans cette compagnie à son décès en 1868. P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[16] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 9.

[17] Diane Aldred, Le Chemin d’Aylmer, p. 25.

[18] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[19] Taché, Louis & al. Le Nord de l’Outaouais. Manuel-Répertoire d’Histoire et de Géographie régionales, Le Droit, Ottawa, 1938, p. 206-207.

[20] Lucien Brault, Aylmer d’hier/ Aylmer of Yesterday, Institut d’histoire de l’Outaouais, Aylmer (Québec), 1981, page 26. L’auteur affirme que ces données sont tirées du recensement de 1841.

[21] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 24.

[22] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[23] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[24] Une publicité dans le journal Bytown Gazette annonce que le Aylmer Hotel (Auberge Symmes) est le village le plus agréable du Bas-Canada le 6 septembre 1837.

[25] Gary Blair, Villes et villages de la région de la Capitale nationale, La Commission de la Capitale nationale, Ottawa, 1975, p. 56.

[26] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 24

[27] Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 176.

[28] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[29] La famille Conroy vend leurs établissements hôteliers en 1902. IDENTIFIER DOCUMENT

[30] Traduction libre de cette citation : « Some, such as Robert Conroy, held no limits, but continued to bring rafts to market throughout the 1840s and early 1850s » (Reid, 1990 :lxvi).

[31] Robert Conroy est qualifié de Lumberer dans le registre paroissial de l’Église Saint-James. Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853 [Parish Register 429], p. 129.

[32] Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », p. 168.

[33] Au baptême de sa fille Charlotte Anne, la mention Tavern Keeper est raillée dans le registre paroissial de l’église Saint James dans Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 129.

[34] Pierre-Louis Lapointe, « L’évolution spatiale de la ville d’Aylmer : 1801-1983 », Les grands moments d’Aylmer’s Great past times, 150 ans d’histoire à Aylmer Québec 1847-1997, Musée d’Aylmer et Société d’histoire de l’Outaouais, Hull (Québec), 1997, page 23.

[35] Brault, Lucien, Aylmer d’hier/ Aylmer of Yesterday, Institut d’histoire de l’Outaouais, Aylmer (Québec), 1981, p. 241.

[36] Diane Aldred, Aylmer Québec, Its heritage, son patrimoine, Association du patrimoine d’Aylmer,  Aylmer (Québec), 1989, p. 56.

[37] Guitard, Michelle, Quartier de Deschênes, p. 20.

[38] Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », p.172.

[39] Louis Taché, Nord de l’Outaouais, p. 136.

[40] Le 15 novembre 1849, John Egan, Joseph Aumond, Robert Conroy, Richard McConnell s’assemblent à l’hôtel British d’Aylmer et décidèrent de former « The Bytown and Aylmer Union Turnpike Company’ dans l’intention de construire une route macadamisée et de gravier, du pont suspendu Union au quai d’Aylmer » dans Ville d’Aylmer, Symmes Landing, Recherche historique et Évaluation patrimoniale du site de Symmes Landing situé dans la ville d’Aylmer, comté de Hull. Direction du patrimoine du Ministère des Affaires culturelles (Québec) et la division des Affaires publiques de la Commission de la Capitale nationale (Ottawa), 1983, p. 15.

[41] Ville d’Aylmer, Symmes Landing, p. 15

[42] Ibid. p. 54.

[43] Diane Aldred, Le Chemin d’Aylmer, p. 28.

[44] Joseph Bouchette, Dictionnaire topographique de la province du Bas-Canada.

[45] Diane Aldred Le Chemin d’Aylmer, p. 178.

[46] Données tirées du Ottawa Citizen, c. 68 An Appeal to Emigrants, 6 September 1851dans Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », The Upper Ottawa Valley to 1855, The Champlain Society in Cooperation With The Ontario Heritage Foundation, Carleton University Press, Ottawa, 1990, p. 167.

[47] Louis Taché, Le Nord de l’Outaouais, p. 203.

[48] Diane Aldred Le Chemin d’Aylmer, p. 178.

[49] Ville d’Aylmer, Symmes Landing, Recherche historique et Évaluation patrimoniale du site de Symmes Landing situé dans la ville d’Aylmer, comté de Hull. Direction du patrimoine du Ministère des Affaires culturelles (Québec) et la division des Affaires publiques de la Commission de la Capitale nationale, 1983, p.12.

[50] Gaffield, Chad et al., L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p. p.134.

[51] Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », The Upper Ottawa Valley to 1855, The Champlain Society in Cooperation With The Ontario Heritage Foundation, Carleton University Press, Ottawa, 1990, p. 168. Journal Ottawa Citizen ,1851  Annonce retenue par Richard M. Reid démontre « The following gentlemen, resident in the neighbourhood will furnish on application all needful advice and information ; and they have undertaken to give the fullest direction to Emigrants, whether their subject be labour or settlement ; – Joseph Aumond, Esq. Bytown ; Messrs, C & R McDonnel, do ; John Egan & Co., Aylmer ; John Foran, Esq., Robert Conroy, Esq., do ; (…)

[51,a] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[52] Lucien Brault,  « Aylmer d’hier / of yesterday », 1981, p. 140-141

[53] Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, Volume 3, ‪Les éditions du Septentrion, Sillery (Québec), 1996, p. 127 ; Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », The Upper Ottawa Valley to 1855, p. lxxxvii-lxviii.

[54] Ibid, tiré du « Ottawa Citizen, 5 apr. 1851 » par Richard M. Reid.

[55] Lucien Brault, Aylmer d’hier, p. 141 ; Chad Gaffield, Histoire de l’Outaouais, p.112.

[56] Lucien Brault, Aylmer d’hier, p.142.

[57] Les témoins de l’acte de décès : Alfred Driscoll, (gendre et époux d’Eleanor Conroy, fille de Mary McConnell et Robert Conroy) et Robert Hugues Conroy, avocat et négociant de bois à Aylmer (fils de Mary McConnell et Robert Conroy). Parish register for Christ Church, Aylmer, Canada West, covering the years 1864-1869 [Parish Register 432].

[58] Anson Gard, Pioneers of the Upper Ottawa and Humors of the Valley – With new Introduction by Ryan Taylor (1999), image reprint CD (Milton, Ontario: Global Heritage Press, 1999, 2009),  page  88.

[59] Robert Conroy, Charles Symmes et Peter Aylen sont aussi enterrés au cimetière de l’Ouest situé sur le chemin Britannia (Aylmer). Dans « 1868 A NOTABLE YEAR », Anson Gard, Pioneers of the Upper Ottawa and Humors of the Valley – With new Introduction by Ryan Taylor (1999), image reprint CD (Milton, Ontario: Global Heritage Press, 1999, 2009), p. 124. Le cimetière de l’Ouest devient la propriété de Mary McConnell dès * . VOIR – Inventaire après décès Mary McConnell.

Sur les traces des cartes anciennes pour percer les mystères de la “Maison Grise” à Deschênes

Sur les traces des cartes anciennes pour percer les mystères de la “Maison Grise” à Deschênes

La plus vieille maison du secteur Deschênes se trouve au 84, chemin Vanier, Gatineau. L’emplacement de la maison est difficile à retracer à partir de son numéro actuel de cadastre 3115286 sur le Registre foncier du Québec en ligne(1). Habituellement, c’est à partir de ce numéro que l’on peut retracer l’historique des propriétaires et des occupants d’un bien immobilier. « Selon le système de la publicité foncière, toute transaction immobilière devient publique par son inscription dans le Registre foncier du Québec »(2). Il demeure que le registre foncier arrête les inscriptions de la propriété du 84 Vanier sur le lot 15-a en 1901. Les traces du bâtiment ne sont pas perceptibles, et il n’y a aucune référence nous laissant croire que la maison grise existe cette année-là. D’autant plus, les numéros de cadastre ne réfèrent pas au 84, chemin Vanier. Il reste aussi de voir  à trouver le lot 15-a, rang 1 sur une carte du canton de Hull pour en apprendre à son sujet.

Mystérieuse maison à la porte d’entrée d’un ancien village industriel à Gatineau

Ces mystères sur les listes d’enregistrement foncier conduisent à poursuivre les recherches sur les origines de ce vieux bâtiment. Les débuts du lot 15 soulèvent à son tour de nombreux litiges dû au système d’enregistrement foncier du 19e siècle. Il faut admettre que la recherche des titres fonciers de la maison suit des pistes d’investigation très intéressantes mais n’offre jamais de réponse concrète sur les premiers propriétaires de cette maison mystère à la porte de l’ancien village de Deschênes à Gatineau. Les titres d’enregistrement nous amène au lot surnommé le R & W Conroy Homestead à l’ouest des rapides Deschênes et il est occupée par des industries et au nord, il y a la ferme laitière prospère de Mary Conroy. Le lot 15-a sur lequel est construit la maison grise selon le registre foncier fait alors partie de l’héritage immobilier des Conroy d’Aylmer.

La 1re génération McConnell à l’ouest de la Chaudière

L’historique du lot 15, rang 1 du canton de Hull retourne aux marchands de fourrure et à l’établissement des associés dans le canton de Hull en 1802. James McConnell obtient un bail de concession sur ce lot de 200 acres au 1er rang lorsqu’il s’associe à Philemon Wright. L’histoire de la première génération McConnell à Deschênes et les mystères de la maison au 84, chemin Vanier demandent de faire un grand usage des cartes et des plans anciens du 19e siècle. Le lot 15 est situé au bas de la carte sur la rive nord de l’Outaouais. Le rectangle l’identifiant porte une couleur grise.

Les cantons sur la
BAnQ,
A Plan of the New Townships on the Grand or Ottawa River, Joseph Bouchette, 1815, Numéro d’identification : 2663014, cartothèque, Centre d’archives de Montréal.

Origines des lots 15-a et 15-b

C’est en voyant à retracer l’historique de ce vieux bâtiment longtemps teint en gris d’où son surnom maison grise que les intrigues à son sujet se multiplient. Cette propriété foncière nous plonge dans une quête pour trouver des preuves écrites relatant sur les origines du bâtiment. L’enquête oblige à observer minutieusement un grand nombre de cartes pour suivre l’évolution des subdivisions du lot 15 au 19e siècle et les numéros de cadastre au 20e siècle.

Maison grise avant les rénovations de 2010-2012, Collection Lisa Mibach, Association des résidents de Deschênes, Gatineau.
Maison grise avant les rénovations de 2010-2012,
Collection Lisa Mibach,
Association des résidents de Deschênes, Gatineau.

 

La première subdivision d’une terre du clergé au rapide Deschênes

L’histoire de la maison grise relate l’histoire d’un bien foncier inscrit de façon obscure dans l’Inventaire après décès de Robert Conroy et de Mary McConnell. Le lot 15, rang 1 se trouve à la limite sud du canton au rapide Deschênes. Il est entrecoupé des chemins Vanier et Aylmer. Le chemin Vanier mène à cette pointe de terre bien discrète entre Aylmer et Hull au rapide Deschênes. Le chemin Vanier relie aussi les collines de la Gatineau au nord à la rivière des Outaouais au sud du rang 1 sur le lot 15. Ce chemin vient aussi qu’à partager le lot 15-a du lot 15-b. Quant au rapide, il lie physiquement le canton de Nepean et à celui de Hull. Le lot est alors sur la frontière politico-économique des Canadas du 19e siècle. Il est aussi une terre du clergé selon les plans de Joseph Bouchette (ci-dessus) et de Theodore Davies (ci-dessous). La carte de Davies témoigne que le lot est partagé en deux. La subdivision est soulignée en jaune sur cette copie de la BAnQ. William McConnell vend le lot 15-a à sa fille Mary et à son époux à peu de frais(3).

Établissement du canton de Hull
BAnQ,
Plan of part of the Township of Hull situated on the northerly side of the Ottawa River in the Province of Lower Canada.
Théodore Davis – 1802
Fonds Ministère des Terres et Forêts;
Cote: E21,S555,SS1,SSS1,PH.17A,
Cartothèque,
Centre d’archives de Montréal.

Les cadastres, les lots et l’enregistrement foncier au Québec

Les cadastres posent problème pour retracer l’historique de la maison grise. Son numéro de cadastre nous amène au lot 15-a, rang 1 du canton de Hull et dans la réalité, il se découvre que le 84, chemin Vanier est réellement sur le lot 15-b. Ainsi le registre foncier du Québec ne retrace pas les premiers propriétaires du 84, chemin Vanier. D’autant plus, la liste d’enregistrement foncier obtenu à la Commission de la capitale nationale (CCN) indique que le 84, Vanier est enregistré originalement aux lots 15-a (James McConnell) et 15-b (Charles Dewey Day).

Au fil du temps, le bâtiment en arrive à être situé sur le  lot 15-b-142.  « Les Conroy vendirent les premiers lots du village au cours des années 1880"(4). Il y a des traces montrant que le lot 15-b est subdivisé en premier et s’introduisent alors les cadastres 74 et 42 entre 1884 et1887(4). Alors, l’origine exacte de cette maison ne peut toujours pas être confirmée. Il n’y a pas de plans cadastraux appropriés pour définir davantage le lot 15-b 142 selon l’énoncé historique de Michelle Guitard (5).

Témoignage de Mrs Guy Routliffe sur le Bâtisseur de la maison, 1973

Cependant, il y a le témoignage de Madame Guy Routliffe qui parle des origines de la maison grise. Ce témoignage en dit long sur les difficultés d’identification des bâtiments sur leur lot à Deschênes.

« In October, 1926, I went to live with my husband and his mother at 29 Main Street, Deschênes (aujourd’hui le 84, chemin Vanier). The houses in the village had been numbered by an Ottawa department store for the convenience of their delivery men. Before we left in 1949, a more systematic numbering system was set up, and I believe the number is now 77 ».

« We lived with Mrs Valentine Routliffe until her death in 1935, and continued to live in the house until the end of 1949. A year later, Guy (Routliffe Sr) sold the house to Mr. Seguin from Hull».

« Guy’s father, Valentine Routliffe built the house about 1881. It was of excellent workmanship and material, massive, straight, and strong, with large rooms. It must be one of the oldest buildings in the village. Mr. Seguin converted it to a duplex, dividing the rooms and removing the veranda: it looks quite different now, inside and out ».

Communauté chrétienne Saint-Médard, 50, Programme Souvenir 1923-1973, Dimanche le 10 juin, 1973, Deschênes (Québec), page 20.

Énigmes derrière un numéro de cadastre : Authentification de 1903

En 1901, le lot 15-a fait partie d’un litige juridique et financier. Le 84, chemin Vanier est alors de l’inventaire immobilier de la famille Conroy à Deschênes. Une grande part du lot 15-a est vendue à Louis Simpson de la Bank of Ottawa, mais il n’y a aucune trace qui nous permet de confirmer le propriétaire du lot 142 sur le 15-b. On peut percevoir le nom Routliffe dans l’enchaînement des transactions. Le suivi de ces transactions foncières et les actes notariés gagnent en authenticité lorsqu’on regarde attentivement le plan d’assurance-incendie Goad de 1903 où la présence du bâtiment historique se prouve sur Hull & Vicinitiesfeuille 200, village Deschènes. La présence est authentifiée, mais il n’y a aucune trace nous permettant d’identifier son lot avec certitude à cette date.

Deschènes Quebec, Feuille 200, Hull & Vicinity, Que Plan d'assurance-incendie Goad 1903-1908 Bibliothèque et Archives Canada, No MIKAN 3823774
Deschènes Quebec, Feuille 200,
Hull & Vicinity, Que
Plan d’assurance-incendie Goad 1903-1908
Bibliothèque et Archives Canada,
No MIKAN 3823774

De plus, malgré cette présence sur la carte de 1903, une autre carte tracée en 1904 pour le rôle d’évaluation municipale ne montre pas notre maison mystère. Cette absence pose alors un autre problème d’authentification du numéro de cadastre du lot sur lequel est construite la maison.  Il est difficile d’affirmer qui sont les occupants de la maison à la fin du 19e siècle et au début du 20e, car sans le numéro de cadastre de l’époque, il n’est pas possible d’utiliser le registre d’évaluation municipale. Ce registre dresse la liste des occupants et des propriétaires des lots de la municipalité. Cette information n’est pas accessible sans avoir le numéro de cadastre de la maison grise au début du 20e siècle. Est-il alors possible que cette maison est exemptée des taxes municipales ? Rappelons que  le rôle d’évaluation sert à fixer le montant des taxes à payer pour la propriété.

Que dire d’une source de revenu supplémentaire sur un lot industrialisé ?

Divers documents légaux trouvés dans le Fonds P154 de la famille Conroy décrivent vaguement le lot 142 près des rails de la Hull Electric Company et de la Canadien Pacifique. Le vocabulaire est vague, et il porte à confusion dans les différents documents écrits. Les bâtiments sont sommairement décrits par des qualitatifs qui ajoutent à la confusion. Les mots  Store et Garden posent d’ailleurs des problèmes d’identification des bâtiments dans les différents documents légaux de la famille Conroy. Ces mots sont nombreuses fois utilisés avec des descriptions variées d’un document à l’autre.

Le Store est une des raisons des premiers litiges sur le lot 15. Il mène originalement à une discorde  entre les associés McConnell du canton de Hull et le marchand de fourrure Ithamar Day, anciennement de la Compagnie du Nord-Ouest. Le partenaire de ce dernier, Murdoch McGillivray, témoigne que le Store est le magasin McGillivray & Day depuis 1821. Le Store était à une certaine époque un poste de traite. Ce bâtiment est identifié près des rapides sur une carte ancienne tracée en 1821. McGillivray est l’ancien partenaire d’affaire d’Ithamar Day, et il vit à Nepean sur la rive sud de l’Outaouais. Il a toujours des intérêts qui lui reviennent pour son partenariat avec Ithamar Day. McGillivray change son témoignage dans la pétition de 1857 qui l’oppose aux McConnell-Conroy (7). Il revendique ses droits sur le Store. Cet établissement commercial est aussi mentionné dans l’inventaire après décès de Robert Conroy (8).  Cependant dans l’inventaire après décès de Mrs Robert Conroy, le Store se trouve subitement sur le lot 14.

Garden est un autre mot qui alimente les mystères de la maison grise. Il est répété à plusieurs reprises dans les inventaires après décès de Robert Conroy et Mary McConnell ainsi que dans l’acte notarié de l’affaire de faillite des entreprises R&W Conroy en 1901. Le terme Garden est couramment utilisé par la bourgeoisie marchande dans les actes notariés du 19e siècle. Ce mot est fréquemment utilisé pour décrire une terre spéculative. Dans l’inventaire après décès de Robert Conroy, le Garden comprend un vaste espace de 200 acres situé près des rapides de Deschênes. Le 200 acres est souligné malgré qu’en 1857, l’acte notarié mentionne que le lot 15-a est de 89 acres. Le Garden représente-t-il alors les terres industrielles de cette famille bourgeoise d’Aylmer. En 1901, le notaire des entreprises R & W Conroy localise le Garden à la limite d’une clôture sur une terre cédée au Canadien Pacifique près de la maison sur le Homestead (9). L’acte notarié explique que le Garden est une terre compromise et à risque. On demande à plusieurs reprises de voir et de maintenir ses droits de propriété des Gardens dans les actes notariés des Conroy. Ce terme est aussi à la source de divers malentendus du patrimoine immobilier sur le R&W Conroy Homestead (10). Au début du 20e siècle, le Garden se limite au sud des voies ferrées.

La quête pour l’identification d’un simple numéro de cadastre témoigne heureusement d’un grand pan de l’histoire de Gatineau. Les nombreuses cartes, les actes notariées, les listes d’enregistrement fonciers et les rôles d’évaluation municipaux ne nous permettent toujours pas d’authentifier les premiers propriétaires de la maison grise. Sans cette connaissance, le 84, chemin Vanier ne peut avoir un nom qui immortalise son passé dans le village de Deschênes et qui détermine avec certitude ses origines.

Les grands pins disparus de la pointe Deschênes,Collection Lisa Mibach, octobre 2012
Les grands pins disparus de la pointe Deschênes,
Collection Lisa Mibach, octobre 2012

Mémoire immatérielle et le patrimoine immobilier caché à la maison au 84, Vanier

Alors, résumons l’histoire cachée sous le bâtiment historique au 84, chemin Vanier.

Originalement, le lot 15, rang 1 du canton de Hull est une terre concédée à James McConnell. Il la loue à sous-bail à Ithamar Day, un marchand de fourrure indépendant de l’ancienne Compagnie du Nord-Ouest (CNO). Un litige s’amorce avec une pétition pour une demande de concession des terres. Ces pétitions sont une série de documents composés de témoignages et de plans d’arpentage. Elles permettent de voir aux étapes et aux démarches nécessaires à l’obtention des lettres patentes qui est en soi un acte de concession à un individu émis par la Commission des terres de la Couronne. dans le cas de la terre du clergé au rapide Deschênes, le lot 15 est subdivisé en deux. La Couronne cède les droit à chacun des pétitionnaires. Pour arriver à faire valoir leur droit de propriété, ils déposent une pétition témoignant de leurs démarches de la mise en valeur et démontrant qu’ils occupent les lieux.  Il demeure que malgré la lettre patente émise en 1836, le litige du lot 15 revient à chaque génération de la famille McConnell-Conroy au 19e siècle comme le prouve les documents écrits du Fonds P 154 de la famille Conroy.

À l’émission de la lettre patente, il est spécifié que le lot 15-a (partie est) revient à James McConnell et que le lot 15-b (partie ouest) appartient à Charles Dewey Day dont son père Ithamar a mis valeur et développé au début du 19e siècle. Les lettres patentes pour les lots 15- et 15-b sont obtenus en 1836 au creux de la Guerre des Shiners et au début des troubles du Bas-Canada. La lettre patente de Charles Dewey Day est signée par le  le Gouverneur Gosford. Celle de James McConnell est signée par le Commissaire des terres du clergé et aucune copie signée du gouverneur n’a encore été trouvée.

Des origines du lot 15, il peut se comprendre que McConnell est aussi un marchand de fourrure indépendant anciennement de la CNO (Newton, 1991 :22-23). Il revendique l’occupation d’Ithamar Day sur son lot disant qu’il n’a jamais eu sa permission de le développer. Il y a aussi Ithamar Day revendiquant l’établissement d’un poste de traite, d’une ferme, des scieries et d’un moulin à foulon au rapide de Deschênes. Le magasin McGillivray & Day est sur ce lot. Ithamar Day quitte la région en 1832, laissant à son fils Charles Dewey le soin de poursuivre le long processus de concession des terres.

Ce processus se complexifie quand Mary McConnell (Madame Robert Conroy) achète de son père William le lot 15-a pour 5 shillings. La famille McConnell-Conroy d’Aylmer vient qu’à obtenir les droits de propriété sur le lot 15-a en 1857 malgré que l’achat date de 1851. Ce lot devient le côté industriel de Deschênes.  Leur principal témoin des McConnell est Charles Symmes, fondateur d’Aylmer et marchand-fournisseur pour la Compagnie de la Baie d’Hudson sur l’Outaouais supérieur. Ce couple vient qu’à acquérir le lot 15-b qui longe le côté ouest de la rue Principale (chemin Vanier). C’est de ce côté que viennent s’installer un grand nombre d’ouvrier travaillant aux Deschênes Mills. Au décès de son époux en 1868, Mary Conroy gère le bien foncier familial avec son fils aîné, James qui vient qu’à s’installer au Manitoba et plus tard au Colorado avec son épouse Emily McConnell. Ses fils Robert Hughes et William Jackson moderniseront les industries de Deschênes et introduiront l’hydroélectricité en Outaouais en plus des tramways de la Hull Electric Company.

Mrs Robert Conroy devient propriétaire des deux lots 15 en plus du lot 14 et 16. Les droits sur McGillivray & Day Store reviennent aussi la hanter et d’autres cas litigieux qui l’amènent à écrire des lettres personnels à différents députés à l’Assemblée nationale et à la Chambre des communes. Il se perçoit alors que cette propriété comporte toujours certains litiges. De plus, elle fait de nouveau affaire avec cet ancien marchand de fourrure comme le témoignent les Inventaires après décès de Monsieur et Madame Conroy. Il demeure que sur le tracé du chemin de fer de la Pontiac & Pacific Junction Railway Company de 1888, c’est le nom Mrs Robert Conroy qui paraît sur l’ensemble des lots sur lesquels s’élèvent à Deschènes Mills sur le R&W Conroy’s Homestead près des rapides. Son fils, Robert Hugues Conroy, maintient son barreau malgré qu’il ne pratique pas le droit depuis sa graduation de McGill. Il défend une cause litigieuse entourant les biens fonciers des Conroy jusqu’à sa mort au début du 20e siècle.

Mystères du 84, chemin Vanier

De retour à la maison au 84, chemin Vanier, il est étonnant qu’elles soulèvent autant de questions sans pour autant être en moyen d’y répondre. Les mystères soulèvent de nombreuses pistes d’investigation au sujet de ce vieux bâtiment.

  • Premièrement, est-elle cet ancien magasin McGillivray & Day Store à la limite du chemin Vanier comme l’affirme Murdoch McGillivray dans son témoignage en 1857 l’opposant à la famille Conroy ?
  • La maison grise est-elle construite en prévision de l’arrivée du chemin de fer en 1879 ou des tramways en 1896?
  • Alors son bâtisseur ne serait-il pas tout autre que Monsieur Routliffe d’Aylmer, mais qui en serait le propriétaire ?
  • Et si elle est construite en 1878 comme l’affirme la ville de Gatineau, serait-elle intégrée au bien immobilier des industries se préparant aussi à accueillir le chemin de fer près à leurs usines en 1879 ?
  • Est-elle construite comme siège social de la Hull Electric Company à Deschênes ?
  • Et quelles sont les relations entre les femmes et les biens fonciers en territoire de colonisation au 19e siècle ? Il est fascinant de découvrir les liens que peuvent entretenir Marie McConnell (15-a) et Charles Dewey Day (15-b) dans cette affaire d’enregistrement foncier entre 1850-1857. Rappelons que Charles Dewey Day est un acteur important dans la mise en place de la législation sur l’enregistrement foncier en 1841, et qu’il est l’unique codificateur du droit de commerce du Code civil du Bas-Canada de 1866.

Le patrimoine immobilier de Gatineau et le 84, chemin Vanier

Toujours est-il, que cette maison n’est pas citée et elle ne fait pas partie du patrimoine immobilier de Gatineau. Elle n’a aucune protection. Pourtant, les recherches en cours démontrent que la maison remonte à une autre histoire des débuts de Gatineau au rang 1 du canton de Hull.

À son sujet, Manon Leroux explique que « (…) au no 84, chemin Vanier, une vieille maison de bois sur laquelle des recherches sont en cours. Elle daterait peut-être de 1860 (et serait la plus ancienne du secteur) et pourrait être liée aux Conroy. Les dernières rénovations ont altéré son aspect historique »

Source : Manon Leroux, L’Autre Outaouais, Guide de découverte du patrimoine, Société Pièce sur Pièce, Gatineau (Québec),2012, p. 122.

Plus de 200 ans d’histoire au pied de la maison du 84, chemin Vanier

  • Retenu comme bâtiment historique (1975, Parc Canada) et (1982, CCN)
  • Traite des fourrures et les marchands de l’Outaouais
  • L’établissement du canton de Hull sur le premier rang
  • Histoire des premiers associés du canton de Hull (Famille McConnell)
  • Essor industriel à Gatineau (Deschênes est le deuxième lieu industriel en importance dans le canton de Hull en 1903)
  • Essor du réseau de transport en Outaouais, première route nord-sud de l’Outaouais, les Entreprises Conroy et le R & W Conroy Homestead
  • Histoire du droit foncier au Québec en Charles Dewey Day et Mary McConnell-Conroy
  • Histoire des femmes pionnières en Outaouais en Mary McConnell-Conroy
  • Les premières familles du village de Deschênes

Alors, continuons à partager sur ce vieux bâtiment qui est inscrit sur la liste des bâtiments historiques inventoriés par Parc Canada et de la Commission de la capitale nationale du Canada. Il ne reste qu’à faire valoir sa teneur dans l’histoire du Québec et l’histoire de la ville de Gatineau afin qu’elle soit protégée et qu’elle fasse partie du patrimoine immobilier de la région. Cette maison risque de disparaître ainsi que la mémoire immatérielle qui maintient vivante son histoire…

Ainsi, l’étude des cartes anciennes et d’actes notariés a été essentielle pour dresser un historique d’un vieux bâtiment litigieux dont on ne veut pas trop révéler de son histoire… Toutes les pistes ont été revues à plusieurs reprises. Il manque toujours ce document mystère qui pourrait confirmer avec exactitude sa valeur patrimoniale et surtout, son premier propriétaire. La maison grise demeure toujours une énigme à résoudre aujourd’hui. Une étude archéologique des lieux pourrait aussi confirmer la valeur patrimoniale de ce vieux bâtiment qui perd peu à peu ses airs anciens…

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La maison au 84, chemin Vanier à Gatineau, hiver 2000,
Gatineau, Association des résidents de Deschênes,
Collection Lisa Mibach, 2000.

Que se cache-t-il derrière le toponyme Deschênes ?

Que se cache-t-il derrière le toponyme Deschênes ?

Le rapide de Deschênes fait courir sa renommée à l’ombre de la Chaudière depuis plus de deux siècles. La plus long sentier des trois portages aboutit ou débute à ce rapide. Ce toponyme paraît déjà sur une carte accompagnant une pétition du Haut-Canada au début du 19e siècle [1].

La localisation du rapide est assez simple. Il est situé sur une longue pointe de terre démarquant le point géographique le plus au sud de la rivière des Outaouais. L’origine du nom Deschênes demeure toujours du débat.

Samuel de Champlain décrit un des lieux de portage dans ses récits lors de son passage près de l’Asticou. Cette description correspond à la géographie près du rapide de Deschênes. Il peut alors se confirmer que le rapide fait partie du vocable pour décrire les difficultés du portage sur l’Outaouais depuis 400 ans.

« & aussi tost fallut embarquer, puis derechef mettre pied à terre pour passer par des taillis environ 300 pas, après se mettre en l’eau pour faire passe nos Canots par dessus les rochers aigus, avec autant de peine que l’on sçauroit s’imaginer. Je prins la hauteur du lieu & trouvay 45 degrés 38 minutes de latitude. Après midy, nous entrames dans le lac ayant 5 lieux de long, & 2 de large, où il y a de fort belles iles… »

(Champlain, 1613, vol.1 p. 449)

Certains historiens attribuent ce toponyme à la description vague laissée dans les écrits  de Chevaliers de Troyes en 1686 qui rapporte la présence de nombreux chênes dans les environs[2]. «Les rapides de Deschênes commandaient le portage. Ils étaient explorateurs, marchands et engagés du commerce des fourrures, missionnaires, militaires, colons, tous se rendant pour la plupart aux grands Lacs en passant de l’Outaouais par la Matawa et la rivière des français avant t’atteindre le nord du Lac Huron, pays de la nation des Ottawa ou Outaouais, d’où le nom de la rivière à partir de la fin du XVIIe siècle».

La question demeure que le nom « des chênes » se traduit très bien en anglais[3] et que cette terminologie s’utiliserait facilement en cartographie au 19e siècle où toutes les cartes officielles sont de langue anglo-saxonne.

D’autant plus, en faisant un survol du toponyme Deschênes, il est remarqué qu’à la fin du 19e siècle, il s’écrivait Deschènes comme sur la feuille 200 de Hull & Vicinity du plan d’assurance-incendie Goad de 1903[4]. Il faut admettre que voir Deschènes sur une carte de 1903 apporte certaines contrariétés vu que le village n’est toujours pas incorporé et il n’a pas de paroisse à cette date[5].

Les anciens d’origine canadienne-française de ce petit établissement ont surnommé quant à eux l’endroit « les Chênes » et « aux chênes ». On dit même que «  Il est regrettable, au point de vue historique, que le nom de ce petit village se soit mué en celui de DesChênes. Pourquoi ne dirait-on pas Village-des-Chênes, Lac-des-Chênes ?[6] »

Ainsi, la toponymie de cette pointe de terre se faisant discrète aux abords du rapide de Deschênes demeure toujours une énigme à élucider surtout sachant que la famille Miville-Deschênes de Québec et ses descendants de la Mauricie sont très actifs dans les environs avec la traite des fourrures qui tire graduellement à sa fin au début du 20e siècle dans la région métropolitaine de l’Outaouais[7]. « Le toponyme présente le cas intéressant d’une désignation inspirée par la végétation, mais les caprices de l’écriture et l’usage l’ont transformée en un appellation à saveur patronymique »[8]. Ainsi, le doute demeure sur les origines du nom de cet ancien village de Gatineau.


[1] Archives de l’Ontario, Plan of R 1, c-IV, Nepean, lot 30, con 1 (of), tiré du livre de Bruce Eliot, The City Beyond, p. 11. On voit aussi dans les écrits le nom « Chaudiere Lake » au début du 19e siècle.

[2] Lucien Brault nomme le territoire Des-Chênes et il explique que le nom des rapides Deschênes « vient du fait que de nombreux chênes y poussent sous le régime français selon le chevalier de Troyes en 1686 » et il ajoute que les Algonquins nomment l’endroit « Miciminj » qui veut dire « là où pousse le chêne ». Lucien Brault, Aylmer d’hier / of Yesterday, Institut d’histoire de l’Outaouais, Aylmer, Québec, page 233. Chad Garfield utilise aussi cette source pour confirmer le nom des rapides. Chad Gaffield et al. « La grande rivière des Algonquins : 1600-1650 », L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p.

Citation de Michelle Guitard, Quartier Deschênes, Énoncé d’importance et patrimoniale du quartier Deschênes, Association des résidents de Deschênes et Association du patrimoine d’Aylmer, p. 15. (Format PDF du rapport : http://www.vive-deschenes.ca/resources/Énoncé%20historique%20Deschênes%20-%20Guitard%202012.pdf )

Pour aller plus loin sur l’expédition du chevalier de Troyes 1686, Musée virtuel de la Nouvelle-France, Musée canadiens des civilisations.

[3] N’y a-t-il pas un Oakville en Ontario ?

[4] Plan d’assurance incendie Goad, Hull & Vicinity, Que., January 1903, revised May 1908. Bibliothèque et Archives Canada : Cartes et plans, Online MIKAN no. 3823774

[5] Communauté chrétienne Saint-Médard, Programme souvenir, 1923-1973, Juin 1973, 71 pages, aussi dans Jacques Séguin, Une communauté chrétienne vivante, Saint-Médard d’Aylmer 1923-1998, 128 pages et dans Lucien Brault, « Lucerne (Hull-Sud) Deschênes », Aylmer d’hier/ Aylmer of Yesterday, Institut d’histoire de l’Outaouais, Aylmer (Québec), pages 235-236. Il n’y a pas de doute que cette description nous vient de Louis Taché, Le nord de l’Outaouais. Manuel-Répertoire d’Histoire et de Géographie régionales, Le Droit, Ottawa, 1938, qui a écrit à la page 205 (lien en PDF : http://www.reseaupatrimoine.ca/documents/Nord%20de%20lOutaouais%20p2%20s1%20c2.pdf

« Dès l’établissement des premiers colons sur la route d’Aylmer, une scierie fut construite à la tête du rapide Deschênes. Cette scierie rendit de grands services à tous ceux qui, alors, élirent domicile dans les environs. La rivière Outaouais était, en particulier à cet endroit, bordée de beaux chênes. C’est ainsi que les Canadiens français appelaient indistinctement le petit établissement, qui s’était formé autour du premier moulin’, les Chênes ou aux Chênes. Aujourd’hui même, on entend encore certains vieux citoyens se servir de la même appellation. Il est regrettable, au point de vue historique, que le nom de ce petit village se soit mué en celui de Deschênes. Pourquoi ne dirait-on pas Village-des-Chênes, Lac-des-Chênes ? »

[6] Communauté chrétienne Saint-Médard, Programme souvenir, 1923-1973, Juin 1973, page 16 et dans Jacques Séguin, Une communauté chrétienne vivante, Saint-Médard d’Aylmer 1923-1998, page 21.

[7] Michael Newton, « La maison Charron : Symbole d’une vision contrariée », Outaouais, Le Hull disparu, Institut d’histoire régionale de l’Outaouais, 1982, p. 12 et Michael Newton, Some notes on Bytown and the fur tradeThe Historical Society of Ottawa, Bytown Pamphlet series. no 5, 1991, p. 3. Retrouver carte où on voit Miville Tavern à l’endroit où est situé le musée canadien des civilisations aujourd’hui à Gatineau. D’autant plus, il y a une peinture au Musée des Beaux-Arts du Canada montrant un groupe autochtone sur la rive nord de l’Outaouais en face du Parlement d’Ottawa.  

[8] Noms et lieux du Québec, ouvrage de la Commission de toponymie, 1994 page 194 et Commission de toponymie du Québec, Lac Deschênes.

L’Asticou, lieu des trois portages sur la rivière des Outaouais

L’Asticou, lieu des trois portages sur la rivière des Outaouais

 

Aux pieds où sied maintenant le parlement fédéral à Ottawa, se trouve la chute des Chaudières que Samuel de Champlain décrit comme l’endroit de la marmite bouillonnante telle une grande chaudière où se dégage une bruine de vapeur. Champlain emprunte surement la rive nord sur des lieux d’arrêt obligatoire au cours de ses voyages sur l’Outaouais. D’ailleurs, l’explorateur-cartographe caractérise l’endroit dans les récits de son voyage de 1613. Il illustre ce lieu en le représentant par cette pointe de terre méridionale sur la rive nord de la rivière des Outaouais de la carte de 1632.

Carte de Sieur Samuel de Champlain, 1632
Carte de Sieur Samuel de Champlain, 1632

La chute des Chaudières a pris son nid naturellement au retrait de la mer Champlain à la toute fin de la dernière période de glaciation. Cet obstacle naturel impose une série de trois portages à tous les voyageurs. Les Chaudières se contournent à partir d’un réseau de sentiers étroits permettant de suivre par voie terrestre la rive nord de l’Asticou, le nom utilisé de la chute par certaines nations algiques. L’Asticou est aussi un lieu de rassemblement et de recueillement spirituel de la grande nation algonquine, très discrète depuis les guerres iroquoises du 17e siècle. Dans la région, les Algonquins y assument fièrement le rôle de gardien de la forêt où abonde le castor et ce, jusqu’à l’arrivée du groupe d’associés du chef de canton Philemon Wright au début du 19e siècle.

"Indiens
Charles William Jefferys (1869-1951)
Indiens rendant hommage aux esprits de la Chaudière
Collection Imperial Oil, BAC

Des rares traces du patrimoine sur la traite des fourrures amènent à croire que les familles marchandes Miville-Deschênes et Gatineau sont actives dans la région dès le 17e siècle. Ces marchands de fourrure sont alors très familiers avec l’Asticou qui impose nombreux arrêts pour franchir les trois portages nécessaires avant d’atteindre les eaux calmes à l’est du lac Deschênes afin de poursuivre leur voyage sur l’Outaouais supérieur. Le premier sentier est d’une longueur de 643 pas. Les voyageurs doivent débarquer de leur embarcation et entreprennent leur périple avec l’ensemble des contenus de l’équipage lourdement chargé et leur canot sur leurs épaules.

"Chats
Philip John Bainbrigge(1817-1881)
Chats Rapids, near Ottawa ( Ontario ), ca. 1838-1841
Collection Philip John Bainbrigge, BAC C-011854,
SOURCE: ICON 1368

Le deuxième portage à la petite Chaudière impose un transport terrestre de 700 pas. Le troisième portage aboutit aux rapides Deschênes, et il oblige l’équipage à franchir les 740 pas pour atteindre les eaux calmes et navigables du lac Deschênes sur l’Outaouais.

Bibliothèque et Archives Canada : C-002772 Crédit : BAC, No. Acc. 1989-401-4
Groupe de voyageurs autour d’un camp de feu ca. 1870
Source : Bibliothèque et Archives Canada C-002772
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada Acc. No. 1989-401-4

Les arrêts de navigation obligatoires à la chute des Chaudières jusqu’aux rapides Deschênes exigent de grands efforts physiques aux voyageurs. Ils ont à porter leurs charges avec agilité sur des sentiers étroits menant d’un portage à l’autre tout en transportant leur grand canot sur leurs épaules.

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Lieu de débarquement du troisième portage au rapide de Deschênes.
Analyse du potentiel archéologique au rapide menée par le GRAO et l’Association des résidents de Deschênes, Automne 2012, Collection Lisa Mibach.

Des obstacles naturels obstruent le passage non loin de l’embouchure de la rivière Gatineau jusqu’au lac Deschênes. Sur la rivière Gatineau, il y a aussi un lieu de portage contraignant aux rapides Farmer qui obligent ainsi les voyageurs à rester quelques jours sur les péninsules où naîtra la future ville de Gatineau.

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Jenny Russell Simpson (1847-1936)
Vue des rapides Farmers, sur la rivière Gatineau, à partir de l’île Wright (Québec), 20 août 1879
Collection Amy Cau, BAC C-003516
SOURCE: ICON 181740

Des sentiers reliant la fin des portages à l’ouest des Chaudières jusqu’au lieu de départ vers le nord sur la rivière Gatineau débutant aux rapides Farmer se joignent tous deux par un réseau de sentiers menant aux rapides Deschênes jusqu’aux collines de la Gatineau. Au 19e siècle, certains de ces sentiers s’élargiront plus tard et deviendront les premières routes qu’emprunteront les colons. Le chemin Vanier, le chemin de la Montagne et le chemin Rivermead en sont quelques exemples.

Frances Anne Hopkin, Descente des rapides, Québec (Québec ),  Collection Hopkin, Bibliothèque et Archives du Canada, 1879
Frances Anne Hopkin,
Descente des rapides, Québec (Québec ),
REPRODUCTION : C-002774,
Collection Hopkin, Bibliothèque et Archives du Canada, 1879,
SOURCE: ICON 181548

Source au sujet de la période de la fin de la glaciation en Outaouais

Jean-Luc Picard, « Les sites archéologiques de la vallée de l’Outaouais », Kichi Sipi, à la découverte de la mémoire ancienne de notre région, Musée canadien des civilisations, Mise à jour le 3 juin 2010

Source au sujet du site des trois portages

Chad Garfield et al., « La rivière des Outaouais :1650-1791 », Histoire de l’Outaouais, Institut national de la recherche scientifique (INRS-Culture et société), p.95-97.

Source pour le réseau des sentiers et des premières routes de l’Outaouais

Diane Aldred, « L’intersection du Chemin Deschênes », et la « La route menant au lac », Le Chemin d’Aylmer, une histoire illustrée, Association du patrimoine d’Aylmer, Aylmer (Québec), 1993, p. 18 et pp. 178-179.

Charles William Jefferys, (1869-1951) illustre la cérémonie du tabac pratiquée par les Algonquins- « Indiens rendant hommage aux esprits aux Chaudières », Collection Imperial Oil Collection à Bibliothèque et Archives Canada,

Au sujet du marchands français et de la traite des fourrures en Outaouais,

Raymond Ouimet, Pierre Miville-Un ancêtre exceptionnel, Les Éditions du Septentrion, 1989, 132 pages et Raymond Ouimet et Nicole Mauger, Catherine de Baillon, Enquête sur une fille du roi, Les Éditions du Septentrion, 2001, 264 pages.

L’activité de la fourrure à Gatineau du 17e et 18e siècle fait peu objet de l’historiographie québécoise. Michel Filion a caractérisé dans « La traite des fourrures au XVIIIe siècle : essai d’analyse statistique et d’interprétation d’un processus » la nature des changements dans la traite suite à la conquête. Il révèle en conclusion qu’il se pose nombreux problèmes d’interprétation lorsqu’on tente de mesurer le changement dans le commerce de fourrure entre les périodes du régime français et du régime britannique. Il y a aussi aucun type de documentation sérielle autres que les registres de congés de traite déposés par Edmond-Zotique Massicotte à Montréal en 1920.

Il devient alors difficile de cerner l’envergure de la traite des fourrures dans la région de l’Outaouais. Le travail le plus exhaustif au sujet de la traite des fourrures dans le comté de l’Ottawa au 19e siècle sont les travaux de l’historien Michael Newton, « Some notes on Bytown and the fur Trade », The Historical Society of Ottawa, Bytown Pamphlet series. no 5, 1991 et Michael Newton, « La maison Charron : Symbole d’une vision contrariée », Outaouais, Le Hull disparu, Institut d’histoire régionale de l’Outaouais, 1982. Cet historien traite des enjeux de la traite des fourrures au début de la colonisation de l’Outaouais. Malheureusement, l’historien travaillant pour le compte de la Commission de la capitale nationale du Canada, Michael Newton décède avant que ne se complète son étude des postes de traite dans le comté de l’Ottawa au 19e siècle. Le dernier site recensé par monsieur Newton est celui sur le lot 19 du premier rang du canton de Hull selon Bruce Elliot de l’Université Carleton à Ottawa.

Voici des articles consultées disponible en ligne sur le site Web des publications du Réseau du patrimoine de Gatineau.

Outaouais, le Hull disparu, no.1 (1988) Société d’histoire de l’Outaouais, 89 p.

  • Michael Newton, « La maison Charron : symbole d’une vision contrariée », Outaouais, le Hull disparu, no.1 (1988) Société d’histoire de l’Outaouais, p.11-15

Voir aussi La revue de la société d’histoire de l’Outaouais, Asticou no5 disponible en ligne sur le site Web Réseau du patrimoine de Gatineau.

Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, 35 p.

Les trois articles suivants retiennent notre attention dans le cadre de cette recherche :

  • Augustin Potvin, «Fouilles archéologique à Hull?» dans Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 4.
  • Guillaume Dunn, «L’Outaouais : histoire d’une rivière» dans Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 5-15.
  • «Les origines du canton de Hull d’après Philémon Wright» dans Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 17-30.

Asticou, cahier no. 6 (octobre 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, 30 p.

  • Gilles Lemieux, «Quelques noms indiens de chez nous» dans Asticou, cahier no. 6 (octobre 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 26-27.

Asticou, cahier no. 7 (juin 1971), Société historique de l’Ouest du Québec, 34 p.

  • Roger Marois, «L’archéologie au Québec» dans Asticou, cahier no. 7 (juin 1971), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 31-33.

Voir aussi La revue de la société d’histoire de l’Outaouais, Asticou no 15, avril 1976.

  • Guillaume Dunn, «Fort-Coulonge : site archéologique», dans Asticou, cahier no 15 (avril 1976), Société historique de l’Ouest du Québec, p.16-23
Histoire régionale et l’Outaouais

Histoire régionale et l’Outaouais

« En général,

nous ne connaissons pas assez cette terre

qui est la nôtre,

parce que notre éducation, trop tournée vers les choses abstraites,

vers un passé qui va de plus en plus s’évanouissant,

ne nous apprend presque rien de ce qui est autour de nous,

de ce qui est devant nous,

de ce qui est sous nos pas ».

Source : Arthur Buies, L’Outaouais supérieur, 1889, p.9.

Les pionniers de l’historiographie canadienne-française en Outaouais 

À l’époque où cette estampe des chutes de la Chaudière de John Henry Walker s’imprime, l’histoire de la région de l’Outaouais commence aussi à s’écrire… Les premiers écrits de l’histoire régionale suivent un modèle qui valorise davantage les réalités géographiques et l’évolution de la colonisation en dehors de la zone seigneuriale.  Il est possible d’analyser l’évolution du mouvement migratoire en suivant le développement de l’historiographie de la région de l’Outaouais depuis ses origines au 19e siècle.

Rivière des Outaouais, chutes de la Chaudière 1850-1885, 19e siècle M930.50.7.515 © Musée McCord
John Henry Walker (1831-1899)
1850-1885, 19e siècle
M930.50.7.515
© Musée McCord

La nordicité de l’Outaouais

Aux premières heures de l’histoire du Québec, l’Outaouais est d’abord le « Nord » à la limite du front pionnier à conquérir[1]. La région de l’Outaouais s’étend alors aux limites nordiques du système seigneurial. L’Outaouais est la région sur la rive-nord  de la grande rivière qui est aussi la route permettant d’atteindre sur les grands canots voyageurs les régions éloignées à l’ouest de Montréal. Dans le vocable du temps, le «Nord » est alors beaucoup plus vaste et étendu que le laisse entendre les cartes géographiques aujourd’hui.

Jusqu’en 1960, la géographie occupe une partie importante de l’histoire régionale afin de décrire explicitement les fronts pionniers. La description géographique aide à faire comprendre l’évolution de la prise de possession du territoire. Elle fait découvrir les enjeux de la conquête du sol par les pionniers. Le bilan de ces analyses se penche ensuite sur l’évolution des paroisses au rythme de l’avancement des pionniers sur les terres de colonisation. Cet aspect théologique de l’histoire régionale sous-entend les fondements de l’agriculturisme qui est de la dialectique cléricale du temps. Cette approche à l’histoire régionale a installé une historiographie sur lesquelles se lisent et s’interprètent encore nombreux textes d’histoire des régions aujourd’hui.

En somme, cette approche méthodologique cadre l’évolution de la colonisation dans une géographie spécifique. L’histoire cherche alors à soulever l’intérêt du public pour mieux lui faire saisir l’idée du pionnier en territoire de colonisation. L’idée pionnière s’enrichit souvent d’un discours théologique et nationaliste sur les efforts et les résultats des labeurs aux premières heures de la colonisation en dehors de la zone seigneuriale.

L’expansion territoriale canadienne-française

Arthur Buies est un pionnier de l’écriture sur l’Outaouais. Il rédige un premier essaie sur l’histoire de l’Outaouais supérieur. Les valeurs idéologiques d’Arthur Buies sont cependant issues de l’idée libérale de la colonisation et de l’expansion territoriale du discours des anticlércalistes au 19e siècle. Comme ses contemporains, il souhaite élargir le cadre de l’historiographie nationale du Québec. Il décrit rigoureusement les paysages de l’Outaouais, ce qui maintient en place le modèle de l’historiographie régionale des clercs. Arthur Buies reprend l’idée nationaliste mais cette fois en affirmant que « La colonisation, j’y insiste, est l’œuvre par excellence, l’œuvre vitale, et elle seule peut nous assurer une prospérité normale, solide et durable[2] ». Le nationalisme dépend alors de l’expansion canadienne-française afin de l’amener à s’intégrer au développement économique des régions de colonisation.

Alors, Buies n’aborde pas le développement de la région selon le modèle clérico-nationaliste. Il voit plutôt à placer dans son contexte géographique le développement socio-économique du bassin versant de la rivière des Outaouais. Il cherche ainsi à démystifier la migration tardive des Canadiens-français dans la région. Il ne s’attarde pas sur les frontières entre le Québec et l’Ontario et sur celles des localités et des paroisses. Ainsi, Buies cherche à faire valoir l’expansion de la nation canadienne-française sur le territoire habité ou habitable de la région.

Sa monographie « L’Outaouais supérieur » décrit une vaste contrée forestière parsemée de lac et de rivières. La région décrite se délimite à partir des frontières du nord-ouest seigneurial, c’est-à-dire le nord de Trois-Rivières et de Joliette ainsi que le territoire à l’ouest du lac des Deux-Montagnes. Il rapproche ainsi la zone seigneuriale à cette nouvelle région de colonisation. Il situe aussi l’Outaouais dans sa nordicité sous forme  de prose quasi-poétique. Arthur Buies décrit explicitement l’ensemble géographique du bassin versant de l’Outaouais. Il s’attarde surtout aux différentes voies d’accès du commerce et du développement. Il fait aussi valoir l’apport de l’industrie du bois et du chemin de fer transcanadien qui se construit à cette époque. Il remarque déjà que l’industrie du bois a rasé de vastes contrées de forêts luxuriantes sur la rive nord de l’Outaouais et ce, en moins de cent ans d’exploitation.

Le mythe de la nordicité et l’expansion culturelle sur une limite frontalière

Au 19e siècle, le « Nord » devient un lieu mythique menant au cœur des terres à bois sauvages du continent. Le « Nord » fait partie des mythes sur lequel repose la mémoire collective des CanadienNEs de l’époque.L’histoire de l’Outaouais n’échappe pas au discours fondé sur l’idée mythique de la nordicité.

Il faut aussi admettre que la région de l’Outaouais s’inscrit dans la mémoire collective comme la contrée des explorateurs, des coureurs des bois, de Dollard Desormaux, de la Chasse-Galerie, des grands barons du bois, de Jos Montferrand et des guerres des «Shinners ». L’Outaouais se développe alors comme la contrée mythique du « Nord » située au-delà du territoire habité des Canadiens-français.

La grande rivière des contes et légendes se transforme à l’image d’un Far West typiquement bas-canadien. L’Outaouais devient une contrée se bâtissant par l’histoire des hommes forts et valeureux.

L’historiographie contribue alors à édifier le mythe nordique de la région dans l’histoire canadienne-française malgré que géographiquement, l’Outaouais se trouve au sud de la province du Québec. L’histoire de la région représente l’Outaouais comme une zone à la frontière de la nordicité et à la porte de l’Ouest canadien. L’Outaouais devient alors l’idée mythique sise sur la frontalière des territoires à conquérir par les Canadiens-français.

La première monographie : Le Nord de l’Outaouais

Il faut attendre en 1938 pour que l’historiographie s’intéresse davantage à l’Outaouais du Canada français. L’approche historiographique du manuel le Nord de l’Outaouais  favorise toujours une approche à l’histoire de la région installée dans une tradition où la description du territoire, du développement de l’agriculture et de la colonisation maintiennent leur importance. Cet ouvrage est présenté sous forme de manuel d’histoire qui se divise en deux parties : « Géographie et histoire commune » et « Géographie et histoire locale »[3]. Ce manuel (400 pages) fait alors valoir les spécificités régionales et l’histoire locale de l’Outaouais. « Cette synthèse, la première à marier la géographie et l’histoire- à l’exception des travaux de Raoul Blanchard qui débute à la même époque – se présente sous forme de manuel[4] » qui est aussi offert au grand public[5]. Un coup d’œil s’impose selon Manon Leroux[6]. Le public l’accueille favorablement selon l’analyse de Fernand Harvey[7]. Il est possible de consulter ce livre rare sur la page publications en ligne du réseau du patrimoine gatinois.

Le centre d’intérêt de cette monographie offre un regard sur l’émancipation socio-économique et culturelle des Canadiens-français en Outaouais. Il offre une description riche de la géographie des lieux. Il recadre cette géographie selon le modèle d’une région de référence qui « est le produit d’une relation historique entre une population et son espace vécu à laquelle se sont ajoutées diverses interventions administratives de la part des autorités civiles et religieuses depuis les origines de la Nouvelle-France[8] ».

Louis Taché maintient un discours propre à l’historiographie régionaliste centrée sur le rapprochement entre l’histoire et la géographie. Cette approche méthodologique repose sur les traditions d’un grand mouvement régional ou provincial en France au 19e siècle[9]. Les érudits de l’histoire régionale de l’époque plaident « qu’il fallait accorder à chaque région naturelle d’un pays le droit de figurer individuellement dans l’histoire[10] ».

Ce mouvement historiographique est présent dans les écrits de Louis Taché qui est aussi confronté à l’idée de l’identité régionale en Outaouais. Il s’en détache en insistant sur le mouvement clérico-nationaliste dans le processus de colonisation des paroisses et des municipalités pour offrir un portrait démographique de la région.

Un autre manuel scolaire laisse son empreinte sur l’histoire de la région.  En 1965, Lucien Brault écrit le manuel Histoire du Canada pour les écoles franco-ontariennes. Il rédige aussi plusieurs ouvrages sur l’histoire locale et les débuts des premières villes du Canton du Hull. Il en demeure que son œuvre suit surtout les tendances de l’histoire locale qui rappelle les oeuvres pionnières des bâtisseurs de l’Outaouais. L’absence des sources dans ses écrits permet difficilement de poursuivre les pistes sur lesquels se fondent les faits exposés par Lucien Brault.

Les sources archivistiques en Outaouais

Nul ne peut cependant nier la contribution de la société d’histoire de l’Outaouais à l’historiographie de la région. La revue de la Société historique de l’Ouest du Québec, Asticou, et celle de l’Outaouais de la Société d’histoire de l’Outaouais apportent un éclairage sur différents aspects de l’histoire régionale.  L’Outaouais regorge de multiples histoires méconnues du grand public. Les revues démontrent clairement que l’histoire de l’Outaouais en est une qui se compose d’un vaste ensemble de microhistoires.

Pierre-Louis Lapointe est un archiviste qui a largement contribué à mettre en valeur les sources archivistiques de l’Outaouais. Ses contributions aux revues d’histoire sur l’Outaouais méritent d’être soulignées. Pierre-Louis Lapointe natif de la vallée de la Lièvre élargit notre façon de voir le pionnier en Outaouais. Il  pose un regard neuf sur les groupes ethniques cohabitant sur le territoire. Pierre-Louis Lapointe fait valoir l’idée du sentiment d’appartenance et de la complexité de cette mosaïque culturelle qui se dessine dans les premiers villages industriels de la région. Pierre-Louis Lapointe est aussi un des pionniers de la mise en valeur des sources archivistiques pour un public élargi au Centre régional d’archives de l’Outaouais (CRAO) créé en 1995.

Histoire des passions

La contribution des historienNEs de la région démontre que l’histoire en Outaouais est aussi une histoire de passion surtout, en mesurant la complexité des sujets et de l’usage méthodique qu’exige la recherche. L’usage des méthodes et des techniques de l’historiographie est nécessaire pour faire valoir la richesse du patrimoine de la région sans tomber dans les pièges du mythe et du nationalisme ethnique. L’histoire locale est vibrante dans la région, elle renferme à elle seule les contributions de nombreuses sociétés d’histoire qui racontent chacune à leur façon les débuts de la région.  Il existe malheureusement peu de monographies de l’histoire de l’Outaouais. Il n’y a toujours pas de projet de recherche en cours sur l’histoire de la ville de Gatineau.

Les dualités culturelles au coffin des limites frontalières

L’historienNE doit aussi composer avec la langue pour saisir l’ensemble de l’histoire de l’Outaouais. Ainsi, l’étude de la colonisation prend un autre visage lorsqu’on s’intéresse à l’Outaouais à travers les écrits de langue anglaise. Il y a les sources archivistiques des personnalités qui ont marqué l’histoire régionale. L’Outaouais compte plusieurs notoriétés marquantes ayant influencé l’histoire nationale. Nous n’avons qu’à penser à Louis-Joseph Papineau (Montebello) et Charles Dewey Day (Aylmer) tout deux ayant siégé pour le comté de l’Ottawa à la chambre d’assemblée.  Les écrits sur l’ouverture de la rive nord de l’Outaouais sont aussi l’histoire sur laquelle s’écrivent celles des Canadas au 19e siècle [12]. Cette situation amène alors à analyser autrement le concept du pionnier et de la colonisation en Outaouais à partir d’une historiographie ayant des méthodes d’analyse différentes des concepts du territoire et de la colonisation. Les ouvrages d’Hanson Guard et J L. Gourlay sont des incontournables pour avoir un regard différencier sur les pionniers en Outaouais au 19e siècle. Ces recueils produits du début du 20e siècle permettent de retracer l’évolution de la colonisation à travers les yeux des contemporains de langue anglaise. Ces récits très descriptifs contribuent davantage à faire valoir les petites communautés bordant les deux rives de l’Outaouais et ses nombreux habitants. Les descriptions sont riches en histoire des personnalités ayant occupé les lieux, d’où l’importance de ses écrits en généalogie aujourd’hui. Il faut aussi admettre que les descriptions d’Hanson Guard rehaussent le prestige des grandes personnalités anglophones de la région. Ce regard biaisé nous démontre l’importance d’être critique des sources en histoire. Gourley se montre moins enthousiaste dans la description des personnalités, mais il ne dresse pas un aussi large portrait des bâtisseurs de l’Outaouais.

L’histoire régionale sur la rive sud de l’Outaouais

Les ouvrages plus récents sur la région de l’Ottawa des universités de l’Ontario sont des sources indispensables pour saisir les enjeux qui se nichent à la frontière du « Nord » de la colonisation du Haut-Canada. Cette migration vers la région précède de peu celle du développement du Canton de Hull. La représentation de l’avancée des migrants anglophones vers la région semble un processus naturel dans l’évolution de la région. Il se présente autrement l’idée du pionnier sur la zone frontalière avec le Bas-Canada. La méthodologie se concentre beaucoup sur les sources archivistiques analysées selon des méthodes développées en généalogie. Cette méthode d’analyse amène à déborder des limites territoriales locales afin d’intégrer l’histoire régionale à une macrohistoire.

L’ouvrage de Richard M. Reid explore l’établissement de la Vallée de l’Ottawa entre 1800-1855 à travers les textes de journaux, les recensements et les documents d’archives. Reid  utilise les sources archivistiques pour concevoir de l’intérieur l’idée des pionniers dans la région de l’Outaouais. Cet ouvrage permet d’avoir regard sur le développement du tissu social et il fait valoir l’influence de ces réseaux d’influence dans le développement socio-économique de la région. Il élargit les horizons en intégrant cette activité aux réseaux économiques dans les colonies de l’Amérique nord-britannique. Reid aborde ainsi l’influence des politiques économiques de la métropole  britannique sur le mouvement migratoire dans la région. Il tente d’expliquer le peu de préoccupation des autorités dans l’établissement dans la région du nord-est du Haut-Canada.

Ainsi, l’histoire régionale commence à avoir des titres de noblesse dans l’historiographie canadienne. Ces titres lui sont surtout attribuables, car elle commence à s’intégrer à une histoire plus globale en établissant des liens entre le local dans un contexte élargi de l’histoire politique, économique et sociale.

Les monographies sur l’histoire et le patrimoine de l’Outaouais

La région de l’Outaouais compte trois monographies de son histoire et de son patrimoine. La mieux connue est celle lancée par le courant de la nouvelle histoire régionale des années 1980. Cette nouvelle histoire se veut surtout une prise de conscience collective régionale. Dans la région, cette ambition se bute souvent aux antagonismes ethniques et à la frontière séparant les deux rives de l’Outaouais. La monographie de Chad Garfield ne s’aventure pas dans la dualité culturelle. Ce collectif intègre l’histoire régionale à une histoire beaucoup plus large malgré l’absence voulue d’une histoire locale des bâtisseurs de l’Outaouais qui ont contribué à l’émergence de l’identité culturelle de la région.

Il s’agit aussi de reconnaître que cette absence est probablement intentionnelle. La frontière ethnique et politique demeure des terrains glissants dans l’historiographie québécoise. Il est d’ailleurs remarqué que l’histoire de l’Outaouais n’a pas été écrite par une université québécoise comme les prédécesseurs de cette collection sur les régions du Québec. Cette situation confronte de nouveau à la réalité de la frontière sur les deux rives de l’Outaouais. Les tracés frontaliers deviennent flou au fil de l’histoire de la région lorsqu’on l’étudie sur une longue durée.

Il demeure que cet ouvrage collectif est une grande monographie incontournable pour l’historienNE en Outaouais. Manon Leroux ajoute que « c’est un outil solide pour connaître l’histoire de la région d’un point de vue social, économique et politique, et ce, jusqu’aux années 1990[13] ».

Les antagonismes ethniques sont plus remarqués dans la monographie de Roger Blanchette. L’auteur situe malheureusement dans un vase clos l’histoire de la région en tenant peu compte du développement sur la rive sud de la rivière des Outaouais. Il établit peu les liens entre la région et l’essor économique de Montréal. Il revient sur la présence des conflits ethniques et sur les héros de la région du point de vue du Canadien-Français opprimé dans la région. Il intègre peu l’histoire de la région à la grande histoire nationale.

Louis-Philippe Lapointe s’aventure aussi sur le plancher glissant du nationalisme ethnique qui teinte parfois de patriotisme l’interprétation de l’histoire de la colonisation en Outaouais. Les critiques lui reprochent le caractère ethnique qui domine dans sa thèse de la bonne entente à Buckingham, maintenant un secteur de la ville de Gatineau.

Ainsi, il est possible de compter sur une main les monographies vouées à l’histoire de cette région souvent oubliée de l’historiographie du Québec. Depuis peu, l’Outaouais compte enfin un relevé important de son patrimoine régional. Manon Leroux vient de faire paraître l’Autre Outaouais, Guide de découverte du patrimoine. Ce travail colossal est rafraîchissant. Il est le résultat d’une longue recherche sur l’inventaire du patrimoine de l’Outaouais. De ces recherches, l’auteur nous livre les lieux de patrimoine, les personnalités qui les ont édifiés et les petites histoires locales.

Conclusion

Enfin, il faut cependant admettre que les ouvrages sur la colonisation, le développement socio-économique et le patrimoine de l’Outaouais s’attardent peu et rarement aux pionnières de la région. Ainsi malgré le fait que la colonisation et les pionniers sont les sujets les plus exploités des érudits de l’histoire de l’Outaouais, les femmes demeurent presque absentes des écrits en histoire sur la région. Cette situation devient encore plus délicate devant le fait que l’Outaouais est encore à la prise avec la caractérisation de son identité culturelle et régionale. Elle doit alors se faire le devoir d’inclure les femmes et les autochtones dans le mouvement migratoire en Outaouais. Ainsi, l’histoire de l’Outaouais demeure toujours un vaste chantier d’étude qui a avantage à être reconnu par les agents de l’historiographie au Québec. Cette histoire ne peut qu’élargir la façon que se représente l’Outaouais dans l’imaginaire collectif de la région et des autres régions du Québec.


[1] Fernand Harvey, «  L’historiographie du Nord du Québec », Recherches sociographiques, vol. 35, no3, 1994, p.374.

[2] Arthur Buies, L’Outaouais supérieur, Québec, 1889,

Version électronique de la BAnQ – L’Outaouais supérieurhttp://collections.banq.qc.ca/bitstream/52327/2022419/1/174229.pdf

[3] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 73.

[4] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 74.

[5] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 74.

[6] Manon Leroux, L’autre Outaouais,  Guide de découverte du patrimoine, page 590.

[7] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 73.

[8] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 54.

[9] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 54.

[10] Fernand Harvey,  «  L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les Cahiers des dix, no 55, 2001, page 68.

[12] L’idée du Canada au 19e siècle évolue au 19e siècle. De 1791-1840, la région fait partie du Bas-Canada. Avec l’Acte d’Union, l’Outaouais voit disparaître sa frontière nationale malgré qu’elle demeure une partie intégrante du Canada-Est. La loi constitutionnelle de 1867 sépare de nouveau politiquement le Canada. La rivière établit de nouveau une frontière entre les deux provinces.

[13] Manon Leroux, L’autre Outaouais, Guide de découverte du patrimoine, p. 590.

Le patrimoine des cartes anciennes : cette pointe de terre au sud du canton de Hull

Le patrimoine des cartes anciennes : cette pointe de terre au sud du canton de Hull

Les débuts de l’Outaouais et la carte des cantons au nord de la « Grand River » en 1802

L’arrivée de Philemon Wright sur l’Outaouais marque les débuts du développement du Canton de Hull. Il est le leader du canton et il entreprend un projet de colonisation à l’Ouest de Montréal. L’histoire de ce projet de colonisation nous provient principalement des récits et des mémoires de Philemon Wright.  Il est possible de vous familiariser avec ce récit des débuts de la colonisation sur l’Outaouais dans le cahier numéro 5 de la Revue Asticou sur les publication en ligne du Réseau du patrimoine de Gatineau. L’ article « LES ORIGINES DU CANTON DE HULL D’APRÈS PHILÉMON WRIGHT » éclaire aussi sur la vision de ce leader de canton et de ses projets de colonisation au chute des Chaudières.

La lecture de ce texte nous permet de faire quelques constats intéressants sur la vision de la nouvelle colonie imaginée par Philemon Wright. Il y a alors lieu de croire que Philemon Wright cherche à établir une colonie autonome et autosuffisante. La priorité réside dans le développement des grandes fermes le long de l’Outaouais. La préoccupation de l’autosuffisance de la colonie l’empresse à installer des industries qui fournissent l’essentiel des produits nécessaires à la jeune colonie. L’industrie du bois demeure une préoccupation secondaire selon le récit de Wright. Ce récit fait peu référence à la présence autochtone sur le territoire. Il demeure que ce mémoire rédigé originalement par Philemon Wright soit une des sources les plus utilisées pour relater les débuts de l’histoire en Outaouais.

Il demeure qu’en dehors de ce récit, l’histoire se fait parcimonieuse. Il est  difficile de dépeindre un portrait précis de la contribution des Associates et des enjeux litigieux dans le développement du canton de Hull. Il devient encore moins évident lorsqu’un litige entre les Associates et le Leader survient dans le processus de l’appropriation des titres de propriété dans le canton. Un des litiges concerne l’attribution des titres du lot 15 sur le rang I du canton de Hull. Ce lot renferme de nombreux avantages géographiques et économiques. L’histoire de ce litige devient de plus en plus compliquée, car elle se situe pendant une grande période de transformation dans le système d’enregistrement des titres fonciers.

L’Outaouais est un territoire menant vers l’ouest et le nord par cette grande route commerciale déjà en usage dès le début du régime français. Le tracé des éléments géographiques paraissent sur la carte de Samuel de Champlain dès 1613. Les chutes Chaudière, les rapides et le lac de Deschênes sont déjà des éléments représentés sur les cartes dessinées pendant le régime français. La perte de l’emprise territoriale des Algonquins sur la rivière figure aussi sur ces cartes. Les terres se morcellent et les réserves des terres Jésuites sont déjà identifiées sur les rives de l’Outaouais dès le début du 18e siècle. Il se dessine les terres seigneuriales qui leur sont attribuées. La seigneurie Papineau est d’ailleurs  originalement une de ces terres seigneuriales acquise sous le régime britannique par le parlementaire Joseph Papineau, père de Louis-Joseph.

Dès 1791, il s’installe un nombre croissant de postes de traite sur les rives de l’Outaouais. La Compagnie du Nord Ouest prend charge des anciens permis de traite du régime français. L’occupation revient aux détenteurs de permis de traite de fourrure de cette nouvelle compagnie de fourrure sous le régime britannique. Michel Filion nous informe sur le processus du passage de la dominance britannique dans la traite de fourrure. Il nous explique que l’attribution de ces permis va au plus offrant. Cette situation vient qu’à voir le voyageur canadien perdre peu à peu son emprise sur le commerce de fourrure avec l’arrivée des Américains après 1783.

Plusieurs des négociants de permis deviennent des marchands prospères de Montréal. Un de ces marchands vient qu’à s’établir sur le lot 15 du rang I du canton de Hull en 1821. Le marchand originaire du Vermont, Ithmar Day opère le poste de traite Day & McGillivray aux rapides et au portage de Deschênes selon Michael Newton. Ithmar Day y construit aussi un magasin et une scierie selon les témoignage de Murdoch McGillivray dans le litige sur le lot 15 de 1824. Il relate que son partenaire a installé un magasin et une scierie aux rapides. Il se révèle alors une possibilité que la maison au 84, chemin Vanier soit le magasin de Ithmar Day. Ainsi, ce litige sur le lot 15 nous amène à examiner de plus près les premiers plans du canton de Hull afin de comprendre l’issu du mystère sur le lot 15 du rang I du canton de Hull.

Au-delà de la traite, il faut attendre le 19e siècle avant que les terres de l’Outaouais se développent. Cette période voit aussi des changements profond en cartographie. Le régime britannique impose son propre système d’arpentage et son mode de distribution des titres de propriété. Il réserve des terres pour le clergé britannique. Ce n’est qu’en 1802 que les cantons au nord de la rivière des Outaouais soient arpentés, recensés et dessinés sur un plan. Ce plan rend officiel l’appartenance du canton de Hull au Bas-Canada. C’est aussi sur cette carte que paraît le nom de Philemon Wright sur une carte d’enregistrement foncier officiel dans le Bas-Canada.

Les cantons sur la "Grand River" en 1802

A Plan of the new townships on the Grand or Ottawa River, 1813 (1)

Le plan de Joseph Bouchette 

Le plan de Joseph Bouchette situe les cantons sur la rive nord de la « Grand River » en 1802. Il indique clairement l’appropriation de Philemon Wright du Canton de Hull. Son nom y est inscrit au nord des chutes Chaudières. Le plan nous familiarise aussi avec la géographie et le partage des lots dans le canton de Hull.  Il se remarque que le canton se situe à l’extrémité sud de la rive nord de l’Outaouais. Le rang un est celui le plus au sud du canton. Il est aussi remarqué que l’établissement de Philemon Wright est à la hauteur du troisième rang. Elle nous permet de repérer pour la première fois le lot 15 qui est grisonné au sud ouest des chutes Chaudière. Vous n’avez qu’à « cliquer » sur l’image ci-dessus pour voir ces détails inscrits sur cette carte révélatrice des débuts du peuplement sur l’Outaouais en 1802.

Le développement du canton de Hull

Le plan des cantons sur l’Outaouais affirme que Philemon Wright prend possession du canton de Hull en 1802. Il est le leader et il recrute les Associates qui entreprennent avec lui l’établissement et le développement du Canton de Hull. Philemon Wright est fortuné et originaire de Wilborn Massachusetts. Il n’a pas le portrait d’un loyaliste fuyant les représailles des révolutionnaires lors de la guerre de l’indépendance américaine en 1776. Il est plutôt un des révolutionnaires combattant l’armée britannique pendant cette guerre. Son récit nous révèle aussi sa préférence à recruter des Canadiens pour travailler dans ses entreprises.

Le plan de la « Grand River » montre le lot 15 sur le rang I du canton de Hull. Il l’identifie par la zone colorée en vert. Ces zones identifient les terres réservées au clergé protestant de langue anglaise. C’est cependant dans la carte du Canton de Hull de Davis produite en 1801-1802 que se révèle d’autres mystères sur cette ancienne terres du clergé. Le lot 15 porte un numéro d’enregistrement. Il y a alors un détenteur de titre sur cette propriété à l’extrémité sud du canton. Il est aussi à remarquer que cette terre est toujours une terre du clergé et que la moitié du lot est colorié en jaune.

Établissement du canton de Hull

Établissement du canton de Hull

Plan d’une partie du canton de Hull, Théodore Davis, 1802 (2)

Cette carte nous apprend  au sujet des personnes qui s’associent à Philemon Wright. Le nom de James McConnell est présent à plusieurs endroits sur le plan. Les noms Wright sont aussi très présents. Ce plan nous permet de voir le nom des différents Associates qui prennent possession des terres du canton de Hull. Certains associés ne développe pas leurs terres et les vendent plutôt au plus offrant. C’est le cas de Charles Symmes qui acquière un peu plus tard les titres de la propriété à l’ouest du rang II. Cette terre conduit aussi à l’extrémité ouest du lac Deschênes. Il y fait construire un lieu d’embarquement qui marque les débuts de la vapeur sur l’Outaouais. Il demeure que Charles Symmes, malgré qu’il soit un neveu par alliance de Philemon Wright, devient un acteur important tenant tête au leader du canton. Ce litige nous ramène encore au lot 15  en 1836. Charles Symmes témoigne que William McConnell, le fils de James, a acheté des titres de la propriété pour cinq shillings et qu’il y exploite un scierie jusqu’à sa mort. C’est ainsi que Mary McConnell obtient la moitié du lot 15. Charles Dewey Day obtient une lettre patente de son lot 15 b) . Il faut aussi comprendre que le poste de traite demeure sur la propriété de Day malgré qu’il ne l’opère pas personnellement.  Il devient un avocat bien en vue dans le comté de l’Ottawa et un juge à la cour supérieure du Bas-Canada.

Cadastres dans le comté de Hull en 1928

Le partage du lot 15 rend difficile à identifier la localisation de la maison au 84, chemin Vanier. C’est avec la carte du comté de Hull de 1928 qu’il est possible de déterminer l’emplacement cadastral des lots 15 a) et 15 b) sur le rang I.  C’est aussi avec cette carte que j’ai pu déterminer l’emplacement de la maison du 84, chemin Vanier. Elle n’est pas sur le lot 15 a) comme le sous-entende les fonds d’archives et les titres de propriété trouvés au registre foncier. Il demeure que cette carte est essentielle pour revenir aux rôles d’évaluation de la municipalité de Deschênes et pour situer les propriétaires des titres fonciers à Deschênes avant 1920.

Carte de comté du Québec à l’échelle de 1:63 360 . Hull ,  Carte du comté de Hull et Gatineau (Source : Collection numérique de la BAnQ, Cartes et plans, Numéro d’identification : 2669884_01)

Carte de comté du Québec à l’échelle de 1:63 360 (3)

Ainsi, les faits commencent à se mettre en place pour le parcours du patrimoine. Il demeure que le propriétaire et les usages de la maison au 84, chemin Vanier sont encore inconnus. Il reste encore les plans du tracé de la ligne de chemin de fer de la Pontiac Pacific Junction Railway Company à venir. Ces plans révèlent les lots, les titres des propriétaires et les bâtiments sur le tracé de la ligne de chemin de fer. Il ne reste qu’à souhaiter que la maison soit sur ces plans et que son propriétaire soit identifié. Si c’est le cas, nous pourrions savoir si la maison du 84, Vanier est ce magasin construit à l’époque de Ithmar Day ou bien, si elle est construite pour les fins du chemin de fer vers 1878. J’attends les images numérisées cette semaine.

Si ces plans ne peuvent pas révéler le mystère, il ne reste alors à exploiter les fonds d’archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ceux des cartes de l’Outaouais sous le régime français et ceux du Compagnie du canadien pacifique. Ainsi, l’histoire de l’énigme du lot 15 nous amène à découvrir l’histoire du peuplement depuis l’établissement des postes de traite à l’ouest de Montréal jusqu’au début des réseaux de transport sur la rive nord de l’Outaouais.

Sources des cartes et plans

(1) Collection « cartes et plans » de la bibliothèque et archives nationale du Québec, Joseph Bouchette, A Plan of the new townships on the Grand or Ottawa River, 1813, Bibliothèque et Archives nationale du Québec, Numéro d’identification : 2663014

(2) Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fond : E21,S555,SS1,SSS1,PH.17, A Plan of part of the Township of Hull situated on the northerly side of the Ottawa River in the Province of Lower Canada. = 5B04-3-14 / Théodore Davis . – 40 chaînes : 1 po, 1802, Centre des archives de Québec.

(3)  Collection « cartes et plans » de la bibliothèque et archives nationale du Québec, Hull , Carte du comté de Hull et Gatineau, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre d’archive de Montréal, Numéro d’identification : 2669884_01