Catégorie : Histoire de Gatineau

FEUILLE 200, VILLAGE DE DESCHÊNES

FEUILLE 200, VILLAGE DE DESCHÊNES

PLAN D’ASSURANCE-INCENDIE GOAD

La collection Paul Brunet de l’ensemble cartographique de « Hull & Vicinity, Que » 1903-1921

La collection Paul Brunet présente l’ensemble cartographique de « Hull & Vicinity, Que » 1903-1921. Cette collection comprend la page titre, la carte maîtresse et les 44 plans d’assurance-incendie. Le titre de l’index comprend la dimension du territoire, son nom, le nombre d’habitants et le thème dominant. L’index renvoie aux différents secteurs des villes de Hull, d’Aylmer et des villages environnants en indiquant leur nom entre parenthèses et la feuille de référence correspondante[1]. L’index précise le nom des rues identifiées, les différentes institutions et les cours à bois de la région[2]. L’index associé aux données de la carte maîtresse permet un repérage précis et efficace des contenus recherchés dans l’ensemble de la collection.

L’aspect formel de la carte et des plans d’assurance-incendie

La collection Paul Brunet (BAnQ, Cote P 61) présente un ensemble presque complet des plans d’assurance-incendie « Hull & Vicinity, Que » produits entre 1903 et 1921. Cette collection est disponible pour consultation au Centre régional des archives de l’Outaouais (CRAO) à Gatineau[1]. L’ensemble de la collection est relié dans un atlas à couverture rigide et elle comprend la carte maîtresse[2] de « Hull & Vicinity, Que[3] » en 44 coupures de couleur. Ces coupures de 61 X 67 cm sont les plans d’assurance-incendie de Aylmer, Hull et Pointe-Gatineau. La carte maîtresse est un plan d’ensemble dessiné sur une échelle de 500 pieds = 1 pouce. Les chiffres juxtaposés sur cette carte renvoient aux feuilles de l’atlas représentant différents secteurs de Hull.

Les municipalités de Deschênes (200), Aylmer (201) et Pointe-Gatineau (209) sont notés en Nota Bene et référés à leur feuille correspondante. Les feuilles numérotées de 171-212 couvrent alors la périphérie urbaine de l’ancienne ville de Hull au début du XXe siècle. Chaque feuille présente un plan relevant des réalités cartographiées sur une plus grande échelle. Les plans sur les feuilles sont dessinés à grande échelle (50 pieds = 1 pouce). La feuille 200 manque à la collection qui est pourtant listée dans l’index. Cette situation est malheureusement courante dans le contexte de production des collections de plans d’assurance-incendie.

«Key Plan & District Map of Ottawa & Vicinity (item 2)»
Nous percevons Deschênes dans l’encadré. Le village est identifié en jaune et il se situe sur la rive nord au Lac Deschênes sur le premier rang du canton de Hull.
Bibliothèque et Archives Canada, En ligne No MIKAN 3823774

Les détails font la richesse de cette collection. Certaines feuilles comptent des mises à jour réalisées sur une base plus ou moins régulière, mais comptent des certifications d’authentification démontrant l’année de la dernière modification. Un arpenteur est chargé de relever les changements dans les constructions et de les certifier. La maison mère Chas E. Goad, Civil Engineer se charge de les authentifier et d’envoyer les mises à jour aux compagnies d’assurance[4]. Les modifications recensées sont ajoutées à la carte maîtresse et aux plans révisés. Les modifications sont transférées par un collage de papiers fin respectant les codes couleur et les symboles de la légende. La Collection Paul Brunet produite entre 1903 et 1921 comprend plusieurs de ces collages sur ses feuilles. Les collages peuvent cependant nuancer le caractère de lisibilité des cartes. Il devient alors nécessaire d’en produire des nouvelles pour les assureurs. L’index ci-dessus a de ces collages au bas à droite de la page. Vous n’avez qu’à agrandir l’image par un simple clic pour les voir de façon détaillée.

Une mince série de la feuille 200 du plan d’assurance-incendie du village de Deschênes est disponible dans la collection Plans d’assurance-Incendie de la BAnQ. Cette collection compte plus de 1134 photographies reproduites sur des diapositives de 7 x 7 cm à partir des feuilles originales créées entre 1880-1952. Nous avons obtenue les copies numérisées de la feuille 200 des plans d’assurance-incendie de 1903, 1908 et 1915 de bibliothèques et Archives nationale du Québec. La lisibilité des photographies ne permet pas de relever certains détails du plan. Cette lacune est compensée avec la Collection nationale des cartes et plans de Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Sheet 200, Deschènes, Que. « Hull & Vicinity, Que »
Bibliothèque et Archives Canada : Online MIKAN no. 3823774

La collection BAC compte des atlas d’assurance-incendie, des cartes maîtresses, plusieurs collections de série de feuilles et de plans révisés. Le catalogue des fonds de la collection initiée par Robert J. Hayward demeure une liste cartographique importante pour étudier l’espace urbain au Canada. Ce vaste catalogue s’ajoute à la Collection des cartes et des plans de BAC. Le catalogue liste vingt-neuf mille feuilles et un répertoire de plus de mille quatre cents lieux géographiques[5]. Ce catalogue facilite la recherche de microfiches qui sont accessibles en tout temps pour consultation à Bibliothèque et Archives Canada à Ottawa (BAC). La carte maîtresse de « Hull & Vicinity, Que » est aussi disponible dans la collection numérisée des cartes et plans de BAC. Cette collection ne compte que l’index[6], la carte maitresse et les plans d’assurance-incendie de certains secteurs de la ville de Hull. Dans le cadre de cette analyse, cette banque de ressource est nécessaire pour avoir accès à la feuille 200 du village de Deschênes et être en mesure de décoder les éléments de ce plan d’assurance-incendie.

Aspect formel du plan d’assurance-incendie

L’aspect formel de la carte et des plans d’assurance-incendie offre alors une somme impressionnante d’information pour caractériser les habitats humains et pour évaluer la densité de l’occupation du territoire. Le titre du plan d’assurance-incendie informe qu’il y a 300 habitants à Deschênes en 1903. L’inscription en dessous nous permet de comprendre en partie son absence de la collection de Paul Brunet de CRAO. Le plan d’assurance-incendie de 1903 et des révisions de 1908, 1918 portent la mention no protection sous le titre.=

Aspect formel du plan d’assurance-incendie
L’aspect formel de la carte et des plans d’assurance-incendie offre alors une somme impressionnante d’information pour caractériser les habitats humains et pour évaluer la densité de l’occupation du territoire. Le titre du plan d’assurance-incendie informe qu’il y a 300 habitants à Deschênes en 1903. L’inscription en dessous nous permet de comprendre en partie son absence de la collection de Paul Brunet de CRAO. Le plan d’assurance-incendie de 1903 et des révisions de 1908, 1918 portent la mention no protection sous le titre.

Caractéristiques de l’habitat en 1903
Le Plan d’assurance-incendie nous informe sur les caractéristiques de l’habitat du village de Deschênes en 1903[1]. Les rectangles jaunes et gris démontrent que la majorité des constructions sont en bois. Les rectangles jaunes illustrent les bâtiments à vocation résidentielle ou commerciale. La majorité est généralement détachée et d’un étage et demi. L’espace d’habitation est plus dense près de la rivière au sud du village où il y a une présence de bâtiments à logements multiples et des maisons en rangée. Il manque certaines précisions pour identifier la vocation des bâtiments jaunes qui pourraient offrir des précisions sur le développement commercial dans Deschênes. Le plan nous renseigne aussi qu’aucun de ces bâtiments n’utilise le recouvrement de brique identifiée en rouge.

Vocation manufacturière des lieux
Le recouvrement des toitures procure peu de protection contre les incendies dans l’ensemble du village. Il n’y a aucun coupe-feu entre les logements multiples aucun toit en métal sur les bâtiments jaunes. Il y a cependant l’inscription « résidence du patron[2] » au nord à l’entrée du village près des voies ferrées et de la Main. Le village compte des bâtiments à vocation manufacturière en pierres grises. La première est située à l’angle des voies ferrées et du chemin de Deschênes[5]. Cet édifice est un entrepôt pour ranger et réparer les tramways de la Hull Electric Company. Ce service a commencé ses opérations en 1896 sous la direction des frères Robert et William Conroy. C’est le seul édifice qui compte un système de pompage d’eau en cas d’incendie. Ce système pompe l’eau directement de la rivière et compte quatre connections pour approvisionner les installations de la Hull Electric Company. L’importance de cet entrepôt a aussi une influence directe sur les résidents de Deschênes[6]. La Hull Electric Company engage ses ouvriers et ses mécaniciens dans le village[7]. Ces tramways sont aussi la source du transport en commun entre Aylmer et Ottawa. Le tracé de la voie ferrée longe la voie des tramways et relie la région au Pontiac en longeant la rive nord de la rivière des Outaouais[8].

La meunerie
Le deuxième bâtiment de pierre se trouve au sud du village près de la rivière. Cette installation est le moulin à grain appartenant aussi aux frères Conroy qui emploie plusieurs habitants du village selon le recensement de 1911. « Dès 1839, Robert Conroy, père s’était notamment associé à John Egan, Charles Symmes et Harvey Parker pour bâtir un moulin à farine fonctionnant à la vapeur et pour alimenter la Aylmer Bakery [9] ». La meunerie moud les récoltes de blé, d’avoine et de sarrasin des cultivateurs de la région. Elle a la capacité de moudre plus de trois wagons de train de grains par jours[10]. Cet édifice de deux étages a en son centre un élévateur à grain qui rappelle surement l’époque de la navigation à vapeur sur la rivière des Outaouais. Il est aussi le seul édifice du village avec une cheminée de plus de cent pieds. Lucien Brault mentionne que souvent, les cultivateurs doivent trouver pension pour eux et leurs chevaux dans les auberges, les maisons de pension et les écuries locales, car la durée d’attente peut prendre quelques jours[11].

Monde du travail
Le haut taux de fréquentation des usines explique probablement en partie la fréquence des symboles représentant les écuries par un rectangle gris marqué d’un X [12] à proximité de certaines habitations. La majorité des petites écuries sont surtout concentrées au centre de la carte avec divers bâtiments de bois aussi identifiés en gris démontrant leur vocation manufacturière ou d’entreposage. Il est alors permis de croire qu’il y a la présence de différents ateliers de fabrication d’outils ou de petits commerces faisant partie de cette concentration centrale.

Entreposage, ateliers, forge et la moissoneuse-batteuse Conroy
Il y a aussi une grande écurie au sud de la carte près de la manufacture à la rivière. Cette dernière sert à l’activité industrielle et à la manufacture qui sont aussi tout près des rapides Deschênes. Diane Aldred relate qu’il y a de vastes terrains d’entreposage, un atelier de réparation, des bureaux administratifs, des écuries, et la forge où la moissonneuse-batteuse Conroy a vu le jour[13] ». Il demeure difficile de cerner cette information sur le plan observé. La localisation précise demeure à confirmer.

Ligne de tramway et l’hydroélectricité
La Deschênes Electric Company et la Hull Electric Company alimentent en électricité l’éclairage, le tramway électrique. Les lignes de tramway sont alimentées par les installations hydroélectriques des rapides de Deschênes. Le plan d’assurance-incendie nous informe de la présence du réseau de transport en commun. Les résidents, les ouvriers et les plaisanciers bénéficient de ce mode de transport pratique.

Développement du réseau routier
Dès 1849, les routes carrossables sont à péage entre Aylmer et Hull à la hauteur de la rue Montcalm et à l’entrée d’Aylmer [16]. Le chemin de Deschênes (chemin Vanier) a longtemps été la seule route reliant le chemin de la Montagne et le chemin d’Aylmer au cœur du village près des rapides [17]. Cette situation isole en quelque sorte le village qui demeure difficilement atteignable par des routes carrossables.

Enfin, au début du 20e siècle, l’église du village est présente sur le plan d’assurance-incendie malgré que la paroisse Saint-Médard s’incorpore en 1923 qu’elle ne peut obtenir un curé résident avant cette période[18]. Alors, suite . Il est possible de vérifier les informations surtout fournies par les différentes associations du patrimoine de la région, des photographies, une feuille de recensement[19] et la cueillette d’information nécessaire auprès des résidents de Deschênes. Cette information est nécessaire afin de valider davantage le caractère urbain de ce milieu ouvrier au début du XXe siècle.


[2] Index, « Hull & Vicinity, Que. », Janvier 1903, révisé en mai 1908. http://collectionscanada.gc.ca/pam_archives/index.php?fuseaction=genitem.displayItem&lang=eng&rec_nbr=3823774&rec_nbr_list=4137739,3821551,3855183,3827571,3820161,3824226,3823774,3934773,3855189,3855201
[3] Cette dernière information sur la Monographie en référence sur Amicus (BAC) – No AMICUS 38472283/ Insurance plan of the city of Hull, Que [document cartographique] / Canadian Underwriters Association, Plan Division. Toronto, 1968.
[1] Voir Annexe 1.
[2] Traduction libre sur le plan d’assurance-incendie de « Forman’s House ». La Forman’s house est de l’autre côté de la rue de la « Car shed and repair shop ».
[3] C’est le surnom que donne les villageois à cette construction aujourd’hui.
[4] Cette maison est présentement à vendre. L’association des résidents de Deschênes lutte présentement pour en faire reconnaître sa valeur patrimoniale, car elle n’a toujours pas obtenu ce statut qui lui revient.
[5] Cet édifice fait toujours partie du patrimoine bâti du village malgré qu’elle ait perdu sa vocation ferroviaire dans les années 1960. Cet édifice est à l’angle du boulevard Lucerne et du chemin Vanier à Gatineau. Il fait face aux deux autres maisons mentionnées plus haut : Maison du patron et la « maison grise ».
[6] Le cinquième recensement de 1911, de la Province de Québec, District 205 Wright, S. District 9, District du recenseur 1, dans South Hull, permet d’authentifier cette affirmation.
[7] Ce fait est aussi vérifiable avec le cinquième recensement.
[8] Diane Aldred, Le chemin d’Aylmer, une histoire illustrée, Association du patrimoine d’Aylmer, Aylmer (Québec), 1994, p.43.
[9] RICHARD M. BÉGIN, «L’hôtel British d’Aylmer : au cœur de l’histoire de la Vallée de l’Outaouais » Histoire Québec, VOLUME 10 NUMÉRO 2 NOVEMBRE 2004
http://www.histoirequebec.qc.ca/publicat/vol10num2/v10n2_2hb.htm
[10] Idem
[11] op. cité de Lucien Brault dans Lab MIT, (UQO), « Le quartier Deschênes : une vision d’avenir enracinée dans son histoire et sa géographie, Rapport de recherche-action déposé au Groupe Communautaire Deschênes », p.27.
[12] Traduction libre de l’anglais pour « stables ».
[13] op. cité de Diane Aldred dans Lab MIT, (UQO), « Le quartier Deschênes : une vision d’avenir enracinée dans son histoire et sa géographie, Rapport de recherche-action déposé au Groupe Communautaire Deschênes », p.26.
[14] Lab MIT, (UQO), « Le quartier Deschênes : une vision d’avenir enracinée dans son histoire et sa géographie, Rapport de recherche-action déposé au Groupe Communautaire Deschênes », p.27.
[15] Idem. Le site Web « Mettre Deschênes sur la mappe » du CREDDO et du Groupe communautaire de Deschênes ajoute à ce sujet que « In 1895, Conroy’s sons Robert and William built the region’s first hydro-electric plant here. It powered the Hull Electric Railway, which began service between Ottawa and Aylmer in 1896. Drive back up Vanier Road toward Aylmer Road and ass you cross Lucerne Blvd., note the long greystone building to your right: rail cars were stored here during the heyday of the electric train[15]. »
[16] Wikipédia – http://memoireduquebec.com/wiki/index.php?title=Gatineau_(municipalité_de_ville)
[17] Diane Aldred, Le chemin d’Aylmer, une histoire illustrée, Association du patrimoine d’Aylmer, Aylmer (Québec), 1994, p. 178. Ce chemin prend le nom de Vanier en l’honneur du premier gouverneur général d’origine canadienne-française en 1960 selon cette même source.
[18] Communauté chrétienne de Saint-Médard d’Aylmer, 1923-1998, « Une communauté chrétienne vivante », page 21. Cette source explique que l’église n’a que le statut d’une mission avant 1923.
[19] Ce travail ne compte qu’une feuille de recensement. Elle est celle où mes ancêtres Tremblay qui y figurent peu de temps après s’être installer à Deschênes.

[1] Outre que l’original de « Hull & Vicinity, Que » la Collection Plans d’assurance-incendie / Chas, E Goad Co ; Underwriter’s Survey Bureau Ltd est reproduit vers 1980 à partir des originaux créés de 1880 à 1952 – 1134 photographies : diapositives de verre ; 7 X 7 cm. Cote ZC5

[2] Vous pouvez trouver ce plan numérisé à BAC – http://data2.archives.ca/e/e428/e010695084-v8.jpg

[3] Collection Paul Brunet. « Hull & Vicinity, Que » 1903-1921, Montréal : Chas. E. Goad, Civil Engineer – 44 plan(s) : coul. ; 61 X 67 cm, BAnQ, Centre régional des archives de l’Outaouais, cote P61.

[4] La certification de la carte de 1903 mentionne « Entered according to Act of Parliement of Canada in the year Nineteen Hundred and Three, by Chas E Goad in the office of the minister of Agriculture at Ottawa »

[5] Robert J. Hayward, Plans d’assurance-incendie de la Collection nationale de cartes et plans, Collection nationale de cartes et plans, Ottawa, 1977,

[6] Index, « Hull & Vicinity, Que. », Janvier 1903, révisé en mai 1908. http://collectionscanada.gc.ca/pam_archives/index.php?fuseaction=genitem.displayItem&lang=eng&rec_nbr=3823774&rec_nbr_list=4137739,3821551,3855183,3827571,3820161,3824226,3823774,3934773,3855189,3855201

Le barrage de la centrale des rapides Deschênes

La centrale de la Deschênes Electric à l'abandon, Bibliothèque et Archives Canada, E011316645

La centrale de la Deschênes Electric (1935) Bibliothèque et Archives Canada, E011316645

Revue de presse

CBC News, from Radio-Canada’s Patrick Foucault

Deschênes Rapids ruins set to be demolished

CBC News, All in a Day with Alan Neal

The ruins of the former Deschênes Rapids dam are set to disappear from the landscape

Pontiac MNA Andre Fortin says the province’s decision to demolish the Ottawa River ruins is a mistake.

Mardi, le 10 octobre 2023

Répertoire du patrimoine culturel du Québec

Barrage des rapides Deschênes (Dossier initié par le ministre – fermé)

Dimanche, le 8 octobre 2023

Ottawa Citizen, local news

Historic Aylmer ruins on Ottawa River to be demolished

Samedi, le 7 octobre 2023

LeDroit, Jean-François Dugas

Ruines des rapides Deschênes : abattement et déception chez les défenseurs du site

Vendredi, le 6 octobre 2023

Radio-Canada, Ici Ottawa-Gatineau, Patrick Foucault

Les ruines des rapides Deschênes seront démolies

CBC News Ottawa

Deschênes Rapids ruins set to be demolished

LeDroit, Justine Mercier

Le ministère de la Culture sonne le glas des ruines des rapides Deschênes

ENSEMBLE, préservons les vestiges des rapides Deschênes

1067 fois merci

Un ÉNORME MERCI À TOUTE LA COLLECTIVITÉ POUR VOTRE APPUI

Nous sommes plus de 1000 à avoir dit :

« Préservons les vestiges de la centrale des rapides Deschênes« 

MERCI À toutes participantes et à tous les participants, aux résidents et résidentes de Deschênes, à l’Association du patrimoine d’Aylmer (APA), à la Société d’histoire de l’Outaouais (SHO), au Club des ornithologues de l’Outaouais (COO), nombreux et nombreuses ami.e.s, Gaëlle Kanyeba de Radio-Canada, Ani-Rose Deschatelets du Journal Le Droit et aux autres médias (Bulletin d’Aylmer) d’avoir marché et amorcé ce premier pas collectif vers la reconnaissance patrimoniale des vestiges des Rapides Deschênes.

Un énorme MERCI à notre crieur public extraordinaire, Daniel Richer dit Laflêche qui a aussi participé à la marche, fait résonner sa cloche d’appel à la nouvelle tout le long du chemin Vanier et lu publiquement la pétition aux Rapides Deschênes.

Un autre merci tout spécial à nos élu.e.s, Caroline Murray et André Fortin, qui appuient l’Association des résidents de Deschênes dans leurs démarches de préservation des vestiges du barrage.

Allez, aidez-nous à diffuser l’information. Soyons nombreux à demander au gouvernement du Québec la préservation du lieu historique du barrage des Rapides Deschênes.

Que demandions-nous au gouvernement du Québec ?

Préserver les vestiges du barrage des rapides Deschênes et sécuriser les berges

afin que tous puissent en bénéficier en toute sécurité,

que la faune et la flore soit préservées

et que ce paysage patrimonial traverse le temps pour la mémoire collective du Québec.

Rappel : En plus d’être apprécié pour la valeur patrimoniale de leur paysage, les vestiges des rapides Deschênes se trouvent sur un site archéologique, un lieu d’importance historique (VOIR, RAPPORT de Michelle Guitard) et une aire écologique aux multiples habitats exceptionnels dans la zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO).

Couverture médiatique

Qu’en dit-on dans les médias ?

Le 16 juin 2023

Ruines des rapides Deschênes: «on ne baisse pas les bras» (Le Droit)

Le 17 mai 2023

«Longue vie à Deschênes» (Le Droit)

Des résidents d’Aylmer se mobilisent pour sauver les vestiges des rapides Deschênes (Radio-Canada Info)

Support to protect ruins at Deschênes Rapids snowballing as petition gathers signatures (Aylmer Bulletin)

Le 10 mai 2023

Protéger ou non les vestiges des rapides Deschênes? (104,7, Cogéco Outaouais)

Le 9 mai 2023

Gatineau councillor wants stronger heritage protection for Aylmer ruins (CBC NEWS)

Le 8 mai 2023

Une désignation patrimoniale pour l’ancien barrage des rapides Deschênes? (Radio-Canada Info)

Une pétition pour désigner les rapides Deschênes comme un lieu patrimonial

La valeur des ruines des rapides Deschênes sera réévaluée par le ministère de la Culture

Une pétition pour préserver les vestiges du premier barrage hydroélectrique en Outaouais

Vestiges du barrage des Rapides Deschênes Action Gatineau veut éviter la démolition

Rapides Deschênes: une pétition pour sauver les ruines

Le 23 avril 2023

Le MTQ déterminé à démolir les ruines des rapides Deschênes

MERCI pour votre appui !

Collaboration publique

et appui de la collectivité

15 mai 2023

Musée de l’Auberge Symmes (Page FaceBook)

11 mai 2023

Association du patrimoine d’Aylmer (Page FaceBook, en français et en anglais)

27 avril 2023

Société d’histoire de l’Outaouais (Unique FM, le 15 mai 2023 ; Lettre aux membres)

Qui est Mary McConnell-Conroy ?

Qui est Mary McConnell-Conroy ?

Cette pionnière hors de l’ordinaire figure parmi les bâtisseurs de la région de l’Outaouais. Née en 1816, Mary fait partie des McConnell, une illustre famille qui œuvre à l’exploitation forestière et au développement agricole dans la région. En 1837, elle épouse Robert Conroy, un ambitieux marchand, avec qui elle a dix enfants. Le couple s’établit à Aylmer et y fait construire l’hôtel British.

Par la suite, les McConnell-Conroy investissent surtout dans le développement des services de transport, comme les glissoires à bois, les quais d’embarquement, le chemin macadamisé d’Aylmer, les ponts et les services de diligence.

En 1857, Mary achète la ferme des rapides Deschênes qui devient l’une des fermes laitières les plus prospères de l’Outaouais. À la mort de son mari, en 1868, elle prend les rênes des entreprises familiales et elle modernise leur scierie. Plus tard, elle construit une deuxième scierie et y conduit le rail. Ses scieries produisent jusqu’à 30 millions de pieds de planche en une saison et emploient 200 travailleurs. Cette effervescence économique permet d’établir les bases du village de Deschênes Mills, en bordure de la rivière des Outaouais.

Conroy Mills, View from the Island
Juillet 1887
Studio Topley, Bibliothèque et archives Canada
Mikan : 3422109

À sa retraite, elle lègue ses entreprises à ses enfants. Elle décède en 1887. À la suite, ses fils, Robert et William Conroy, construisent une centrale hydroélectrique sur les rapides Deschênes pour alimenter les quartiers environnants, les usines et le tramway reliant Hull et Ottawa à Aylmer. Les fondations du barrage hydroélectrique sont d’ailleurs encore visibles.

Le sens aigu des affaires de Mary McConnell-Conroy pourrait faire d’elle une baronne du bois, titre réservé aux hommes de l’époque.

Ruines des scieries, barrage et du glissoir des rapides Deschênes
Ile Mary McConnell, 2019
L. Rodier
William Jackson Conroy et l’hydroélectricité aux rapides Deschênes

William Jackson Conroy et l’hydroélectricité aux rapides Deschênes

Par Lynne Rodier et Sophie Tremblay

La région de l’Outaouais s’est construite grâce à l’audace et à l’esprit d’entreprise de grands bâtisseurs. Le village de Deschênes, aujourd’hui annexé au secteur Aylmer de la ville de Gatineau, a été particulièrement influencé par la famille Conroy. Tout d’abord, le prospère marchand de bois, Robert Conroy, y laisse sa trace par l’achat et par l’exploitation de l’ensemble des propriétés et des moulins situés sur le site de Deschênes entre 1857 et 1860. Sa veuve, Mary McConnell, prend la relève des affaires de son époux en 1868. Elle modernise la scierie, en construit une deuxième et amène le rail près des usines.

e011160356 À la suite de leurs études à l’université McGill de Montréal, leurs fils, William Jackson et Robert Hughes Conroy, développent de nouvelles technologies dans la forge de la scierie familiale. William Jackson gradue en ingénierie en 1883 . Il se spécialise dans les mécanismes rotatifs tel qu’en fait foi le brevet du prototype de la moissonneuse-batteuse, assemblé à la forge de Deschênes, qu’il obtient en 1889. La Combined Harvester and Tresher est tirée par cinq chevaux. Elle est surtout utilisée au Manitoba jusqu’au début du 20e siècle, mais, malheureusement, le moteur à vapeur la rend rapidement désuète. Par contre, le brevet sur le mécanisme rotatif est essentiellement le même encore aujourd’hui. W. J. Conroy s’intéresse aussi à l’hydroélectricité. Les rapides Deschênes deviennent pour son frère et pour lui un lieu d’innovation et de manipulation des technologies du courant électrique .

« CONROY’S COMBINED HARVESTER & THRESHER », Aylmer 1890-1925
Photo – Association du patrimoine d’Aylmer

Avènement de l’hydroélectricité en Outaouais
Ayant assisté à la démonstration des possibilités de l’éclairage artificiel provenant des lampes à arc à partir d’un courant électrique à l’exposition universelle de Paris de 1878, L. A. Craig en fait une première utilisation à Montréal. Il démontre alors que l’énergie électrique peut remplacer l’énergie mécanique. En fait, à ses débuts, l’usage de l’électricité se limite surtout à l’éclairage. L’année suivante, Thomas Edison, l’inventeur américain, met au point la lampe à incandescence révolutionnant ainsi l’usage de l’hydroélectricité et du mode de vie nord-américain.

À la même époque, le déclin de la réserve de pins blancs en Outaouais crée un climat propice à la diversification de l’économie régionale. Ce sont des investisseurs locaux qui harnachent le potentiel hydraulique de la rivière des Outaouais et de ses affluents. Dès lors, les barons du bois deviennent des actionnaires imposants qui financent le développement hydroélectrique dans la région. D’ailleurs, la cité de Hull demeure le troisième centre urbain en importance au Québec jusqu’en 1921.

L’électrification de la E. B. Eddy dans l’Outaouais
Dans le domaine industriel, l’hydroélectricité révolutionne les modes de production et de transformation en Outaouais. La compagnie E. B. Eddy, située à la chute des Chaudières, agit rapidement en tant que précurseur, sachant profiter de la demande de la pâte de bois et du papier aux États-Unis. Cette compagnie est d’ailleurs l’un des premiers manufacturiers au monde à utiliser l’électricité pour faire fonctionner son imposante machinerie et pour éclairer ses usines.

Pendant les deux dernières décennies du 19e siècle, E. B. Eddy consolide ses activités industrielles. En 1886, il se lance dans la fabrication de la pâte mécanique. Trois ans plus tard, Eddy érige une centrale électrique d’une puissance inégalée de 4400 kW pour la production de la pâte chimique . Entre 1890 et 1895, l’entreprise se dote de cinq machines productrices de papier. Eddy fait appel aux Conroy pour alimenter en électricité la production de sulfites et de papier brun . Il cherche aussi à régulariser la fluctuation du niveau de l’eau qui immobilise ou surcharge les turbines. À la fin de l’été, le faible débit de la rivière impose l’usage du charbon pour alimenter en énergie la machinerie ou exige la fermeture temporaire de certaines machines. L’apport de la centrale de Deschênes semble alors une alternative intéressante pour la E. B. Eddy. Par contre, cette situation devient un grand défi d’ingénierie pour William Jackson Conroy, sa famille et les actionnaires de ses entreprises.

William Conroy, 1871 Source : Bibliothèque et Archives Canada, e010940415,
William Conroy, 1871
Source : Bibliothèque et Archives Canada, e010940415,

Début de l’électricité aux rapides Deschênes
Situé à mi-chemin entre la cité de Hull et la ville d’Aylmer, Deschênes, le deuxième centre industriel en importance dans la région, après les Chaudières, appartient à la famille Conroy d’Aylmer. Celle-ci détient un bail sur le pouvoir de l’eau qui alimente la meunerie, l’élévateur à grain et les deux scieries aux rapides Deschênes. En 1882, Robert H. Conroy, aussi avocat et marchand de bois, R. H. Sayer, E. Symmes, R. T. Ritchie et James McArthur forment la compagnie Ball Electric et, en 1885, ils construisent une petite centrale hydraulique aux rapides Deschênes . Cette centrale éclaire la ville d’Aylmer 300 soirées par année à l’aide de lampes à arc .

En 1894, Ball Electric utilise des dynamos actionnées par la charge d’électricité et diverses machineries nécessaires au transport de l’électricité . Les Conroy, plus particulièrement l’ingénieur, William Jackson, s’entourent d’hommes d’affaires de la région qui assurent le financement du développement d’un réseau de transport de l’énergie électrique en Outaouais. Dès 1895, la centrale de Deschênes démontre qu’elle a le potentiel de combler les demandes des services publics et des industries locales.

Hull Electric Company (1896-1946)
En 1891, la ville d’Ottawa inaugure ses services de tramway électrique, soit un an avant Montréal. La ligne de la Ottawa Electric Railway Company maintient son service en hiver, ce qui est du jamais vu en Amérique du Nord. Alors, la cité de Hull lui emboîte le pas. Elle accorde l’exclusivité du service à la Hull Electric Company (HEC), incorporée par charte provinciale (Victoria 58, chapitre 69) le 12 janvier 1895 . William Jackson Conroy et Edward Seybold proposent l’achat du courant de leur centrale de Deschênes et ils en viennent à une entente qui les mène à devenir les actionnaires principaux de la HEC. L’année suivante, les Conroy convertissent cette centrale mécanique en centrale hydroélectrique après l’incendie de leurs scieries. Une partie de cette production hydroélectrique est, en outre, promise par contrat à la HEC.

B0038 Par cette entente, l’électrification des transports voit le jour en Outaouais en 1896. La HEC obtient aussi un contrat d’exclusivité de 35 ans pour l’éclairage, le chauffage et le service aux résidences de Hull, d’Aylmer, de Deschênes et de Hull-Sud . Par ailleurs, la propriété des Conroy est déjà traversée par deux voies ferrées appartenant à la compagnie du Canadien Pacifique. Cette dernière leur loue et, ensuite, leur vend la voie secondaire qui relie Hull à Aylmer par voie ferrée. Ainsi, la Hull Electric Railway Company s’installe à Deschênes. Enfin, pour compléter le parc immobilier de cette compagnie de tramway, les Conroy vendent une part du terrain de la Deschênes Bridge Company, où se situe d’ailleurs la centrale hydroélectrique, à la HEC et y installent un garage à wagons de tramway . En 1897, la HEC accroît de 50% la puissance hydroélectrique de la centrale et, par ce fait, double sa capacité de production.

13926018926_35c89ff701_m En 1898, les premiers tramways circulent entre Hull et Aylmer en partance du hangar et du garage situés sur la voie secondaire du Canadien Pacifique, traversant ainsi le sud de la propriété des Conroy à l’angle du chemin Vanier. Deux ans plus tard, la HEC cherche à rentabiliser ses installations le dimanche. Elle prolonge donc le rail du tramway électrique jusqu’au parc des Cèdres, à Aylmer, où les Conroy exploitent un parc d’attractions, Queen’s Park.

Deschênes Electric Company (1896-1946)
Le 6 mai 1897, les Conroy obtiennent une lettre patente de la Couronne qui leur accorde le plein droit du pouvoir de l’eau profonde qui entrecoupe l’île Conroy et la propriété familiale sur la rive . La centrale de la Deschênes Electric Company produit déjà une puissance de 2300 kW. Cette centrale a deux passages de transmission hydroélectrique indépendants et autonomes, dont un est réservé en exclusivité à la Hull Electric Company. La Deschênes Electric, de son côté, détient les droits de service sur la propriété et sur la deuxième ligne de transmission de l’électricité. Cette dernière se spécialise donc dans la transmission et la distribution de l’électricité.

Centrales hydroélectriques, Rapides Deschênes. Association du patrimoine d'Aylmer
Centrales hydroélectriques,
Rapides Deschênes.
Association du patrimoine d’Aylmer

La Deschênes Electric innove en reliant la centrale par un nouveau réseau de lignes de transport qui traverse les fils de transmission par câbles submergés sous la rivière des Outaouais ce qui lui permet de transmettre de l’électricité au Russell House, un luxueux hôtel situé sur la rue Elgin, à une distance de marche de la colline parlementaire d’Ottawa . Sa concurrente, la Ottawa Electric Company, utilise son influence politique pour empêcher que la production hydroélectrique du Québec traverse la rivière des Outaouais, même si celle-ci a un pied à terre dans la cité de Hull jusqu’en 1950 .

Russel House, Ottawa, Ontario
Russel House,
Ottawa, Ontario

En 1893, les premières lignes à courant alternatif font leur entrée sur le marché de la distribution de l’électricité. « La tension de ce type de courant pouvait être augmentée ou diminuée à volonté grâce à l’utilisation d’un appareil peu coûteux, le transformateur.» En 1900, W. J. Conroy veut transporter de plus lourdes charges de courant électrique sur une plus longue distance. Il projette de maximiser la puissance hydroélectrique de la centrale en utilisant la turbine-alternateur verticale Trump qui est bien adaptée aux petites centrales à débits particulièrement variables, au canal de fuite plus restreint et aux exigences de la transmission hydroélectrique. Cette turbine-alternateur a déjà fait ses preuves dans les papetières des pays scandinaves .

Dans le même ordre d’idées, faisant preuve de prouesses d’ingénierie, W.J. Conroy introduit un système de transmission à haute tension qui est peu testé à l’époque au Canada pour répondre, entre autres, aux besoins de la compagnie E. B. Eddy qui commande 6000 kW à être livré de Deschênes jusqu’aux moteurs de ses usines à Hull, soit sur une distance de 10 km . La charge électrique dont doit disposer la compagnie hulloise pour faire tourner certaines machines est de plus de 800 chevaux-vapeur pour chacune d’entre elles. Un plus faible voltage est aussi nécessaire pour l’éclairage continu des installations. Ces particularités techniques exigent alors des charges électriques d’une intensité variable, soit lourdes ou faibles, qui peuvent compromettre le rendement et l’efficacité de la centrale hydroélectrique. La Deschênes Electric prévoit aussi emmagasiner l’électricité afin que l’énergie soit disponible en tout temps pour un usage immédiat lorsque Eddy en fait la demande. De plus, Conroy envisage d’installer de nouveaux équipements produisant un courant alternatif triphasé . Ce type de moteur par induction prévu sera adopté au Québec en 1906. Conroy devra travailler d’arrache-pied pour convaincre E. B. Eddy de la fiabilité de ces nouvelles technologies, qui sont encore utilisées de nos jours dans le transport de l’hydroélectricité.

À la suite du grand feu de la ville de Hull, le 23 mai 1900, c’est la catastrophe sur l’ensemble du site industriel de la chute des Chaudières; la compagnie E. B. Eddy est impatiente de reprendre ses opérations et exige la livraison immédiate de 700 chevaux-vapeur. Les Conroy doivent donc installer rapidement des génératrices supplémentaires afin de satisfaire à la demande de livraison pour le 1er septembre 1900.

L’expansion rapide et coûteuse de la Deschênes Electric pour honorer ce contrat comporte de trop grandes exigences financières pour les frères Conroy. Ils doivent malheureusement liquider plusieurs de leurs actifs immobiliers faisant partie du patrimoine familial, dont l’hôtel British d’Aylmer, afin de sauvegarder leur place dans l’exploitation de l’hydroélectricité. Malgré tous leurs efforts, la faillite devient inévitable.
L’année suivante, soit en 1901, Robert Hughes Conroy, le partenaire d’affaires principal et frère de W. J., décède. Cette perte entraînera une restructuration de l’entreprise R & W Conroy par la venue de leur soeur, Ida, et de son mari, J. M. Shanly, de Montréal.

Capital Power Company (1901-1926)
Par la suite, c’est la Capital Power Company qui prend la relève de la Deschênes Electric Company et qui achève les travaux de la ligne de transmission de la E. B. Eddy. En 1901, elle obtient les droits de propriété du pouvoir de l’eau aux rapides Deschênes de la Deschênes Electric Company. Par contre, cette entente exclut ce qui a été établi par contrat avec la Hull Electric Company . Par ailleurs, en échange de l’ensemble de la propriété où se situent les industries et la centrale de Deschênes, W. J. Conroy reçoit 100 000 fonds d’action dans cette compagnie.

La Capital Power Company s’associe à la Pontiac Power Company, compagnie pour laquelle W. J. Conroy détient toujours les droits sur le pouvoir de l’eau aux rapides du Grand-Calumet, près du village de Bryson, dans le Pontiac, au Québec. En fait, W. J. Conroy possède 83 % des fonds d’action de cette compagnie qui est également propriétaire des pouvoirs de l’eau à la chute des Chats, sur la rive nord de la rivière des Outaouais .

Cependant, les aspirations de W. J. Conroy ne s’arrêtent pas là. Lui et son beau-frère, J. M. Shanly, proposent l’ajout de nouvelles installations sur le côté est de l’île du Grand-Calumet. Ces travaux sont évalués à 485 000$ . Le site ne nécessite qu’un petit barrage et une vanne d’évacuation longue de 2000 mètres, réduisant ainsi les frais de construction. Ce barrage a la capacité de fournir la ressource hydroélectrique aux industries et aux mines ainsi que de pourvoir, à bon prix, des services publics pour les localités environnantes. Malheureusement, W. J. Conroy ne verra pas cet autre projet ambitieux se réaliser de son vivant. La construction de la centrale de Bryson s’achève en 1925 et elle est toujours en service aujourd’hui.

British American Nickel Corporation (1916 – 1923)
En 1901, les créanciers britanniques de la famille Conroy, Croil Cushing Inc, ainsi que la banque d’Ottawa achètent le pouvoir hydroélectrique et les terrains de service de la Hull Electric Company à Deschênes. En 1916, ils y installent la raffinerie de nickel de Deschênes, la British American Nickel Corporation, construite au coût de plus d’un million de dollars . Celle-ci a la capacité de produire le métal raffiné à une échelle encore inégalée au Canada . Elle lance ses opérations en 1918 et utilise alors le pouvoir hydroélectrique de la HEC . Cependant, à la fin de la Grande Guerre, le premier ministre du Canada, Mackenzie King, ordonne soudainement la fermeture définitive et le démantèlement de l’usine . Jusqu’à présent, nul ne connaît les raisons qui l’ont motivé à ordonner directement la démolition de cette usine moderne et bien en vue à l’époque.

Photographie aérienne du village de Deschênes, 21 mai 1928
Photographie aérienne du village de Deschênes, 21 mai 1928

Conclusion
Bref, de 1882 à 1906, l’aventure hydroélectrique des Conroy s’étend de la Ball Electric and Light Company, la Hull Electric Company, la Deschênes Electric Company, la Pontiac Power Company à la Capital Power Company. Jusqu’à sa mort, en 1915, W. J. Conroy est un témoin privilégié du développement accéléré de l’hydroélectricité dans la région grâce à la puissance hydraulique des rapides de Deschênes . Aujourd’hui, les ruines de cette centrale qui bordent les îles Conroy à l’opposé de la piste cyclable aux rapides Deschênes sont les seuls vestiges qui nous rappellent le savoir-faire de cet ingénieur et le passage de la famille Conroy à Deschênes.

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Bibliographie
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Robert Conroy aux premières heures du village d’Aylmer

Robert Conroy aux premières heures du village d’Aylmer

Vers 1830, la région de l’Outaouais est en pleine transformation grâce à l’essor de l’agriculture et du commerce du bois, aux manufactures aux chutes Chaudières et à la construction du canal Rideau. Les chutes et les petits rapides Chaudières ainsi que les rapides Deschênes forment une barrière naturelle qui sépare les cours inférieur et supérieur de la rivière des Outaouais[1]. Ainsi, cette barrière pose un problème au transport de la marchandise et aux mouvements migratoires vers l’ouest de la région de l’Outaouais au début du 19e siècle. De ce fait, les voyageurs sur la voie navigable doivent nécessairement débarquer de leur embarcation aux chutes Chaudières et transiter par le chemin d’Aylmer pour atteindre, par le lac Deschênes, la partie supérieure de la rivière des Outaouais.

Cependant, certains visionnaires de l’époque savent tirer profit de cet obstacle naturel. C’est le cas de Robert Conroy, un jeune Irlandais né en 1811 à Magherafell dans le Comté de Derry[2], qui arrive au bas des chutes Chaudières en compagnie des frères McGillivray, des marchands de Montréal, au début des années 1830[3]. Ces hommes célibataires sont de l’ancienne Compagnie du Nord-Ouest fusionnée en 1821 à la Compagnie de la Baie d’Hudson qui délaisse alors les opérations de Montréal au profit des postes de traite nordiques de la baie d’Hudson. Les environs des chutes Chaudières sont désormais ouverts aux négociants de fourrure indépendants de l’ancienne Compagnie du Nord-Ouest de Montréal[4]. Dès son arrivée, Robert Conroy s’investit dans les activités de transbordement dans les environs du lac Deschênes et « […] devient l’un des entrepreneurs les plus énergétiques à s’établir à Aylmer[5]. »

En 1837, Robert Conroy épouse Mary McConnell, la fille de William, un des trois frères McConnell faisant partie du groupe d’associés de Philemon Wright lors de l’établissement du canton de Hull[6]. Ces frères développent de grandes fermes le long du chemin d’Aylmer. De plus, leurs concessions forestières les mènent jusqu’au pied du lac Témiscamingue[7]. Cette famille connait très bien les difficultés de déplacement et d’accès aux ressources sur la rivière des Outaouais, y ayant voyagé à maintes reprises.

Pendant ce temps, en amont des chutes Chaudières, l’introduction des premiers bateaux à vapeur augmente l’activité fluviale à L’abord-à-Symmes d’Aylmer qui prend vite figure d’un port de mer au Bas-Canada[8]. « La vocation d’Aylmer comme lieu de transbordement de marchandises accéléra son développement. La route d’Aylmer, lien entre Aylmer et Hull, devient l’axe le long duquel s’établirent les premiers colons[9]. » Robert Conroy profite de ces installations en s’associant au neveu de Philemon Wright, Charles Symmes, qui « […] peut être à bon droit considéré comme le fondateur de la ville d’Aylmer[10]. » Conroy se porte finalement acquéreur de L’abord-à-Symmes quelques années plus tard[11].

En outre, Robert Conroy ne lésine pas sur le travail. Déjà, en 1834, Robert Conroy érige son premier hôtel, le Aylmer, à proximité des bâtiments construits sur la rue Principale en 1822 par les Wright pour Charles Symmes[12]. À la fin des années 1830, Robert Conroy entreprend la construction de son fameux hôtel British[13] « […] à l’époque où Bytown n’avait alors qu’une simple cabane en bois rond comme hôtel, près du pont des Sapeurs[14]. » L’hôtel British est un haut lieu d’activités dans le village d’Aylmer, servant autant pour les soirées mondaines que d’église, d’école, de salle d’assemblée au premier conseil municipal et, temporairement, de Cour supérieure du district d’Ottawa. Par ses hôtels, Robert Conroy joue un rôle politique important dans la région en plus d’être un acteur imposant dans le recrutement et l’établissement de la main-d’œuvre et des colons[15].

C’est à partir de 1848 que la famille Conroy délaisse en partie ses opérations hôtelières[16] pour profiter de l’essor de l’industrie forestière et de l’activité fluviale sur la rivière des Outaouais[17]. Entre 1840 et 1850, Robert Conroy ne détient toujours aucune limite forestière[18], malgré le fait qu’il soit un négociant de bois et un marchand (lumberer[19]) ayant rapporté de nombreux radeaux de bois sur la rivière des Outaouais. En fait, il profite des concessions forestières du magnat de l’industrie du bois, John Egan, dans les comtés de Renfrew (Canada-Ouest) et du Pontiac (Canada-Est)[20]. À Bonnechère[21], dans le comté de Renfrew, Conroy aménage un quai d’embarquement et un magasin-entrepôt qui donnent accès aux limites forestières de Egan[22]. Le quai permet alors d’acheminer le bois jusqu’au bas des rapides des Chats sur la rivière des Outaouais[23]. Les bateaux à vapeur s’affairent à remorquer les radeaux de bois assemblés en amont du lac Deschênes. Grâce aux vastes limites forestières de la famille McConnell et de John Egan ainsi que ses liens avec les marchands de la région, Robert Conroy se démarque dans l’acheminement des ressources forestières de l’Outaouais.

Par ailleurs, Robert Conroy est du groupe de bâtisseurs d’Aylmer en devenant un actionnaire important dans les entreprises locales. Il s’implique financièrement auprès des marchands locaux en développant, entre autres, l’Aylmer Union Steam Mill Company[24], l’Aylmer Bakery[25], l’Upper Ottawa Steamboat Company[26] et The Bytown & Aylmer Union Turnpike Company[27]. Cette dernière voit au financement du projet de reconstruction et d’entretien du chemin d’Aylmer qui génère des profits grâce à deux postes de péage. Cette route macadamisée[28] relie les auberges Conroy d’Aylmer au pont de l’Union à Bytown (Ottawa)[29]. Un service de diligences y circule ce qui fait des établissements Conroy l’un des premiers groupes à offrir un service permanent de transport dans la région[30].

Cependant, le succès ne sourit pas toujours à Robert Conroy. Par exemple, en 1854, il se joint, à titre d’actionnaire, au projet du Montreal & Bytown Railway qui envisage d’instaurer une ligne de chemin de fer reliant Montréal à Bytown par la rive nord de la rivière des Outaouais[31]. La malchance et les difficultés financières de cette compagnie à charte conduisent à l’abandon de la construction de cette ligne de chemin de fer[32]. Montreal & Bytown Railway n’a réussi qu’à bâtir le tronçon Carillon-Grenville à la fin des années 1850[33].

À cette époque, la diversification économique est une mesure essentielle pour protéger les négociants du bois devant l’incertitude des marchés extérieurs où les investissements sont sujets aux soubresauts de l’offre et de la demande. « Étant donné la forte stratification des groupes économiques dans la région, quelques membres se révèlent plus en mesure que d’autres de se protéger : certains font face à la faillite, d’autres à la misère[34]. » Les Conroy savent faire preuve de stratégie en élargissant leur inventaire foncier par l’acquisition de propriétés dans le comté d’Ottawa (Canada-Est), de Nepean, de Renfrew et d’Hasting (Canada-Ouest)[35]. La prospérité de Robert Conroy et de sa famille devient évidente, quand, en 1855, ils aménagent une des résidences de pierre des plus prestigieuses à Lakeview, au cœur du village d’Aylmer[36].

Dès 1857, la famille Conroy prend possession d’un vaste ensemble de terres riveraines du patrimoine de la famille McConnell, près des rapides Deschênes, sur le premier rang du canton de Hull, parmi les territoires les plus parcourus par les voyageurs naviguant sur la rivière des Outaouais depuis plusieurs siècles. Ces propriétés, situées le long des chemins d’Aylmer et de Vanier, sont traversées par les routes principales qui assurent le mouvement migratoire vers le nord et l’ouest de la région de l’Outaouais. De plus, ils possèdent également deux grandes fermes[37], des scieries, une meunerie, des logements de location pour les travailleurs[38], un inventaire de magasins-entrepôts, des hôtels à Aylmer, des actions dans les entreprises locales et des quais d’embarquement sur le lac Deschênes[39]. Ainsi, Robert Conroy a, en un coup d’œil, un regard sur les groupes de voyageurs descendant ou remontant l’Outaouais supérieur à partir de L’abord-à-Symmes ou aux rapides Deschênes. Donc, par l’acquisition des différents lots du premier rang, les Conroy s’assurent de la rentabilité de leurs entreprises et d’un héritage à léguer à leurs enfants.

Le parcours de Robert Conroy ne s’arrête pas là. En plus d’exercer un rôle majeur sur l’économie d’Aylmer et de la région de l’Outaouais, il s’investit en politique municipale. À cette époque, Aylmer devient le premier village incorporé de la région, avant Hull et Bytown. Conroy fait partie du premier conseil municipal à titre d’échevin entre 1847 et 1849. Il en devient maire, de 1857 à 1860, puis à nouveau conseiller de 1860 à 1862 et, enfin, il est réélu maire en janvier 1866 jusqu’à sa mort, le 5 avril 1868, à l’âge de 58 ans. Il repose désormais au cimetière Bellevue.

Ainsi, durant la première partie du 19e siècle, Robert Conroy contribue au développement de l’industrie forestière, des voies de communication et du réseau de transport en Outaouais. Bref, ce fin renard a su faire fructifier ses actifs où plusieurs ont échoué. Il demeure qu’il n’aurait pu arriver à se démarquer dans l’économie régionale sans l’appui de son épouse, Mary McConnell, et de sa belle-famille. En outre, il a su collaborer avec l’élite locale pour tirer son épingle du jeu.

Le décès de Robert Conroy et de plusieurs bâtisseurs d’Aylmer, en 1868, va marquer la fin de l’âge d’or de cette petite communauté riveraine sans pour autant marquer la fin de la famille Conroy à cet endroit. La veuve, Mrs Robert Conroy, et ses enfants sauront faire valoir leur savoir-faire et leur sens de l’initiative, ce qui mènera l’Outaouais à l’aube de sa plus grande période d’industrialisation.

Par Lynne Rodier et Sophie Tremblay

NOTES

[1] Pommainville, Les bateaux à vapeur d’Aylmer, p. 30.

[2] Gourlay, The Ottawa Valley, p. 172.

[3] Wilson, A history of old Bytown and Vicinity, p. 67.

[4] Guitard, Quartier de Deschênes, p. 8.

[5] Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 23.

[6] Howes, The Descendants of Robert McConnell & Eleanor McDonald.

[7] Gard, Pioneers of the Upper Ottawa.

[8] Taché, Nord de l’Outaouais, p. 204 ; Leroux L’autre Outaouais, p. 113 ; Pommainville, Les bateaux à vapeur d’Aylmer, p. 30-33 ; Bégin, Le chemin et le «port» d’Aylmer, p. 6.

[9] Aldred, Le Chemin d’Aylmer, p. 25.

[10] Taché, Le Nord de l’Outaouais, p. 203.

[11] BAnQ, P154, D8, Inventaire d’évaluation de R & W Conroy’s Real Estate, Will Property and Timber Limits, 30 novembre 1883 ; Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 23 ; Beaulieu, Leclerc et Lapointe, Aylmer et l’industrie du bois de sciage, p. 36

[12] Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 24.

[13] Blair, Villes et villages de la région de la Capitale nationale, p. 56 ; Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[14] Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 26.

[15] Tiré du journal Ottawa Citizen : « The following gentlemen, resident in the neighbourhood will furnish on application all needful advice and information; and they have undertaken to give the fullest direction to Emigrants, whether their subject be labour or settlement; – Joseph Aumond, Esq. Bytown; Messrs, C & R McDonnell, do; John Egan & Co., Aylmer; John Foran, Esq.; Robert Conroy, Esq., do; […] dans Reid, Upper Ottawa Valley, p. 168.

[16] Sur l’enregistrement de baptême de Charlotte Anne Conroy, la mention Tavern Keeper est rayée dans le registre paroissial de l’église Saint James. Saint James, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 129.

[17] Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 37.

[18] Reid, The Upper Ottawa Valley to 1855, p. lxvi.

[19] Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 129.

[20] Lee, The Lumber Kings & Shantymen, p. 27 ; Reid, Upper Ottawa Valley, p. 168.

[21] Dans Lee, The Lumber Kings & Shantymen, p. 27 : John Egan a deux scieries sur la rivière Bonnechère dans le comté de Renfrew et une autre à Quyon dans le comté du Pontiac. Ces deux localités ont accès aux quais de transbordement de Robert Conroy et aux services des bateaux à vapeur naviguant du bas des rapides des Chats jusqu’à Aylmer.

[22] Reid, Upper Ottawa Valley, p. 168.

[23] BAnQ, P154, D6/1, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879.

[24] Beaulieu, Leclerc et Lapointe, Aylmer et l’industrie du bois de sciage, p. 35.

[25] La construction du moulin à farine introduit l’usage industriel de la vapeur à Aylmer. Les actionnaires sont Robert Conroy, John Egan, Charles Symmes et Harvey Parker, dans Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[26] Pommainville, Les bateaux à vapeur d’Aylmer, p. 31.

[27] Robert Conroy détient toujours des actions dans cette compagnie à son décès en 1868. BAnQ, P154 D6, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879.

[28] Les procédés de macadamisage consistaient à poser une fine couche de pierre concassée sur la route afin de former une surface de gravier bien tassé permettant de garder l’assiette de la route sèche et solide en tout temps. Dans Aldred, Le chemin d’Aylmer, p. 33.

[29] Aldred, Le chemin d’Aylmer, p. 31 ; Ville d’Aylmer, Symmes, p. 15.

[30] Bégin, Le chemin et le « port » d’Aylmer, p. 6.

[31] Reid, The Upper Ottawa Valley to 1855, p. lxxxvii-lxviii.

[32] Ibid.

[33] Ibid.

[34] Gaffield, L’histoire de l’Outaouais, p. 137.

[35] BAnQ, P154, D6/1, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879 ; BAnQ, P154, D7, Transfert des propriétés de l’inventaire Mary McConnell à Robert H. et W. J. Conroy, 27 septembre 1880 ; BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr, James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hughes Conroy & William Jackson Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887.

[36] Aldred, Aylmer, Québec, p. 56 ; Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[37] BAnQ, P154, D6/1, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879 ; BAnQ, P154, D7, Transfert des propriétés de l’inventaire Mary McConnell à Robert H. et W. J. Conroy, 27 septembre 1880 ; BAnQ, P154, D7, Deed of sale, Maria Jane Conroy, John Nelson, Mary Conroy, John S. Dennis jr, James Conroy, Eleanor Conroy, Alfred Driscoll and Ida H. L. Conroy to Robert Hughes Conroy & William Jackson Conroy, registered in the County of Ottawa, Vol. 9, A, 7th day of May 1887.

[38] Ibid.

[39] BAnQ, P154, D6/1, Inventaire après décès de Robert Conroy, 1879 ; BAnQ, P154, D7, Transfert des propriétés de l’inventaire Mary McConnell à Robert H. et W. J. Conroy, 27 septembre 1880.

Bibliographie

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(Consulté le 16 septembre 2013).

Document d’archives

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Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Fonds de la famille Conroy, P154. Centre d’archives de l’Outaouais, Gatineau (Québec).

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, E21, S555, SS1, SSS1, PH.17A, Fonds Ministère des Terres et Forêts, Davis, Theodore, Plan of part of the Township of Hull situated on the northerly side of the Ottawa River in the Province of Lower Canada, Signé en 1802, Cartothèque, Centre d’archives de Montréal, Montréal (Québec).

Saint-James. Parish register for Saint James’s Church. Hull, Lower Canada, 1831-1853 [Parish Register 429].

La famille McConnell-Conroy

La famille McConnell-Conroy

Mary McConnell, pionnière du canton de Hull (1816-1887)

Les chutes de la Chaudière et le pont sur la rivière Outaouais, Bytown (Ottawa)- Bibliothèque et Archives Canada, c00050, MIKAN 2895118
Les chutes de la Chaudière et le pont sur la rivière Outaouais, Bytown (Ottawa)-
Bibliothèque et Archives Canada, c00050,
MIKAN 2895118

Mary McConnell naît en 1816 sur la ferme familiale de son père, William, situé sur le rang 1 du canton de Hull. Elle grandit dans les environs des chutes Chaudières à proximité du réseau des sentiers des trois portages. Elle est d’ailleurs de la première génération de McConnell à naître dans le canton de Hull au Bas-Canada. Elle épouse Robert Conroy en 1837. Il est inusité de commencer une histoire de famille par l’histoire de la mère. D’ailleurs, Chad Gaffield remarque : « Et même si, dans les documents officiels, le crédit en est généralement attribué au chef de famille, il ne faut pas oublier que la réussite, dans le domaine de la terre et de la forêt, doit être attribuée à la famille tout entière[1]. »

À la lecture des documents légaux du fonds d’archives de la famille Conroy à la BAnQ de Gatineau, nous remarquons rapidement que Mary McConnell joue un rôle pilier dans l’essor des industries à Deschênes. Elle ne se distingue pas des autres femmes d’affaires nées au Bas-Canada. « Outre le soin des enfants, elle joue un rôle de premier plan dans le maintien des relations familiales et sociales et prend en charge, comme les autres, de la conduite des affaires de son mari[2]. » Malheureusement, il reste peu de traces qui prouvent de l’implication de Mary McConnell dans les affaires de la famille Conroy.

Traces du patrimoine de la famille McConnell

Le chemin McConnell et quelques bâtiments historiques le long du chemin d’Aylmer font toujours partie des traces du patrimoine de cette famille pionnière. La maison McConnell, rappelle la croissance d’une zone agricole stable dans le canton de Hull. La famille McConnell est considérée parmi les personnes qui ont contribué à l’essor du canton de Hull. Le bâtiment historique ci-dessous construit vers 1850, est la maison de William H. McConnell, le frère de Mary. Il est un exemple typique des maisons de ferme construites par les descendants des premiers pionniers[3]. Il y a aussi sur le chemin d’Aylmer la maison James McConnell (oncle), et celle de son fils, Richard (cousin de Mary), qui est aussi étroitement associé en affaires à la famille Conroy.

Patrimoine de la famille McConnell

Ferme McConnell, Aylmer, Gatineau  MRC : Gatineau  Reférence : 000070  Cote archives : V006/0006  Source : Section gestion des documents et des archives de la Ville de Gatineau  No fiche : 5066 Cette maison de ferme fut construite par William H McConnell fils au cours des années 1850. (Coup de coeur, 2006; Aldred, 1994, p. 146.)
Ferme McConnell,
Aylmer, Gatineau
Reférence : 000070
Cote archives : V006/0006
Source : Section gestion des documents et des archives de la Ville de Gatineau
No fiche : 5066

Le cimetière Bellevue (cimetière de l’Ouest ou cimetière Conroy) fait partie de l’inventaire immobilier de la famille Conroy de 1872 à 1902. Cette partie du cimetière est directement en face de la maison McConnell sur le côté sud du chemin d’Aylmer[4]. Le cimetière a maintenant besoin de soin pour lui redonner son air d’antan. Plusieurs pierres tombales sont brisées ou ont besoin d’être remises à niveau.

Cimetière Bellevue, chemin d'Aylmer. 2014, Collection Lisa Mibach
Cimetière Bellevue, chemin d’Aylmer.
2014,
Collection Lisa Mibach

Brasser les affaires à l’ouverture de la région : la famille McConnell

Le père de Mary, William McConnell, est du groupe d’associés au chef du canton de Hull, Philemon Wright. Il y développe une grande ferme qui est fondamentale aux pionniers qui doivent assurer leur autonomie alimentaire en région de colonisation. Les surplus sont transformés en farine, en pain, en produit laitier ou en animaux de boucherie. Ces biens sont acheminés vers les chantiers forestiers, les postes de traite et les nouveaux lieux de colonisation de la région de l’Outaouais.

Hull, Bas-Canada Vue sur la rivière des Outaouais à la chute des Chaudières.En arrière plan, on aperçoit les fermes riveraines le long du chemin d'Aylmer. (1830) Source : Archives of Ontario, C 10006. Thomas Burrowes fonds. Hull, on the Chaudière Falls [1830].
Hull, Bas-Canada
Vue sur la rivière des Outaouais à la chute des Chaudières.En arrière plan, on aperçoit les fermes riveraines le long du chemin d’Aylmer.
(1830)
Source : Archives of Ontario, C 10006. Thomas Burrowes fonds. Hull, on the Chaudière Falls [1830].

Le rang 1 du canton de Hull

Mary McConnell grandit sur le rang 1 parmi les territoires les plus connus des trappeurs, des voyageurs, des missionnaires, des marchands et des explorateurs naviguant sur la rivière des Outaouais depuis plusieurs siècles. Ces terres sont ponctuées de lieux de portage imposant de nombreux efforts physiques des voyageurs. Il est aussi le seul rang qui a directement accès aux ressources hydrauliques en dehors de la sphère d’influence de Philemon Wright dans le canton de Hull. Les trois frères McConnell (James, William et George) détiennent plusieurs lots sur les rangs 1 et 2, d’ailleurs, le chemin McConnell est tracé à la limite nord du rang 2.

Établissement du canton de Hull
BAnQ, Plan of part of the Township of Hull situated on the northerly side of the Ottawa River in the Province of Lower Canada. Theodore Davis – 1802 – Fonds Ministère des Terres et Forêts; Cote: E21,S555,SS1,SSS1,PH.17A.

À la frontière entre la fourrure et le bois

Les McConnell ont le privilège d’avoir accès à la rivière des Outaouais par le lac Deschênes et à deux routes hautement fréquentées (ch. Aylmer et ch. Vanier) en plus du sentier (ch. Rivermead) menant à la tête des rapides Deschênes où se trouve une scierie et des moulins appartenant à un mystérieux Ithamar Day, marchand indépendant de fourrures de l’ancienne compagnie : Compagnie du Nord-Ouest (CNO). D’ailleurs, le verso du 0,05$, le castor, est la marque de commerce de la CNO.

Blason de la Compagnie du Nord-Ouest Montréal, Compagnie fondée en 1783
Blason de la Compagnie du Nord-Ouest,
Montréal,
Compagnie fondée en 1783.

Exploitants des ressources forestières

James et William McConnell ont aussi un magasin-entrepôt sur le lot 14 près des rapides Deschênes où, en 1832, l’arpenteur général du Bas-Canada, Joseph Bouchette, qualifie les lieux comme un des 2 endroits idéaux, l’autre étant Aylmer, pour y installer le premier village du canton de Hull[5]. Ce magasin répond surtout aux besoins des résidents et des voyageurs en transit sur les sentiers entre les trois lieux de portage dans les environs de la chute des Chaudières. D’autant plus, le magasin-entrepôt de James et de son frère, William McConnell profite de l’achalandage sur le lot voisin où il y a une scierie et le poste de traite McGillivray & Day aux rapides Deschênes. Le magasin-entrepôt aux rapides Deschênes et les concessions forestières atteignant le lac Témiscaminque sont à proximité des postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH). Cette situation rappelle des rivalités entre les marchands indépendants de l’ancienne CNO de Montréal et de sa rivale britannique, CBH, en plus, que l’exploitation forestière ne se limite pas qu’au bois en Outaouais. D’ailleurs, c’est le gouverneur de la Compagnie de la Baie d’Hudson, George Simpson,  qui affirme : « Every lumber Contractor and Labourer is a Trader.[6]».

Bibliothèque et Archives Canada : C-002772 Crédit : BAC, No. Acc. 1989-401-4
Groupe de voyageurs autour d’un camp de feu ca. 1870
Source : Bibliothèque et Archives Canada C-002772
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada Acc. No. 1989-401-4

Le bois et la fourrure

Il y a tout pour croire que la fourrure maintient davantage son importance devant la production agricole et l’industrie du bois pour la famille McConnell. William, père de Mary, et son oncle, James McConnell, succèdent à Ithamar Day qui quitte définitivement la région en 1831[7]. Day cède ses droits sur la partie ouest de lot 15, rang 1, à son fils, Charles Dewey Day. Ce dernier devient un des juges les plus marquants de l’histoire canadienne ayant entre autres, participé à la rédaction du Code civil du Bas-Canada et transformé l’instruction publique au Canada. Enfin, les marchands de fourrure laissent peu de traces des transactions menant à de bonnes affaires. Il est alors difficile de suivre leur passage dans la région.

Commission ayant pour mandat de codifier les lois du Bas-Canada (vers 1865). De gauche à droite : Joseph Ubald Beaudry, Charles Dewey Day, René-Édouard Caron, Augustin-Norbert Morin et Thomas McCord. Musée McCord  MP-0000.1815.2
Commission ayant pour mandat de codifier les lois du Bas-Canada (vers 1865). De gauche à droite : Joseph Ubald Beaudry, Charles Dewey Day, René-Édouard Caron, Augustin-Norbert Morin et Thomas McCord.
Musée McCord
MP-0000.1815.2

Mary McConnell et les rapides Deschênes

Il demeure que Mary McConnell a vu de près le développement de la fourrure en Outaouais au début du 19e siècle, y étant exposée, directement ou indirectement, depuis sa tendre enfance. Sa proximité avec l’exploitation de la fourrure en Outaouais se confirme aussi par le fait que Mary McConnell ait conservé la pétition opposant son oncle James à Ithamar Day dans ses archives. La pétition mène à la lettre patente donnant les droits de propriété des rapides Deschênes à son oncle, James, et à Charles Dewey Day. Mary McConnell conserve les originaux des deux lettres patentes qui partagent en deux le lot 15, rang 1, canton de Hull aux rapides Deschênes, dont la copie originale de Charles Dewey Day, signée par le gouverneur général en chef, comte de Gosford, est conservée parmi les documents légaux de la famille Conroy. La copie brouillon de la lettre patente de son oncle James McConnell est signée par un l’arpenteur général attitré à la colonisation dans la région de l’Ottawa.

Rapides des Chats, près d'Ottawa. ca. 1838-1841. Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2896108.
Rapides des Chats, près d’Ottawa.
ca. 1838-1841.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2896108.

Robert Conroy : L’époux de Mary McConnell

Le jeune irlandais énergétique, Robert Conroy, en compagnie des frères, Edward et Murdoch, McGillivray, tous trois des marchands de Montréal, arrivent à Bytown au début des années 1830[8]. Ces trois hommes célibataires sont aussi de l’ancienne CNO, fusionnée à la Compagnie de la Baie d’Hudson depuis 1821. Edward McGillivray, le premier maire de Bytown, et son frère, Murdoch, sont magasiniers sur la rive nord du lac Deschênes, non loin des rapides (lot 15-b ou lot 16). Murdoch McGillivray opère les entreprises Day & McGillivray qui comprend le poste de traite de Deschênes. Ce dernier est établi dans le canton de Nepean sur la rive sud des rapides Deschênes.

View from Wellington Street, Upper Bytown ca. 1845.  Thomas Burrowes, Painting of a view from Wellington Street, Upper Bytown, ca. 1845. Thomas Burrowes fonds.  Archives of Ontario, C 1-0-0-0-10.
View from Wellington Street, Upper Bytown
ca. 1845.
Thomas Burrowes,
Painting of a view from Wellington Street, Upper Bytown, ca. 1845.
Thomas Burrowes fonds.
Archives of Ontario, C 1-0-0-0-10.

Le bois et le canot de traite

Quant à Robert Conroy, il s’établit à Aylmer à la même époque que John Egan avec qui, Conroy se lance dans le commerce du bois. Ainsi, Robert Conroy est en lien étroit avec des marchands profitant de l’essor des ressources forestières en Outaouais. De plus, on sous-estime souvent le rôle de la fourrure dans l’essor économique de l’Outaouais durant la première partie du 19e siècle. Le canot de traite prend pourtant de son importance et le premier groupe de pionniers préfère toujours ce mode de transport pour se rendre à Montréal[9]. C’est dans ce contexte que Robert Conroy vient à épouser Mary McConnell en 1837.

Canots de la Compagnie de la Baie d'Hudson aux rapides des Chats.  1838. Aquarelle avec raclage et touches d'encre noire sur crayon sur papier vélin. Bainbrigge, Philip John, 1817-1881. BAC- MIKAN no. 2895632
Canots de la Compagnie de la Baie d’Hudson aux rapides des Chats.
1838.
Bainbrigge, Philip John, 1817-1881.
BAC- MIKAN no. 2895632

 Les pelleteries à l’arrivée de Robert Conroy en Outaouais

Il faut admettre que James McConnell quitte définitivement le domaine des pelleteries, lors du décès accidentel (noyade : rivière des Outaouais) de son fils aîné, aussi appelé James, en 1847. Quant à William McConnell, père, et Robert Conroy, ils entretiennent toujours des liens avec Murdoch McGillivray comme le révèle indirectement McGillivray dans son témoignage de la pétition opposant Charles Dewey Day à James McConnell. Cette pétition s’échelonne s’étire de 1831 à 1857, et se conclut six ans après le décès de James McConnell, père, au moment où Mary McConnell prend possession dans un contexte litigieux la partie est du lot 15 aux rapides Deschênes.

Les débuts de Robert Conroy à Aylmer coïncident aussi à l’essor de la navigation à vapeur sur l’Outaouais. Pour citer Richard Bégin : «Le service de bateaux va littéralement lancer le développement d’Aylmer[10]. » Dans le Nord de l’Outaouais, Louis Taché nous apprend que la jeune communauté riveraine d’Aylmer prend rapidement l’allure d’un port de mer déjà occupée par la Compagnie de la Baie d’Hudson qui fait des bords du lac Deschênes le point de départ de tout l’approvisionnement de ses postes de l’Outaouais[11]. La noce de Mary McConnell et de Robert Conroy associe alors une famille pionnière bien établie à une deuxième vague d’immigration britannique dont plusieurs pionniers sont de l’élite marchande de Montréal.

Robert Conroy, Bibliothèque et Archives nationales du Québec Cote : P137,S4,D11,P21 P137 Fonds Famille Foran S4 Catherine Francis Kearney-Foran Centre : Gatineau Titre, Dates, Quantité Robert Conroy / Ellisson & Co., Quebec . - 1863 - 1 photographie(s) : épreuve "carte de visite", sépia ; 6 x 10 cm Autres formats Numérique. TermeCONROY, ROBERT, 1811-1868
Robert Conroy (1811-1868),
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Cote : P137,S4,D11,P21
Fonds Famille Foran
Centre : Gatineau
– 1863

Associations d’affaires de la famille McConnell-Conroy

Nul ne peut douter que l’histoire de la famille Conroy nous permette de comprendre que les bâtisseurs ne travaillent jamais seuls. Cette collaboration entre les pionniers est le pivot fondamental de leur réussite dans le domaine de la colonisation et de l’essor économique de la région sur les deux rives de l’Outaouais. D’ailleurs, Robert Conroy s’associe à des marchands bien connus dès son arrivée dans la région. Loin d’être étranger au commerce des fourrures par son association aux frères McGillivray et les frères McConnell, ce jeune entrepreneur ambitieux ne tarde pas à se joindre en affaires au neveu de Philémon Wright, Charles Symmes, dans des entreprises de transport et de commerce à L’abord-à-Symmes où se trouve une auberge en pierre (Auberge Symmes), un quai de débarquement et un magasin-entrepôt. La vapeur sert bien ces commerçants. D’ailleurs, Charles Symmes est considéré de plein droit comme le fondateur du village d’Aylmer.

L'auberge Symmes. Gravure par W. H. Bartlett, 1842.  (Source - collection privée)
L’auberge Symmes. Gravure par W. H. Bartlett, 1842.
(Source – collection privée)

Le monde politique

La famille Conroy est aussi étroitement associée à celle de John Egan qui lui est le premier maire d’Aylmer et plus tard, député à l’Assemblée nationale. À partir de 1843, Robert Conroy est échevin sur le conseil municipal et plus tard, maire, d’Aylmer. Quant à Mary McConnell, elle saura capter l’attention de journalistes de l’époque par sa voix que l’on acclame lors de soirées mondaines à l’hôtel British[12].

John Egan, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P137,S4,D11,P4. Fonds de la famille Foran
John Egan,
Bibliothèque et Archives nationales du Québec,
P137,S4,D11,P4.
Fonds de la famille Foran

Essor des entreprises locales

Dès 1839, Robert Conroy se joint à l’élite locale en investissant dans la construction d’un moulin à farine fonctionnant à la vapeur, le Aylmer Bakery[13]. Il déteint aussi des actions dans la Upper Ottawa Steamboat Company qui sert à « Faire essentiellement la navette entre Aylmer et Fitzroy Harbour, sur l’autre rive, et pour servir à des travaux de remorquage[14]. » Une autre entreprise regroupant un groupe d’actionnaires d’Aylmer dont fait partie la famille Conroy est The Bytown & Aylmer Union Turnpike Company qui voit à la reconstruction du chemin d’Aylmer alors relégué aux routes boueuses difficilement carrossables. Cette route est macadamisée[15] et elle relie les auberges Conroy d’Aylmer au pont de l’Union (pont des Chaudières) à Bytown (Ottawa)[16]. Les actionnaires profitent des tarifs des postes de péage pour rentabiliser leur investissement. À l’échelle régionale, Robert Conroy se joint à des hommes d’affaires de la région et de la communauté francophone de Montréal dans l’entreprise du chemin de fer : Montreal & Bytown Railway. Cette ligne de chemin de fer prévoit relier Montréal à Bytown par la rive nord. La malchance et les difficultés financières de cette compagnie à charte conduisent à l’abandon la compagnie à charte responsable de sa construction à la fin des années 1850, n’ayant mis en service que le tronçon entre Grenville et Carillon en 1854.

La rue Bancroft, Aylmer 1860. On y voit notamment la première église Saint-Paul (chemin Eardley), la maison Foran, la meunerie d’Aylmer et le magasin général de Charles Devlin.
Source : Bibliothèque et archives Canada.

Patrimoine de la famille Conroy

Ainsi, l’importance du patrimoine de la famille Conroy démontre de la situation économique privilégiée d’une des familles fondatrices du secteur Aylmer à Gatineau. En suivant les traces de leur patrimoine, il est permis de faire un retour sur les moyens que prend la famille Conroy pour brasser les affaires en région de colonisation au 19e siècle. Il se trace alors  une histoire de famille à travers les traces de leur patrimoine. Ainsi, dans le cadre du prochain article de la série Bâtisseurs de l’Outaouais, est de voir aux traces du patrimoine qui nous amènent vers des récits peu connus de l’histoire de Gatineau, de l’Outaouais, du Québec et voir même, du Canada.

Scenes on the Ottawa. Lumbering. Views of Aylmer, P.Q. vol.XVIII, no. 10. 152-153
Scenes on the Ottawa. Lumbering. Views of Aylmer, P.Q.
Canadian Illustrated News , vol.XVIII, no. 10. 152-153
La résidence de la famille Conroy, Lakeview, est situé en bas de l’image à gauche.

Notes et références

[1] Chad Gaffield, L’histoire de l’Outaouais, p. 136.

[2] Denyse Baillargeon, Brève histoire des femmes au Québec, Boréal, Montréal (Québec), 2012, p. 50.

[3] Lieux patrimoniaux du Canada, Maison McConnell, Commission de la capitale nationale (CCN). http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/place-lieu.aspx?id=11396

[4] Diane Aldred, Chemin d’Aylmer, p. 144-145.

[5] Bouchette, Dictionnaire topographique de la province du Bas-Canada.

[6] Michael Newton, « Some notes on Bytown and the fur trade », The Historical Society of Ottawa, Bytown Pamphlet series. No 5, 1991.

[7] The McConnell brothers on the Aylmer Road were a threat to the HBC fur trade with their large lumbering operations which by 1836 had reached the foot of Temiscaming Lake, This family posed a further danger, for the McConnells had always traded furs on the side and when settled in Opinika Lake, just below Lake Temiscamingue, both Cameron and (governor) Simpson were convinced that their new venture was merely a cover for their designs on the Fort’s trade. Not surprisingly, the McConnells succeeded Ithamar Day as owners of lot 15 range 1 Hull Township – The Deschênes Rapids Post – when Day quit the trade in the 1830s. Dans : Michael Newton, « Some notes on Bytown and the fur trade », The Historical Society of Ottawa, Bytown Pamphlet series, No 5, 1991, p. 9.

[8] « We shall endeavour to mention some of the old stock of British extraction, that were among the first pioneers of old Norwester Cork, and Mr. Conroy, of old Bytown, these two came here in 1826. E. (Edward) McGillivray and his brother (Murdoch) came in 1835. » Dans : Andrew Wilson, « A history of old Bytown and Vicinity, now the City of Ottawa. » Daily News, 1876.

[9] « The early settlers had to canoe it to Montreal for their goods. Honeywell is said to have gone and returned alone more than once. This must have taken all a man’s ability to get a canoe up the Rapids with the lightest load, while he waded in the edge of the stream, and kept his frail bark from being broken on the rocks. We can fancy the Moores, Honeywells, McConnells, etc., going in pairs or companies with ease and success, but we pity the man who would do the thing now. » Dans : Gourlay, History of The Ottawa Valley (1896), p. 200.

[10] Richard Bégin, « Le chemin et le port d’Aylmer : la voie de l’Outaouais supérieur », Histoire Québec, vol. 11, no 1, 2005, p. 6.

[11] Louis Taché, Nord de l’Outaouais, p. 203.

[12] Voir : Anson Gard.

[13] Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[14] Richard Bégin, « Le chemin et le port d’Aylmer : la voie de l’Outaouais supérieur », Histoire Québec, vol. 11, no 1, 2005, p. 3.

[15] « Les procédés de macadamisage consistaient à poser une fine couche de pierre concassée sur la route afin de former une surface de gravier bien tassé permettant de garder l’assiette de la route sèche et solide en tout temps. » Dans Aldred, Le chemin d’Aylmer, p. 33.

[16] Aldred, Le chemin d’Aylmer, p. 31 ; Ville d’Aylmer, Symmes, p. 15.

L’influence de Robert Conroy en Outaouais

L’influence de Robert Conroy en Outaouais

L’arrivée de Robert Conroy en Outaouais

Dès son arrivée à Aylmer durant les années 1830, Robert Conroy se tisse des liens avec les hommes d’affaires et les propriétaires terriens de l’ouest du canton de Hull. En 1837, Robert Conroy qui est né en 1811 à Magherafell, Comté de Derry, Irlande[1] épouse Mary McConnell. Cette noce associe Robert Conroy à une famille pionnière bien établie dans le canton de Hull. Il n’y a que des hypothèses pour expliquer la venue de Robert Conroy, cependant Gourley affirme que son lieu d’origine est son « calf ground[2] » où l’économie repose surtout sur l’agriculture et les grandes propriétés terriennes réservées principalement à l’élite protestante.

Au cours des années 1830, il s’établit dans la petite communauté riveraine à l’ouest du lac Deschênes sur le lot 21 du rang 2 de Charles Symmes, le neveu de Philémon Wright. Dès son arrivée à Aylmer, Robert Conroy se tisse des liens avec les hommes d’affaires et les propriétaires à l’ouest du 2e rang du canton de Hull. « En louant un hôtel de Charles Symmes [fondateur d’Aylmer] et en épousant une McConnell, Robert Conroy fut dès le début en contact étroit avec l’élite locale naissante[3] ».

À son arrivée dans le canton de Hull, Robert Conroy est témoin du déclin du commerce de la fourrure au profit de l’industrie du bois[4]. Il prend à sa charge l’hôtel de Charles Symmes et l’aménage avec son épouse Mary McConnell. Robert Conroy se place alors en position avantageuse pour entretenir des liens privilégiés contribuant ainsi à l’essor économique et politique de l’Outaouais. En plus de s’associer aux grands propriétaires fonciers et marchands de la famille McConnell, Robert Conroy établit des relations durables avec Charles Symmes et John Egan dans diverses entreprises de développement local allant de la voirie, au transport et au développement manufacturiers.

Au cours des années 1840, il devient évident que la famille Conroy est au centre des activités des aspirants bâtisseurs de l’ouest canadien veillant autant à l’essor de leur communauté qu’à établir un réseau de communication efficace favorisant leur localité dans la Province du Canada. « D’un autre point de vue cependant, les modes d’immigration, de colonisation et d’activité économique donnent lieu à des positions et des priorités distinctes qui, à leur tour, sont aussi bien source de conflit que de coopération[5] ». Les communautés sur les deux rives de la rivière des Outaouais rivalisent hardiment leur position stratégique, économique et politique dans la province coloniale[6]. Les bâtisseurs d’Aylmer se joignent alors en un réseau local et interfamilial pour établir des relations commerciales et politiques avec les marchands et les politiciens de la région de l’Ottawa (Outaouais), de Montréal et de la Grande-Bretagne.

Les débuts d’Aylmer au Symmes Landing

Robert Conroy gère avec Charles Symmes diverses entreprises de la communauté naissante. Une première route est construite en 1820. Elle relie déjà les installations de Philemon Wright au débarcadère naturel paisible du lac Deschênes sur la rivière des Outaouais en amont des trois portages des chutes Chaudières. Les Entreprises Philemon Wright et fils y ont installé la ferme Chaudière sur les rives du lac Deschênes. Les Wright ne priorisent pas le développement de cette grande ferme de l’ouest se concentrant davantage sur leurs installations aux chutes des Chaudières. Au décès de Philemon Wright fils en 1821, Charles Symmes, neveu du fondateur du canton de Hull, se voit confier le développement de la ferme Chaudière.

L’état de la route entre les chutes et la ferme Chaudière laisse à désirer éloignant ainsi Charles Symmes de la sphère d’influence de son oncle Philemon Wright. Ce dernier lui vend le lot 21 sur le 2e rang du canton de Hull menant directement au bout de ce chemin qui conduit vers l’ouest au lac Deschênes. Charles Symmes ne tarde pas à mettre en valeur son lot où affluent de plus en plus les voyageurs et la main d’oeuvre en transit sur l’Outaouais s’embarquant sur les nouveaux bateaux à vapeur au débarcadère qu’on appelle le Symmes Landing («L’Abord-à-Symmes »)[7]. L’acquéreur repaie les sommes exigées pour l’acquitter de sa dette, il obtient la quittance sur son hypothèque de son oncle.

Au cours de la visite de Joseph Bouchette, l’arpenteur général du Bas-Canada dans le canton de Hull en 1825, les environs de l’Abord-à-Symmes retient davantage son attention. Il suggère le site pour l’établissement du premier village du canton de Hull surclassant les propriétés de Philémon de Wright et fils aux chutes des Chaudières et au nord-est du canton de Hull.

Il demeure que Charles Symmes n’est pas seul dans ses entreprises au lac Deschênes à l’ouest du canton de Hull. Il s’associe à des partenaires faisant déjà affaires sur les rives du lac Deschênes. «Bien que Charles Symmes peut être à bon droit considéré comme le fondateur de la ville d’Aylmer, il n’en est pas moins acquis que la Compagnie de la Baie d’Hudson faisait alors des bords du lac Deschênes le point de départ de tout l’approvisionnement de ses postes de l’Outaouais[8] ». Symmes joue alors un rôle important dans le transport de la marchandise vers les postes de traite et les chantiers de l’industrie forestière naissante. Il faut aussi admettre que l’Abord-à-Symmes croît en un lieu de commerce et de transport imposant se maintenant à l’extérieur de la sphère d’influence des Wright dans le canton de Hull.

En 1831, ce futur village obtient le premier bureau d’enregistrement foncier qui est une victoire élargissant son influence et son rôle administratif de la communauté dans le comté d’Ottawa. C’est ainsi que l’on commence à nommer cette localité voisinant la ferme Chaudière des Wright en l’honneur du nouveau gouverneur du Bas-Canada, lord Matthew Whitworth-Aylmer[9]. C’est pendant cette époque qu’arrive Robert Conroy dans la région. Et encore une fois en 1832, la croissance d’Aylmer est remarquée par l’arpenteur Joseph Bouchette qui décrit ainsi le développement de cette communauté:

« A road from Chaudiere Lake, cutting at right angles the Britannia Road, leads into the back settlements, where, of course, no good roads can at present be expected: on this road few settlements are to be seen beyond the 4th and 5th ranges, from which to the 3rd range the farms progressively increase and towards the Chaudiere Lake the road passes apparently through an old-settled country [10] ». 

Symmes ne tarde pas à mettre en valeur sa propriété riveraine et à tracer les premières rues de son établissement. « Travailleur et ambitieux, il comprend l’importance de cet emplacement, à l’endroit où les voyageurs s’embarquent pour naviguer plus à l’ouest sur la « grande route » qu’est la rivière des Outaouais[11] ». Symmes s’associe à Robert Conroy et ils offrent alors des services variés aux voyageurs en transit allant de services de transport, de la vente au détail et à l’hébergement.

« Le peuplement des deux rives de l’Outaouais a fait multiplier le nombre d’embarcations qui empruntaient ce cours d’eau, et le débarcadère est devenu un point obligé pour ceux qui s’aventuraient en amont de la Chaudière[12] ». Ainsi, Aylmer se trouve à l’épicentre du transport entre l’est et l’ouest de la Province du Canada. L’augmentation du transport de la marchandise et du flux migratoire combinée aux succès des entrepreneurs d’Aylmer contribue à attirer des artisans, des journaliers et surtout, d’autres jeunes hommes ambitieux ayant un réseau d’influence avec les marchands du Bas-Canada. « Symmes Landing prit vite figure de port de mer, alors qu’il n’était guère question de Bytown, encore moins de Hull[13] ».

L’établissement de Robert Conroy à Aylmer

L’arrivée de Robert Conroy dans la région coïncide alors avec l’introduction de la vapeur sur la rivière des Outaouais. « Les bateaux à vapeur sillonnent de plus en plus les cours d’eau, commençant d’abord par les routes du lac Deschênes en 1833 et celles du lac des Chats en 1836[14] ». Robert Conroy ne tarde pas à investir dans la Upper Ottawa Steamboat Company[15]. Les premiers bateaux à vapeur permettent le passage d’un nombre croissant d’immigrants et de marchandise approvisionnant les postes de traite de la Baie d’Hudson et les chantiers forestiers en amont des Chaudières. « Ce service de bateaux à vapeur va littéralement lancer le développement d’Aylmer[16] ».

« Le service des vapeurs donna un grand coup d’épaule à l’essor commercial d’Aylmer dans les années 1830 ». L’essor économique repose sur la volonté de son élite à se maintenir au centre du réseau de communication entre l’arrière-pays et l’Est canadien sur la rivière des Outaouais. À l’époque, Aylmer est d’ailleurs un lieu de transit majeur entre l’est et le Nord-ouest américain, et ce, jusqu’à l’introduction du chemin de fer au milieu du 19e siècle. Les commerces et les premières manufactures voient aux besoins des migrants en transit vers l’ouest. Les services de transport se sont multipliés avec la croissance de la population et la permanence de l’établissement le long du chemin d’Aylmer. « La vocation d’Aylmer comme lieu de transbordement de marchandises accéléra son développement. La route d’Aylmer, lien entre Aylmer et Hull, devient l’axe le long duquel s’établirent les premiers colons[17] ».

La vapeur transforme cette communauté en modifiant les services de transport ou en fournissant l’énergie nécessaire aux premières manufactures, car Aylmer ne peut compter sur les forces hydrauliques des eaux calmes du lac Deschênes.  La vapeur contribue ainsi à la croissance des premières manufactures à Aylmer. En 1839, Robert Conroy se joint à John Egan, Charles Symmes et Harvey Parker en investissant dans la construction d’un moulin à farine fonctionnant à la vapeur, le Aylmer Bakery[18]. Les moulins à vapeur locaux fournissent les marchandises nécessaires aux travailleurs sur les chantiers et aux immigrants arrivant de Montréal s’établissant sur les terres du bassin des rivières Rideau et des Outaouais. Les premières scieries se prévalent aussi de cette énergie à Aylmer. « Si la ville d’Aylmer fut à son origine le pied-à-terre des travailleurs de la forêt, elle n’en eut pas moins ses propres scieries dont l’importance n’était alors certes pas discutable[19] ». En 1841, Aylmer compte alors 500 habitants, quatre magasins généraux, autant d’hôtels, deux boulangeries, une tannerie, une école, une église et un journal[20].

Les Auberges Conroy à Aylmer

Robert Conroy s’établit au premier auberge d’Aylmer déjà construit par les Wright pour Charles Symmes en 1822[21]. En 1834, Conroy acquiert son premier homestead[22] comprenant l’auberge d’Aylmer (Symmes), le quai de débarquement et le magasin au débarcadère du lac Deschênes[23]. Robert Conroy exploite ainsi cette confortable auberge de pierre riveraine[24] et il entreprend, la même année, la construction de son propre hôtel, la fameuse Hôtel British [25]. L’Auberge Symmes et l’hôtel British sont toujours des plus anciens bâtiments marquant le début du développement à Aylmer. À elle seule, l’hôtel British compte plusieurs bâtiments, dont l’auberge originale, l’ancienne résidence des Conroy et l’écurie en arrière. En fait, l’ensemble du bâtiment est le plus ancien hôtel canadien exploité à l’ouest de Montréal. Sur place, le voyageur bénéficie des services de location de chevaux et de voitures. À l’hôtel, il s’offre un service de diligences «confortables» opéré par Moses Holt reliant dès 1840 les auberges Conroy à Aylmer au débarcadère de Hull[26].

Alors, en plus d’être partenaire et un actionnaire dans l’établissement des manufactures et des services de transport à Aylmer, les affaires hôtelières placent la famille Conroy au cœur des activités sur l’Outaouais. En tant que Tavern Keeper[27], Robert Conroy élargit son réseau d’influence. L’hôtel British est un haut lieu d’activités dans le village d’Aylmer, servant tantôt de lieu d’affaires, d’église, d’école, de salle d’assemblée au premier conseil municipal et de Cour supérieure du district de l’Ottawa pendant son projet de construction. La famille Conroy vient qu’à cumuler un ensemble imposant de biens immobiliers en Outaouais au 19e siècle[28].

À partir de 1851, le couple Conroy loue leurs opérations hôtelières. La famille Conroy maintient toujours ses intérêts dans leurs hôtels[29] qui demeurent dans leur inventaire immobilier jusqu’en 1902. Les hôtels Conroy sont un endroit de rencontre autant pour les pourparlers économiques qu’un lieu d’actions politiques dans la vallée de l’Outaouais au 19e siècle. Cette situation assure ainsi à la famille Conroy un avenir politique et un rôle économique d’importance dans la région.

L’influence de Robert Conroy dans l’industrie du bois

Au départ Robert Conroy ne détient aucune limite forestière malgré qu’il soit un des grands négociants ramenant de vastes radeaux de bois de l’ouest vers Montréal au cours des années 1840 et 1850[30]. Robert Conroy se hisse graduellement une place en tant que négociant et marchand du bois dès 1842[31]. Il tire profit de concessions dans la vallée de la Madawaska vers 1840 et de la région de Chalk River en 1850 sur la rive sud de la rivière des Outaouais[32]. Il établit un quai d’embarquement à la pointe de Bonnechère, une région développée par son partenaire John Egan. Cette époque coïncide avec le moment où la famille Conroy se concentre davantage sur leurs activités de bois et de transport en Outaouais[33].

À Aylmer, l’importance du bois se perçoit dans les premiers plans illustrant l’évolution de la communauté à sa fondation où « l’utilisation des terrains dans le triangle formé par Front, Eardley et Charles, bien qu’une bonne partie demeure inhabitée à cause de l’empilage de bois qui occupe d’importantes superficies[34] ». Ce triangle est derrière la rue Principale qui mène au débarcadère Symmes. La rue Principale est réservée aux commerces et aux grandes demeures prestigieuses de l’élite sur le chemin Britannia (Aylmer) qui descend du troisième rang vers l’ouest à la limite des premier et deuxième rangs du canton de Hull.

Le chemin Britannia se concentre alors en un lieu de résidence de l’élite de l’Outaouais. «La majorité d’entre eux s’est fait remarquer par son énergie et sa place enviable et a laissé de superbes résidences de pierre qui constituent un caractère spécial et significatif de l’histoire économique de l’endroit[35] ». En 1855, la famille Conroy aménage une des résidences de pierre des plus prestigieuses à Lakeview au coeur du village à une distance de marche de leurs hôtels sur la rue Principale à Aylmer. « Lakeview témoigne de la prospérité de Conroy[36] ».

La famille Conroy obtient leur deuxième homestead sur le lot 15-a, rang 1 dans le canton de Hull en 1857. Ce homestead devient leur lieu de développement industriel et d’innovation technologique mieux connu sous le nom de Deschenes Mills. Robert Conroy acquiert ensuite du Shérif Louis M. Coutlée le lot 15-b sur lequel il y a une ferme et une scierie aux rapides de Deschênes en 1866[37]. Il y a aussi une fabrique de lainage vraisemblablement un moulin à foulon construit par Ithamar Day. Robert Conroy y fait construire un moulin à farine et son épouse Mary y développe une grande ferme dans les traditions de la famille McConnell dans le canton de Hull. L’influence de Robert Conroy dans l’industrie du bois de la région est indéniable malgré qu’il possède peu de titres de concession. Cette notice publiée dans le Aylmer Times, le 22 août 1856 prouve en partie de l’influence de Robert Conroy dans l’industrie forestière de la région de l’Outaouais:

Ran Away (Aylmer Times, 22 August 1856)

Public Notice is hereby given, that Francis Hilaire, Joseph Perrin, Noah Fortier, and M.A Fortier, have absconded from my employment, while the term for which they were engaged, is yet inexpired. Any person HIRING or EMPLOYING THESE MEN, will be prosecuted by the Subscriber.

Robert Conroy[38]

Le développement des réseaux de communication et de transport

Les entreprises Philemon Wright et fils investissent dans la construction de la première route reliant l’est à l’ouest du canton. « En 1818, Wright fit construire une route de Hull à Aylmer, à laquelle il donna le nom de chemin Britannia, sans doute pour affirmer son loyalisme que certains pouvaient peut-être suspecter[39] ». Le décès de Philemon Wright fils en 1821 arrête subitement les investissements à l’ouest du canton de Hull. Cette situation vient aussi bouleverser l’idée de la petite colonie reconnue pour la coopération des associés dans l’établissement du Great Township of Hull au début du 19e siècle. La majorité des Associés sont établis le long des premiers et deuxième rangs à l’ouest des établissement de Philemon Wright. Se plaignant du pauvre état des routes permettant de se déplacer, les concessionnaires de l’ouest du canton s’organisent et ils fondent la société par actions The Bytown & Aylmer Union Turnpike Company [40]. Cette société dont fait aussi partie John Egan, Joseph Aumond, Richard McConnell et Robert Conroy, achève la construction du chemin Britannia (chemin d’Aylmer) menant vers l’ouest du canton de Hull au lac Deschênes en 1850[41].Cette entreprise de voirie relie le débarquement des chutes des Chaudières près du nouveau pont d’Union au village d’Aylmer. Les actionnaires font installer deux postes de péage pour financer les frais de construction et d’entretien de cette route macadamisée et de gravier.

Les routes transversales au chemin Britannia

Les frères McConnell qui s’amènent de Québec avec le groupe d’associés de Wright prennent possession de plusieurs lots sur les rangs 1 et 2. Ils tracent le premier chemin permettant de contourner les trois portages des Chaudières. Ayant plus l’allure d’un sentier, le McConnell Lane[42] traverse les fermes de William McConnell sur le lot 14, rang 1 à l’est pour atteindre la ferme de son frère James McConnell à la limite ouest du lot 15 aux rapides de Deschênes. Ce sentier offre accès au magasin de William McConnell sur le lot 14, rang 1 qui sert surtout aux voyageurs et aux résidents.[43]

Joseph Bouchette écrit au sujet des activités de développement entrepris par les frères McConnell sur le premier rang du canton de Hull dans le dictionnaire topographique du Bas-Canada en 1832 : « lot 14 in the range also affords an advantageous site for a village, which might be built at the junction of two roads, near which there is a saw-mill and also a tolerably well-cultivated farm[44] ». Ainsi, le fils de James McConnell, Richard voyant les limites du réseau de transport à l’ouest des chutes Chaudières, s’associe rapidement au projet de la construction de la route macadamisée.

Jusqu’en 1831, la ferme voisine est développée par Ithamar Day installé sur le lot 15 aux rapides Deschênes. Cette ferme sur le rang 1 est traversée par une route transversale au chemin Britannia tracé à la limite des premier et deuxième rangs du canton de Hull. « Son intersection avec le chemin d’Aylmer formait un carrefour achalandé qui était considéré comme le cœur de la municipalité[45] ». Cette route nommée le chemin Deschênes (Vanier) mène à la scierie et au poste de traite de ce marchand indépendant et ancien négociant de fourrure de la Compagnie du Nord-Ouest.
Le chemin Deschênes partage alors le lot 15, rang 1 en deux à partir des rapides, Il remonte vers le chemin Britannia au nord jusqu’aux pieds des collines de la Gatineau au chemin de la Montagne.

L’intersection des chemins Deschênes et Britannia (Vanier) connaît une affluence qui est d’abord conditionnée par le mouvement migratoire et le déplacement de la main d’œuvre dans le canton de Hull. L’industrie du bois attire plus de 25 0000 à 30 0000 hommes dus à l’accroissement de la demande pour cette matière ligneuse[46]. Louis Taché ajoute que « le premier mouvement de colonisation et d’exploitation forestière se fit dans la direction tant de la ville d’Aylmer que du chemin de la Montagne[47] ». Le chemin Deschênes débutant sur le lot 15, rang 1 du canton de Hull devient alors un lieu marquant l’essor de la colonisation, des voies de transport, du commerce et des premières industries sur la rivière des Outaouais.

Le souci du développement du réseau de communication vise à rentabiliser le transport des matériaux et les provisions nécessaires à la construction et à l’exploitation des ressources (traite de fourrures, industrie du bois, agriculture)[49]. « Parmi ces dirigeants locaux se trouvent également les gros exploitants qui s’engagent à fournir, chaque année, des quantités déterminées de bois d’œuvre et de douves pour les trains de bois en direction de Québec[50] ». Robert Conroy joue aussi un rôle important dans le recrutement de la main-d’œuvre et dans l’établissement des colons sur les deux rives de la rivière des Outaouais[51]. Il est de ces bâtisseurs voulant rendre la région plus attrayante afin de rentabiliser ses divers investissements.

Les mystères du pont de Deschênes

Menacé par le chemin de fer qui s’amène à Bytown par la rive sud de la rivière des Outaouais, Conroy acquiert l’ensemble du lot 15 et le lot 16 sur le rang 1 du canton de Hull et le lot 26, rang 1 du canton de Carleton à Nepean sur la rive sud de la rivière des Outaouais en prévision d’un pont probable aux rapides de Deschênes où il pourrait retirer un revenu des frais de péage en plus de mettre en valeur ses propres industries sur le lot 15 [51,a] . Ces nouvelles acquisitions immobilières de Robert Conroy se trouvent au centre des discussions d’un tracé de chemin de fer sur la rive nord de la rivière des Outaouais. 

« Le 24 octobre 1853, John Egan lance l’idée d’un chemin de fer entre Montréal et Aylmer et adresse une circulaire à cet effet aux intéressés de son comté[52] ». Le chemin de fer permettrait de maintenir le rôle central d’Aylmer en tant que lieu de transit entre l’est et l’ouest canadien en plus d’éloigner les marchands des Chaudières de leur emprise sur le transport du bois. Le chemin de fer ouvrirait ainsi les entreprises des marchands d’Aylmer aux marchés extérieurs. Les marchands ayant collaboré à la construction du chemin macadamisé d’Aylmer reviennent en force avec le projet ferroviaire.

En 1853, une compagnie à charte Montreal & Bytown Railway est formée par des marchands de Montréal dont la majorité est francophone a déjà l’appui de la ville de Montréal, de Terrebonne et du comté du Lac-des-Deux-Montagnes[53]. Leurs efforts sont soutenus par les marchands de bois de la région de l’Outaouais comprenant entre autres Thomas McKay, Nicholas Sparks, Joseph Aumond, John Egan, Charles Symmes et Robert Conroy[54] de Nepean et d’Aylmer.

Le tracé de cette compagnie ferroviaire propose de joindre Montréal à Bytown en passant sur la rive nord de l’Outaouais pour ensuite traverser la rivière près des rapides Deschênes et rejoindre Nepean, ensuite Richmond, Perth et Kingston au Canada-Ouest. À ce point, il y a même des rumeurs qui vantent l’hypothèse que cette ligne pourrait rejoindre l’est et l’ouest du Canada.

Malheureusement, la malchance et les difficultés financières de la compagnie à charte conduisent à l’abandon de la construction de cette ligne de chemin de fer qui n’a réussi qu’à bâtir le tronçon reliant Carillon à Grenville à la fin des années 1850.  Ainsi, l’idée d’un pont entre les cantons de Hull et de Carleton à Nepean ne s’est pas concrétisée. Il demeure que plusieurs tracés de chemin de fer suivent et c’est en 1879 que la compagnie Quebec, Montreal, Ottawa et Occidental Railway est terminée jusqu’à Aylmer[55]. Il se rend aux usines de la famille Conroy installées sur le lot 15-a aux rapides de Deschênes.

Le Pontiac, Pacific Junction Railway (PPJR) prend le relais d’Aylmer jusqu’au comté du Pontiac. « Quelques années plus tard, la vente d’une partie du terrain à la Compagnie de Chemin de fer de Pontiac and Pacific (plus tard la Compagnie Canadien Pacific) et l’établissement de voies ferrées jusqu’à proximité des moulins révèlent un volume de production important dans l’économie régionale ». La PPJR propose de nouveau l’idée d’un pont interprovincial à Deschênes où « il lui sera loisible d’imposer et de recevoir des droits, péages et loyers pour l’usage du pont[56] ». Ce projet de construction propose encore d’unir ainsi le village Deschênes à Nepean à l’ouest d’Ottawa. Il n’y aura aucun pont reliant les deux communautés à Deschênes malgré les nombreuses études et propositions à ce sujet jusqu’en 1980.

Conclusion

À son décès le 5 avril 1868 en tant que maire du village d’Aylmer[57], Robert Conroy est un propriétaire d’hôtels, un négociant de bois, un marchand important en plus d’avoir des parts importantes dans l’établissement du réseau de transport et des meuneries à farine et des scieries aux rapides Deschênes et à Aylmer[58].  À son époque, Robert Conroy est un des hommes des plus influents en Outaouais, il décède la même année que deux autres associés et bâtisseurs d’Aylmer : Charles Symmes et Peter Aylen[59]. Robert Conroy meurt au début de son 2e mandat en tant que maire d’Aylmer en 1868. Cette époque annonce alors une période de profondes transformations dans l’usage des biens fonciers de la famille Conroy et dans la vocation industrielle du village d’Aylmer.


[1] J.M. Gourlay, History of The Ottawa Valley (1896, 2008), new index by Mary Bole (2010), image reprint CD, (Milton, Ontario: Global Heritage Press, 2010), p. 172.

[2] Ibid. ; Je n’ai pu trouver le sens de cette affirmation.

[3] Richard Bégin, L’hôtel British d’Aylmer : au cœur de l’histoire de la Vallée de l’Outaouais », Histoire Québec, Novembre 2004, Volume 10, Numéro 2.

[4] Michael Newton, « Some notes on Bytown and the fur trade », p. 16-17. Michael Newton note que « The McConnell family of Hull withdrew from the fur trade in 1846-1847, so that the HBC now had well-financed « regular opposition », but « petty » traders continued to abound ».

[5] Chad Gaffield, L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p.146.

[6] Rivalités politiques et économiques locales : Bytown (Ottawa, Ontario), Nepean (Ontario) sont des villes qui soumettent leur candidatures pour devenir la capitale du siège législatif permanent de la Province du Canada (Canada-Uni). Hull, Buckingham et Ottawa sont ses rivales économiques dans l’industrie du bois. Le complexe des chutes de la chaudière Chaudière entre Ottawa et Hull rivalise avec les entreprises hydroélectriques aux rapides Deschênes.

[7] Ibid.

[8] Louis Taché, Le Nord de l’Outaouais, p. 203.

[9] Manon Leroux,  L’Autre Outaouais, p. 97.

[10] Bouchette, Joseph, Dictionnaire topographique de la province du Bas-Canada, Suvervor-general of Lower-Canada OF THE LIT. AND HIST. SOC. OF QUEBEC, AND CORRESPONDING MEMBER OF THE SOC. OF ARTS AND SCIENCES, LONDON. (LONDON) , Longman, Rees, Orme, Brown, Green, and Paternoster-Row, 1832.

[11] Manon Leroux,  L’Autre Outaouais, p. 97.

[12] Patricia Drew Pommainville, « Les bateaux à vapeur d’Aylmer », Les grands moments d’Aylmer’s Great past times, 150 ans d’histoire à Aylmer Québec 1847-1997, p.30.

[13] Ibid. p. 204. – Aussi voir – 4° — En 1818, l’ancien Ktiné, qui s’appelait Hyatt’s Mill depuis 25 ans, ne mérite plus de porter le nom du fondateur loyaliste Gilbert Hyatt : les notables du hameau, en tête William Bowman Felton, intercèdent auprès du gouverneur du temps pour qu’on rebaptise l’endroit d’un nom qui sonne vraiment londonien, et Lord Sherbrooke condescend à donner son nom à la future métropole des Eastern Townships.5                   Cette simple con- version d’une appellation porte tout un sens. La mode se propage, et plusieurs localités naissantes gagnent aussi de s’orner d’une désignation qui les apparente à la cour royale: Drummondville (en l’honneur du gouverneur Sir Gordon Drummond), Lennox- ville et Richmond (en l’honneur de Charles Lennox, due de Richmond, gouverneur), Charleston (en l’honneur du Prince Régent Charles), Aylmer (en l’honneur du gouverneur Lord Matthew Aylmer), Victoria (en l’honneur de la grande reine), Georgeville (en l’honneur du roi George). Dans – p.236 – « The Eastern Townships Contemplated as a British Stronghold » dans Maurice O’Bready Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 15, n° 2, 1961, p. 230-255.

[14] Gaffield, Chad et al., L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p. 110. Robert Conroy est un des premiers investisseurs dans le développement de la compagnie de bateaux vapeurs sur l’Outaouais supérieur connu sous le nom Upper Ottawa Steamboat Company. P154, D6, Fonds de la Famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy, 21 juillet 1879, Aylmer, Centre d’archives de l’Outouais, BAnQ.

[15] Robert Conroy détient toujours des parts dans cette compagnie à son décès en 1868. P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[16] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 9.

[17] Diane Aldred, Le Chemin d’Aylmer, p. 25.

[18] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 25.

[19] Taché, Louis & al. Le Nord de l’Outaouais. Manuel-Répertoire d’Histoire et de Géographie régionales, Le Droit, Ottawa, 1938, p. 206-207.

[20] Lucien Brault, Aylmer d’hier/ Aylmer of Yesterday, Institut d’histoire de l’Outaouais, Aylmer (Québec), 1981, page 26. L’auteur affirme que ces données sont tirées du recensement de 1841.

[21] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 24.

[22] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[23] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[24] Une publicité dans le journal Bytown Gazette annonce que le Aylmer Hotel (Auberge Symmes) est le village le plus agréable du Bas-Canada le 6 septembre 1837.

[25] Gary Blair, Villes et villages de la région de la Capitale nationale, La Commission de la Capitale nationale, Ottawa, 1975, p. 56.

[26] Richard Bégin, De l’Auberge Conroy à l’hôtel British, p. 24

[27] Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 176.

[28] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[29] La famille Conroy vend leurs établissements hôteliers en 1902. IDENTIFIER DOCUMENT

[30] Traduction libre de cette citation : « Some, such as Robert Conroy, held no limits, but continued to bring rafts to market throughout the 1840s and early 1850s » (Reid, 1990 :lxvi).

[31] Robert Conroy est qualifié de Lumberer dans le registre paroissial de l’Église Saint-James. Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853 [Parish Register 429], p. 129.

[32] Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », p. 168.

[33] Au baptême de sa fille Charlotte Anne, la mention Tavern Keeper est raillée dans le registre paroissial de l’église Saint James dans Parish register for Saint James’s Church, Hull, Lower Canada, covering the years 1831-1853, Parish Register 429, p. 129.

[34] Pierre-Louis Lapointe, « L’évolution spatiale de la ville d’Aylmer : 1801-1983 », Les grands moments d’Aylmer’s Great past times, 150 ans d’histoire à Aylmer Québec 1847-1997, Musée d’Aylmer et Société d’histoire de l’Outaouais, Hull (Québec), 1997, page 23.

[35] Brault, Lucien, Aylmer d’hier/ Aylmer of Yesterday, Institut d’histoire de l’Outaouais, Aylmer (Québec), 1981, p. 241.

[36] Diane Aldred, Aylmer Québec, Its heritage, son patrimoine, Association du patrimoine d’Aylmer,  Aylmer (Québec), 1989, p. 56.

[37] Guitard, Michelle, Quartier de Deschênes, p. 20.

[38] Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », p.172.

[39] Louis Taché, Nord de l’Outaouais, p. 136.

[40] Le 15 novembre 1849, John Egan, Joseph Aumond, Robert Conroy, Richard McConnell s’assemblent à l’hôtel British d’Aylmer et décidèrent de former « The Bytown and Aylmer Union Turnpike Company’ dans l’intention de construire une route macadamisée et de gravier, du pont suspendu Union au quai d’Aylmer » dans Ville d’Aylmer, Symmes Landing, Recherche historique et Évaluation patrimoniale du site de Symmes Landing situé dans la ville d’Aylmer, comté de Hull. Direction du patrimoine du Ministère des Affaires culturelles (Québec) et la division des Affaires publiques de la Commission de la Capitale nationale (Ottawa), 1983, p. 15.

[41] Ville d’Aylmer, Symmes Landing, p. 15

[42] Ibid. p. 54.

[43] Diane Aldred, Le Chemin d’Aylmer, p. 28.

[44] Joseph Bouchette, Dictionnaire topographique de la province du Bas-Canada.

[45] Diane Aldred Le Chemin d’Aylmer, p. 178.

[46] Données tirées du Ottawa Citizen, c. 68 An Appeal to Emigrants, 6 September 1851dans Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », The Upper Ottawa Valley to 1855, The Champlain Society in Cooperation With The Ontario Heritage Foundation, Carleton University Press, Ottawa, 1990, p. 167.

[47] Louis Taché, Le Nord de l’Outaouais, p. 203.

[48] Diane Aldred Le Chemin d’Aylmer, p. 178.

[49] Ville d’Aylmer, Symmes Landing, Recherche historique et Évaluation patrimoniale du site de Symmes Landing situé dans la ville d’Aylmer, comté de Hull. Direction du patrimoine du Ministère des Affaires culturelles (Québec) et la division des Affaires publiques de la Commission de la Capitale nationale, 1983, p.12.

[50] Gaffield, Chad et al., L’histoire de l’Outaouais, Les régions du Québec ; 6, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994,  Québec, p. p.134.

[51] Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », The Upper Ottawa Valley to 1855, The Champlain Society in Cooperation With The Ontario Heritage Foundation, Carleton University Press, Ottawa, 1990, p. 168. Journal Ottawa Citizen ,1851  Annonce retenue par Richard M. Reid démontre « The following gentlemen, resident in the neighbourhood will furnish on application all needful advice and information ; and they have undertaken to give the fullest direction to Emigrants, whether their subject be labour or settlement ; – Joseph Aumond, Esq. Bytown ; Messrs, C & R McDonnel, do ; John Egan & Co., Aylmer ; John Foran, Esq., Robert Conroy, Esq., do ; (…)

[51,a] P 154 D6, « Fonds de la famille Conroy, Inventaire après décès de Robert Conroy », Aylmer, 21 juillet 1879, Centre d’archives de l’Outaouais, BAnQ.

[52] Lucien Brault,  « Aylmer d’hier / of yesterday », 1981, p. 140-141

[53] Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, Volume 3, ‪Les éditions du Septentrion, Sillery (Québec), 1996, p. 127 ; Richard M. Reid, « Introduction, C. From Timber to lumber », The Upper Ottawa Valley to 1855, p. lxxxvii-lxviii.

[54] Ibid, tiré du « Ottawa Citizen, 5 apr. 1851 » par Richard M. Reid.

[55] Lucien Brault, Aylmer d’hier, p. 141 ; Chad Gaffield, Histoire de l’Outaouais, p.112.

[56] Lucien Brault, Aylmer d’hier, p.142.

[57] Les témoins de l’acte de décès : Alfred Driscoll, (gendre et époux d’Eleanor Conroy, fille de Mary McConnell et Robert Conroy) et Robert Hughes Conroy, avocat et négociant de bois à Aylmer (fils de Mary McConnell et Robert Conroy). Parish register for Christ Church, Aylmer, Canada West, covering the years 1864-1869 [Parish Register 432].

[58] Anson Gard, Pioneers of the Upper Ottawa and Humors of the Valley – With new Introduction by Ryan Taylor (1999), image reprint CD (Milton, Ontario: Global Heritage Press, 1999, 2009),  page  88.

[59] Robert Conroy, Charles Symmes et Peter Aylen sont aussi enterrés au cimetière de l’Ouest situé sur le chemin Britannia (Aylmer). Dans « 1868 A NOTABLE YEAR », Anson Gard, Pioneers of the Upper Ottawa and Humors of the Valley – With new Introduction by Ryan Taylor (1999), image reprint CD (Milton, Ontario: Global Heritage Press, 1999, 2009), p. 124. Le cimetière de l’Ouest devient la propriété de Mary McConnell dès * . VOIR – Inventaire après décès Mary McConnell.

L’hôtel British d’Aylmer

L’hôtel British d’Aylmer

Le secteur Aylmer de la ville de Gatineau compte de nombreux bâtiments historiques qui comme l’hôtel British, ont vu évoluer de près l’histoire de la région de la capitale fédérale. Ses propriétaires sont du groupe de bâtisseurs du village. Aylmer est aussi le lieu où s’installe l’élite régionale qui a des liens étroits avec la bourgeoisie marchande de Montréal, de Québec et de la Grande-Bretagne pendant une bonne partie du 19e siècle. Incorporé en 1847, le village devient rapidement la plaque tournante du transport en bateau-vapeur sur la rivière des Outaouais. Les voyageurs en transit vers le nord-ouest s’arrêtent aux chutes de la Chaudière. Un service de diligences accueille les passagers des vapeurs en transit vers le Nord-ouest canadien. Les diligences empruntent le chemin macadamisé jusqu’au lac Deschênes conduisant les passagers vers le confort des hôtels d’Aylmer. Rafraîchis après une soirée dans le luxueux hôtel British ou un autre établissement hôtelier du village, ils embarquent sur un vapeur au débarcadère Symmes pour poursuivre leur voyage sur l’Outaouais supérieur.

Sketch of the British Hotel in Aylmer, Quebec 71, rue Principale Built by Robert Conroy in 1834 Drawing Source: National Capital Commission Heritage, page 37
Sketch of the British Hotel in Aylmer, Quebec
71, rue Principale Gatineau
Construit par Robert Conroy en 1834
Source : Patrimoine de la Commission de la capitale nationale du Canada,
page 37

Robert Conroy fait construire l’hôtel British en 1834[1], étant ainsi l’un des plus anciens bâtiments historiques de la ville de Gatineau.  L’hôtel ouvre ses portes en 1841 en plus de loger la famille de Robert Conroy et Mary McConnell. L’architecture de l’hôtel British est réfléchie. Les murs de plus d’un mètre d’épaisseur protègent efficacement contre le froid hivernal. « On rapporte qu’aucun autre hôtel ne pouvait se comparer au Canada, à l’époque ; Bytown (Ottawa) n’avait alors qu’une simple cabane en bois rond comme hôtel, près du pont des Sapeurs [2] ». L’hôtel compte plusieurs bâtiments, dont l’auberge originale, l’ancienne résidence des Conroy et l’écurie en arrière. Le voyageur bénéficie ainsi des services de location de chevaux et de voitures à l’écurie de l’hôtel. En fait, l’ensemble du bâtiment est le plus ancien hôtel canadien exploité à l’ouest de Montréal[3].

Les propriétaires Robert Conroy et son épouse Mary McConnell y vivent jusqu’en 1847. Une section de l’hôtel a longtemps servi de résidence personnelle. La famille Conroy aménage à côté de leur hôtel ce qui amène probablement les recenseurs à inscrire la famille comme des résidents de l’hôtel en 1851. Ce recensement indique que Robert Conroy est originaire d’Irlande et qu’il est l’époux de Mary McConnell, née dans la région. Elle est la fille de William McConnell, un des grands propriétaires terriens et exploitants de fourrure et de bois du canton de Hull. William McConnell est un des associés de Philemon Wright. Lui et ses deux frères, James et Georges, se sont établis à l’ouest des chutes de la Chaudière le long des deux premiers rangs du canton de Hull. Ils sont aussi les seuls du groupe d’associés à Wright à ne pas être originaires des États-Unis. Les Conroy se joignent à l’élite locale et investissent dans la construction d’un moulin à farine fonctionnant à la vapeur, le Aylmer Bakery. Cette association avec l’élite amène Robert Conroy à devenir l’hôtelier le plus prospère et à partir de 1850, un marchand de l’industrie du bois des plus imposants de la région.

Le recensement de 1851 mentionne aussi que la famille Conroy vit toujours à l’hôtel avec leurs six enfants âgés entre 2 et 13 ans (James, Elenor, Maria, Robert, Charlotte, William). La famille compte plusieurs employés. Il y a la jeune gouvernante écossaise, Jane Gibb, qui est chargée des enfants. Les autres résidents de l’hôtel sont tous des employés de la famille Conroy sauf pour Georges S. Carter qui y installe son étude d’avocat en 1844. Les Conroy ont à leur service les servants Pat Kelly, un Irlandais catholique, Sam Bell, un irlandais presbytérien et Bridget Lynch, Ann Connelly, deux Irlandaises catholiques. Elisabeth Lowe est la seule employée d’origine américaine et le recensement indique aussi qu’elle est noire. L’entretien de l’hôtel revient aux journaliers Owen Sullivan, un irlandais catholique, Georges Cunningham, un irlandais n’affirmant pas sa religion et monsieur Fletchard, anglican anglais. Le recensement indique que le commis est un jeune Canadien catholique de 24 ans dénommé J. W. Carr.

L’hôtel devient rapidement un haut lieu d’activités et de festivités. Les premières élections municipales à Aylmer sont tenues à l’hôtel en 1847. « Et on prétend même qu’Aylmer aura été la première municipalité à connaitre des élections démocratiques au sein de l’Empire britannique, en dehors de la mère patrie » (Bégin, 1997 : 29). L’hôtel sert à la fois de salle d’assemblée au premier conseil municipal et en 1871, de Cour supérieure du district de l’Ottawa. Il s’y organise les réunions au sujet de la construction du premier chemin macadamisé à l’ouest de Montréal à partir du pont de l’Union aux chutes des Chaudières (Chemin d’Aylmer aujourd’hui). Un comité y prépare aussi la mise en candidature pour obtenir le nom d’Ottawa afin d’accueillir l’Assemblée législative permanente du Canada-Uni. Les francs-maçons de la région s’y réunissent. L’hôtel sert tantôt d’église et d’école.

Les festivités y sont aussi nombreuses. On y célèbre en toute élégance la naissance du Prince de Galles, le futur roi Édouard VII, en 1842. Plus tard, ce dernier vient d’ailleurs prononcer un discours du haut de la véranda de l’hôtel British en 1860. Le prince de Galles est alors en visite dans la région pour poser la première pierre de l’édifice du parlement d’Ottawa. L’hôtel a une élégante et vaste salle aménagée pour les bals et les fêtes. Il y a aussi une salle de billard équipée de tables luxueuses. La salle à manger invite les convives à une des grandes tables de la région offrant des vins, spiritueux et cidres d’excellentes qualités.

Il y a peu de registres de l’hôtel qui ont survécu jusqu’à ce jour. Il est alors difficile de connaitre l’historique des occupants de ce vieux bâtiment de l’inventaire immobilier de la famille Conroy. Robert Conroy opère l’hôtel jusqu’à son décès en 1868. Son épouse Mary prend la relève jusqu’en 1887. Elle saura enchantée de sa voix ses invités lors d’une soirée mondaine où s’annoncent joyeusement les résultats des élections fédérales le 18 septembre 1878. Le maître de cérémonie, révérend Robinson, annonce que John Alexander Macdonald est élu. « Tout le monde a applaudi chaudement l’annonce[4] ». Il n’y a aucune trace des transactions à l’hôtel pendant que les premiers propriétaires gèrent l’hôtel British. Le couple loue leurs opérations hôtelières à partir de 1850 voulant se concentrer davantage dans le commerce du bois et l’exploitation de leur ferme aux rapides de Deschênes. L’hôtel demeure toutefois un bien de la famille Conroy jusqu’en 1902.

L'hôtel British d'Aylmer Source BAnQ
L’hôtel British d’Aylmer
Source BAnQ

Les seuls registres à avoir survécu datent de 1893 à 1896. Le bien est alors de l’inventaire immobilier de William Jackson Conroy et son frère, Robert Hughes. Elisabeth Grant gère l’hôtel. Les registres comptent des entrées intéressantes. Cependant, l’hôtel a toujours été reconnu pour le service offert aux grandes personnalités politiques canadiennes. Plusieurs rumeurs persistent au sujet de ce lieu de rencontre de l’élite canadienne. Pierre-Louis Lapointe rapporte que lors de la veille funéraille de Robert Conroy en 1868, quatre étrangers très nerveux se sont introduits en cours de soirée. Ce soir-là coïncide avec le premier assassinat d’un politicien au Canada, Thomas D’Arcy McGee. La rumeur court dans la famille Conroy que ces hommes étaient les assassins et qu’ils se sont présentés à Aylmer pour établir leur alibi. Un autre homme est accusé du meurtre malgré que plusieurs doutes persistent sur son innocence. Il est néanmoins  la dernière personne à être pendue au Canada. Les rumeurs maintiennent que les coupables étaient plutôt des révolutionnaires nationalistes irlandais Fénien menant une lutte armée contre la présence britannique en Amérique. Les légendes veulent aussi que John Alexander Macdonald ait siroté une bière à l’hôtel British d’Aylmer.

Autres que les mentions dans les journaux locaux et les rumeurs, c’est seulement les registres qui peuvent confirmer que l’hôtel British était un lieu d’influence et de rencontres des politiciens dans la région. Le registre de 1895 confirme que les trois filles et le fils de Charles Tupper aient séjourné à l’hôtel. Cette même année le premier ministre canadien, Makenzie Bowell, Sir Charles Tupper, son successeur, Sir Adolphe Caron comte de Westmeath de l’ambassade britannique aux États-Unis et Julius G. Lay  se sont aussi réunis à la British. Richard Bégin note qu’il est troublant de reconnaitre que le Parlement canadien traite à cette époque de la question des écoles du Manitoba qui devient l’une des crises les plus dommageables de l’histoire du Canada[5]. Il faut aussi rendre compte qu’à l’époque, Aylmer est très impliquée dans les discussions du projet de construction du canal de la baie Georgienne qui aurait maintenu son statut de plaque tournante du transport vers l’ouest du Canada à la suite de l’arrivée du chemin de fer dans la région.

Ainsi, en voyant la richesse des faits d’une seule série de registres, quelques articles dans les journaux de l’époque et des rumeurs qui se font toujours courir entourant les personnalités ayant fréquenté l’hôtel British, il ne peut se nier l’influence de l’élite d’Aylmer dans la construction du Canada contemporain. Nul ne peut se douter que ce bâtiment historique a souvent été au centre des activités sociopolitiques du 19e siècle. Et si seulement ces murs de plus de 160 ans d’histoire à Gatineau pouvaient parler…


[1] Gary Blair, Villes et villages de la région de la Capitale nationale, La Commission de la Capitale nationale, Ottawa, 1975, 56 pages.

[2] Richard M. Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British, Association du patrimoine d’Aylmer, Gatineau, 1993, page 26.

[3] Répertoire du patrimoine culturel du Québec, hôtel British, Ministère de la culture et de la communication du Québec, Québec. (Consulté le 28 juin 2013). 

[4] Cité de Promenade Concert at Aylmer dans l’Ottawa Citizen du 18 septembre dans Richard M. Bégin De l’auberge Conroy à l’hôtel British, p. 43.

[5] Richard M. Bégin, De l’auberge Conroy à l’hôtel British,  p.44.

Autres références :

Richard Bégin, L’hôtel British d’Aylmer : au coeur de l’histoire de la Vallée de l’Outaouais, Histoire Québec, Novembre 2004, Volume 10, Numéro 2,
http://www.erudit.org/feuilletage/index.html?hq1056841.hq1059863@44 (Consultés le 28 juin 2013)

Public archives of Canada, Microfilm, 1955, Recensements- 1851, Number 16, sheet Recensement personnel – District de recensement, no 1, de of village Aylmer 31,

Feuille 1 – http://www.collectionscanada.gc.ca/base-de-donnees/recensement-1851/001005-119.02-f.php?&sisn_id_nbr=28658&page_id_nbr=15955&interval=20&&f=jpg&PHPSESSID=9mtc7ce1k078ajp6oj3rc3mdv1

Public Archives of Canada,  Microfilm, 1955, Recensements- 1851, Number 16, sheet Recensement personnel – District de recensement, no 1, de of village Aylmer   31
Public Archives of Canada,
Microfilm, 1955, Recensements- 1851, Number 16, sheet
Recensement personnel – District de recensement, no 1, de of village Aylmer 31

Feuille 2 / Feuille 3- http://www.collectionscanada.gc.ca/base-de-donnees/recensement-1851/001005-119.02-f.php&sisn_id_nbr=28658&page_id_nbr=15956&interval=20&&f=jpg&PHPSESSID=9mtc7ce1k078ajp6oj3rc3mdv1

e002309834-feuilles 2-3- Recensement 1851

Valeur patrimoniale de l’hôtel British

Aylmer d’Antan, Partie 1, Cybermagazine Patrimone de l’Outaouais.

Hôtel British, Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Ministère de la Culture et des communications du Québec.

Voir aussi dans ce répertoire : Robert Conroy, Maison Robert-ConroyMaison Conroy-McDonald

Patrimoine, Secteur Aylmer, Ville de Gatineau

Hôtel British, Fonds et collection du Patrimoine de Gatineau.

L’hôtel British dans les médias

L’hôtel British est de nouveau au centre des discussions politiques ce printemps. Les travaux de rénovation et de mise en valeur du patrimoine a soulevé toute une polémique politique chez des élus municipaux. Voici quelques articles tirés du journal Le Droit traitant de l’hôtel British en juin dernier.

17 juin 2013, Le British Hôtel «dévisagé»Le chantier du British Hotel sera inspecté

19 juin 2013, British Hotel: mise en demeure contre le conseiller Riel

20 juin 2013, British Hotel: la démolition était conforme 

21 juin 2013, British Hotel: Riel reconnaît certaines fautes