Aux pieds où sied maintenant le parlement fédéral à Ottawa, se trouve la chute des Chaudières que Samuel de Champlain décrit comme l’endroit de la marmite bouillonnante telle une grande chaudière où se dégage une bruine de vapeur. Champlain emprunte surement la rive nord sur des lieux d’arrêt obligatoire au cours de ses voyages sur l’Outaouais. D’ailleurs, l’explorateur-cartographe caractérise l’endroit dans les récits de son voyage de 1613. Il illustre ce lieu en le représentant par cette pointe de terre méridionale sur la rive nord de la rivière des Outaouais de la carte de 1632.
La chute des Chaudières a pris son nid naturellement au retrait de la mer Champlain à la toute fin de la dernière période de glaciation. Cet obstacle naturel impose une série de trois portages à tous les voyageurs. Les Chaudières se contournent à partir d’un réseau de sentiers étroits permettant de suivre par voie terrestre la rive nord de l’Asticou, le nom utilisé de la chute par certaines nations algiques. L’Asticou est aussi un lieu de rassemblement et de recueillement spirituel de la grande nation algonquine, très discrète depuis les guerres iroquoises du 17e siècle. Dans la région, les Algonquins y assument fièrement le rôle de gardien de la forêt où abonde le castor et ce, jusqu’à l’arrivée du groupe d’associés du chef de canton Philemon Wright au début du 19e siècle.
Des rares traces du patrimoine sur la traite des fourrures amènent à croire que les familles marchandes Miville-Deschênes et Gatineau sont actives dans la région dès le 17e siècle. Ces marchands de fourrure sont alors très familiers avec l’Asticou qui impose nombreux arrêts pour franchir les trois portages nécessaires avant d’atteindre les eaux calmes à l’est du lac Deschênes afin de poursuivre leur voyage sur l’Outaouais supérieur. Le premier sentier est d’une longueur de 643 pas. Les voyageurs doivent débarquer de leur embarcation et entreprennent leur périple avec l’ensemble des contenus de l’équipage lourdement chargé et leur canot sur leurs épaules.
Le deuxième portage à la petite Chaudière impose un transport terrestre de 700 pas. Le troisième portage aboutit aux rapides Deschênes, et il oblige l’équipage à franchir les 740 pas pour atteindre les eaux calmes et navigables du lac Deschênes sur l’Outaouais.
Les arrêts de navigation obligatoires à la chute des Chaudières jusqu’aux rapides Deschênes exigent de grands efforts physiques aux voyageurs. Ils ont à porter leurs charges avec agilité sur des sentiers étroits menant d’un portage à l’autre tout en transportant leur grand canot sur leurs épaules.
Des obstacles naturels obstruent le passage non loin de l’embouchure de la rivière Gatineau jusqu’au lac Deschênes. Sur la rivière Gatineau, il y a aussi un lieu de portage contraignant aux rapides Farmer qui obligent ainsi les voyageurs à rester quelques jours sur les péninsules où naîtra la future ville de Gatineau.
Des sentiers reliant la fin des portages à l’ouest des Chaudières jusqu’au lieu de départ vers le nord sur la rivière Gatineau débutant aux rapides Farmer se joignent tous deux par un réseau de sentiers menant aux rapides Deschênes jusqu’aux collines de la Gatineau. Au 19e siècle, certains de ces sentiers s’élargiront plus tard et deviendront les premières routes qu’emprunteront les colons. Le chemin Vanier, le chemin de la Montagne et le chemin Rivermead en sont quelques exemples.
Source au sujet de la période de la fin de la glaciation en Outaouais
Jean-Luc Picard, « Les sites archéologiques de la vallée de l’Outaouais », Kichi Sipi, à la découverte de la mémoire ancienne de notre région, Musée canadien des civilisations, Mise à jour le 3 juin 2010
Source au sujet du site des trois portages
Chad Garfield et al., « La rivière des Outaouais :1650-1791 », Histoire de l’Outaouais, Institut national de la recherche scientifique (INRS-Culture et société), p.95-97.
Source pour le réseau des sentiers et des premières routes de l’Outaouais
Diane Aldred, « L’intersection du Chemin Deschênes », et la « La route menant au lac », Le Chemin d’Aylmer, une histoire illustrée, Association du patrimoine d’Aylmer, Aylmer (Québec), 1993, p. 18 et pp. 178-179.
Charles William Jefferys, (1869-1951) illustre la cérémonie du tabac pratiquée par les Algonquins- « Indiens rendant hommage aux esprits aux Chaudières », Collection Imperial Oil Collection à Bibliothèque et Archives Canada,
Au sujet du marchands français et de la traite des fourrures en Outaouais,
Raymond Ouimet, Pierre Miville-Un ancêtre exceptionnel, Les Éditions du Septentrion, 1989, 132 pages et Raymond Ouimet et Nicole Mauger, Catherine de Baillon, Enquête sur une fille du roi, Les Éditions du Septentrion, 2001, 264 pages.
L’activité de la fourrure à Gatineau du 17e et 18e siècle fait peu objet de l’historiographie québécoise. Michel Filion a caractérisé dans « La traite des fourrures au XVIIIe siècle : essai d’analyse statistique et d’interprétation d’un processus » la nature des changements dans la traite suite à la conquête. Il révèle en conclusion qu’il se pose nombreux problèmes d’interprétation lorsqu’on tente de mesurer le changement dans le commerce de fourrure entre les périodes du régime français et du régime britannique. Il y a aussi aucun type de documentation sérielle autres que les registres de congés de traite déposés par Edmond-Zotique Massicotte à Montréal en 1920.
Il devient alors difficile de cerner l’envergure de la traite des fourrures dans la région de l’Outaouais. Le travail le plus exhaustif au sujet de la traite des fourrures dans le comté de l’Ottawa au 19e siècle sont les travaux de l’historien Michael Newton, « Some notes on Bytown and the fur Trade », The Historical Society of Ottawa, Bytown Pamphlet series. no 5, 1991 et Michael Newton, « La maison Charron : Symbole d’une vision contrariée », Outaouais, Le Hull disparu, Institut d’histoire régionale de l’Outaouais, 1982. Cet historien traite des enjeux de la traite des fourrures au début de la colonisation de l’Outaouais. Malheureusement, l’historien travaillant pour le compte de la Commission de la capitale nationale du Canada, Michael Newton décède avant que ne se complète son étude des postes de traite dans le comté de l’Ottawa au 19e siècle. Le dernier site recensé par monsieur Newton est celui sur le lot 19 du premier rang du canton de Hull selon Bruce Elliot de l’Université Carleton à Ottawa.
Voici des articles consultées disponible en ligne sur le site Web des publications du Réseau du patrimoine de Gatineau.
Outaouais, le Hull disparu, no.1 (1988) Société d’histoire de l’Outaouais, 89 p.
- Michael Newton, « La maison Charron : symbole d’une vision contrariée », Outaouais, le Hull disparu, no.1 (1988) Société d’histoire de l’Outaouais, p.11-15
Voir aussi La revue de la société d’histoire de l’Outaouais, Asticou no5 disponible en ligne sur le site Web Réseau du patrimoine de Gatineau.
Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, 35 p.
Les trois articles suivants retiennent notre attention dans le cadre de cette recherche :
- Augustin Potvin, «Fouilles archéologique à Hull?» dans Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 4.
- Guillaume Dunn, «L’Outaouais : histoire d’une rivière» dans Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 5-15.
- «Les origines du canton de Hull d’après Philémon Wright» dans Asticou, cahier no. 5 (mars 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 17-30.
Asticou, cahier no. 6 (octobre 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, 30 p.
- Gilles Lemieux, «Quelques noms indiens de chez nous» dans Asticou, cahier no. 6 (octobre 1970), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 26-27.
Asticou, cahier no. 7 (juin 1971), Société historique de l’Ouest du Québec, 34 p.
- Roger Marois, «L’archéologie au Québec» dans Asticou, cahier no. 7 (juin 1971), Société historique de l’Ouest du Québec, p. 31-33.
Voir aussi La revue de la société d’histoire de l’Outaouais, Asticou no 15, avril 1976.
- Guillaume Dunn, «Fort-Coulonge : site archéologique», dans Asticou, cahier no 15 (avril 1976), Société historique de l’Ouest du Québec, p.16-23